Les enfants de la guerre d’Espagne ou les parcours sinueux de la mémoire

Didier CorderotUniversité Blaise Pascal, ESPE Clermont-Auvergne
Paru le : 04.07.2018

Rosa Hernández, que nous appellerons Rosita, est sur le point de fêter ses neuf ans lorsque, le 27 août 1936, elle entend les premières bombes larguées sur Madrid par l’aviation allemande qui est venue prêter main-forte aux rebelles responsables du coup d’État contre le gouvernement républicain, déclenché quelques semaines auparavant. Elle habite au 92 rue Alcalá où, depuis la mort de son père un an auparavant, elle vit seule avec sa mère, employée à l’hôpital des toreros. Rosita se souvient aujourd’hui encore des sirènes qui retentirent les jours suivants à l’approche des avions, et de l’ordre de descendre dans la cave de l’immeuble que sa mère lui intimait alors qu’elle-même s’y refusait. Les longues vacances de l’été 1936 signifièrent pour Rosita, comme pour la plupart des enfants espagnols, l’irruption dans son univers de la peur, de la violence, de la mort et de la séparation. Dès le mois d’octobre, à la suite de la mise en place par le gouvernement républicain d’un Comité de réfugiés, elle est évacuée à Valence, puis confiée à une famille de la bourgade de Xeraco qui l’hébergera jusqu’à la fin de la guerre avec le souhait non dissimulé de l’adopter, lui faisant croire un temps que sa mère l’a oubliée.

Ses peines ne s’arrêtèrent pas là puisqu’elle fit un séjour au préventorium d’Aguas de Busot, dans la province d’Alicante, pour y être soignée, en compagnie de nombreux autres enfants, d’une forme bénigne de la tuberculose. Sa mère, venue entretemps travailler à l’hôpital de Valence  pour se rapprocher de sa fille, lui rendit alors visite régulièrement. Au lendemain de la guerre, toutes deux rentrèrent à Madrid dans un climat de privation alimentaire et de répression. Rosita se souvient ainsi du compagnon que sa mère avait connu à Valence et qui fut arrêté puis exécuté pour son appartenance au Parti communiste espagnol. Ce bref récit est à la fois extraordinaire par la succession de faits traumatisants et banal dans la mesure où Rosita partagea le sort de milliers d’autres enfants déplacés qui formèrent la cohorte de ceux qu’on appelle les « enfants de la guerre1 ». Pourtant, les recherches les concernant ont tardé   à se constituer en un champ historique à part entière, en partie à cause de la diversité des trajectoires, mais surtout parce que le pouvoir franquiste niait toute reconnaissance des expériences et violences subies par les vaincus, et a fortiori par leur « progéniture ».

On peut considérer que le processus de réappropriation de ce passé, refoulé même après la mort de Franco, au nom de l’amnistie promulguée en 1977 par le Parlement, débuta véritablement au milieu des années 1980, et ce, à l’initiative des générations postérieures, mues par la quête des origines. Ce mouvement de récupération d’un pan de la mémoire historique, d’abord porté par des initiatives privées ou par des associations, n’a eu droit de reconnaissance officielle qu’au milieu des années 2000. On le voit, être enfant de la guerre d’Espagne va désormais de pair avec une reconnaissance publique. Tout irait pour le mieux si le cadre légal n’avait pas un caractère aussi exclusif. En effet, certains récits demeurent enfouis. Comme nous allons tenter de le montrer, le processus de reconstruction mémorielle de cette « génération blessée2 », très largement instrumentalisée lors du conflit, ressemble à un puzzle dont certaines pièces sont encore manquantes.

ENTRE LA QUESTION HUMANITAIRE ET LA PROPAGANDE

Lorsque les troupes nationalistes entamèrent le siège Madrid au mois d’octobre 1936 et que les avions de la Luftwaffe larguaient leurs bombes sur le centre de la ville, les premières personnes à être évacuées furent les petits Madrilènes. Pour cela, on réquisitionna des trains, des taxis, des camions, des voitures particulières ou encore des autobus. On envoya pas moins de 50 000 enfants dans des régions entièrement contrôlées par la République, c’est-à-dire principalement dans la zone du Levant espagnol et en Catalogne. Ils furent hébergés dans des colonies, très souvent tenues par des membres de la Confédération nationale du travail (CNT), l’organisation anarcho-syndicaliste, mais la plupart du temps on les plaça dans des familles d’accueil. Au fil des mois, les victoires franquistes successives obligèrent les républicains à solliciter l’aide de pays étrangers. La première expédition officielle d’enfants vers ces pays eut lieu le 20 mars 1937. Elle emmenait 450 enfants à l’île d’Oléron ; elle fut suivie de celle de 72 autres en URSS – il y eut au total quatre expéditions vers la patrie du communisme, source alors de nombreux fantasmes chez les plus jeunes. Le bombardement de Guernica le 26 avril 1937 et la chute de Bilbao le 17 juin de la même année furent à l’origine de l’embarquement de 4 000 enfants basques sur le navire Habana qui fit route vers le Royaume-Uni. Auparavant, le 10 juin 1937, 451 enfants avaient embarqué à  Bordeaux à destination de Veracruz, d’où ils se rendirent à Morelia. On les reçut chaleureusement. Ils devinrent ensuite les « enfants de Morelia ».

Au total, ils furent plus de 30 000 à être envoyés à l’étranger, 20 000 furent accueillis en France, 5 000 en Belgique, 4 000 en Grande-Bretagne, 2 895 en URSS – ceux qu’on appela les « enfants de Russie » furent logés dans des Maisons d’Enfants espagnols créées pour l’occasion (Zafra, Greco, Heredia, 1989) –, 463 au Mexique, 430 en Suisse, 100 au Danemark, etc. Une expédition aux États- Unis n’aboutit pas. Pour beaucoup, la défaite républicaine transforma l’évacuation temporaire en exil définitif comme ce fut le cas pour les « enfants de Russie » et les « enfants de Morelia ». À ces enfants évacués, il faut ajouter quelque 68 000 autres qui abandonnèrent l’Espagne avec leur famille lors de l’exode de 19393.

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ill. 1 Aide Madrid. L’aviation fasciste passe sur la capitale de la République. Toi, fais-tu quelque chose pour éviter cela ? Junta Delegada de Defensa de Madrid, Delegación de Propaganda y Prensa, 1936.

Il ne fait aucun doute que l’élan humanitaire – doublé dans certains cas de motifs politiques – de ces différents pays fut décuplé par les campagnes de propagande nationales et internationales qui se centrèrent sur le sort réservé aux enfants par l’ennemi fasciste. C’est ce dont témoigne  une affiche d’une composition très simple de la Junte de Défense de Madrid (ill. 1) qui montre deux fillettes scrutant le ciel d’où vient le danger4. Elles se donnent du courage en se tenant la main mais sont condamnées à se terrer dans un égout. Elles incarnent la peur et l’innocence. L’apostrophe contenue dans le texte est une invitation à prendre fait et cause pour la République, seule garante de la protection des enfants5. Les photomontages, qui fleurissent pendant cette période, incitent à une même mobilisation. La manipulation des images permet d’en renforcer le dramatisme et l’impact. Josep Renau, affichiste révolutionnaire avant le conflit, nommé aux fonctions de directeur général des Beaux-Arts dans le gouvernement du socialiste Francisco Largo Caballero, en a fait sa spécialité6.

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ill. 2 Joseph Renau, Estudios n° 158, novembre 1936.

Le bourgeois exploiteur de l’enfance visible dans les pages de la revue Estudios en 1932 est remplacé en 1936 dans la même revue par l’aviation meurtrière et destructrice d’un ennemi sans foi ni loi (ill. 2). L’enfant victime est omniprésent dans les nombreuses affiches qui exhortent à évacuer Madrid, comme celle signée par Pedrero (ill. 3) qui représente l’effroi d’une mère et de ses enfants causé par l’aviation nationaliste, de même que le chaos environnant dans une composition aux lignes géométriques qui contrastent avec les lignes courbes de la mère protectrice et de la figure allégorique de la République veillant sur ses enfants.

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ill. 3 Pedrero, Evacuez Madrid. Confiez votre famille à la République, Junta Delegada de Defensa de Madrid, Delegación de Propaganda y Prensa, 1936.

Ces éléments (mère et enfant, aviation ennemie, peur et destruction) seront le leitmotiv de la propagande républicaine pour alerter l’opinion publique. L’image qu’on retient aujourd’hui est évidemment celle de Guernica, le tableau de Picasso réalisé pour le pavillon de la République lors de l’Exposition internationale de Paris en 1937 en réaction au bombardement de la ville basque, où une mère se tourne vers le ciel pour crier sa douleur et maudire les avions meurtriers qui viennent de tuer le fils qu’elle porte dans les bras. En revanche, on a oublié une autre oeuvre se trouvant alors dans le même pavillon. Il s’agit du tableau d’Horacio Ferrer intitulé d’abord Madrid 1937, puis Los aviones negros (ill. 4), accroché à l’entrée de la section d’arts plastiques, bien plus apprécié du grand public (Alix Trueba, 1997, p. 81-82).

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ill. 4 Horacio Ferrer, Madrid 1937 ou Los aviones negros, 1937, huile sur toile, 148×129 cm, Musée Reina Sofia, Madrid.

Dans un genre radicalement opposé à celui de l’œuvre de Picasso, il représente le même motif de l’alma mater dont la souffrance est insupportable. Ce motif est repris dans une affiche d’Antonio Cañavate (ill. 5) empreinte de symbolisme où trois mères et leur enfant (sorte de vierges laïques à l’enfant), drapées dans de longs châles rouges, répondent symétriquement à trois avions synonymes de mort – leur silhouette s’apparente à celle des Junkers 52 qui bombardèrent Madrid. L’évacuation de la capitale, exprimée sous forme d’injonction (« Évacuez Madrid »), est une condition   indispensable à la préservation du cycle de vie.

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ill. 5 Antonio Cañavete, Évacuez Madrid, Junta Delegada de Defensa de Madrid, Delegación de Propaganda y Prensa, 1937.

Le ministère de la Propagande, créé en novembre 1936 et confié à Carlos Esplá7, fit un usage intensif de ce motif, comme le montre une affiche qui reprend la question culpabilisatrice de la campagne de la Junta de Defensa abordée précédemment, en la modifiant légèrement : « Que fais-tu pour éviter cela ? » (ill. 6).

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ill. 6 Mariano Rawicz (?), Que fais-tu pour éviter cela ? , Ministerio de Propaganda, 1937.

L’influence du constructivisme russe, qui prône une construction géométrique de l’espace, y est manifeste avec l’omniprésence du rectangle et de la ligne droite. La vision en contre-plongée d’une mère tenant son fils dans ses bras, à nouveau sous la menace d’avions qui sèment la mort, place le spectateur dans la situation inconfortable du témoin oculaire dont le regard est happé par celui des deux victimes. Les recherches ont montré cependant que l’image est manipulée. La mère et l’enfant ne sont pas des réfugiés (ill. 7), ils font partie de la foule qui assiste au passage du cercueil de l’anarchiste Buenaventura Durruti le 22 novembre 1936 à Barcelone.

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ill. 7 Photographie anonyme, 22/11/1936, Arxiu Nacional de Catalunya.

La foule a disparu pour mieux isoler la détresse et faciliter le processus d’identification. Il en va de même pour le salut républicain de l’enfant, supprimé afin d’évacuer toute signification partisane. Le photomontage circula sous des formes diverses dans de nombreux pays (ill. 8).

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ill. 8.

Un degré supplémentaire dans l’intensité dramatique est franchi avec l’utilisation de photographies de cadavres d’enfants prises à la suite du bombardement par l’aviation allemande le 30 octobre 1936 de la ville de Getafe – située à 13 km de Madrid – qui fit 125 morts dont 60 enfants (ill. 9).

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ill. 9 “Assassins ! Qui en voyant cela n’empoigne pas un fusil pour écraser le fascisme destructeur ? Enfants tués à Madrid par les bombes des factieux. Victimes innocentes de cette horrible guerre déclarée par les ennemis de l’Espagne.” Rafael Pérez Contel, Ministerio de Propaganda, Alliança d’intelectuals per a Defensa de la Cultura, Valence, 1936-1937

Les photographies furent prises à l’institut médico-légal de Madrid par un photographe du Commissariat de la Propagande de la Généralité de Catalogne. Son directeur, Jaume Miravitlles, comprit qu’il tenait là des preuves accablantes contre les nationalistes et décida de faire imprimer   10 000 jeux de photographies qui furent envoyées dans le monde entier, en particulier à l’empereur du Japon, à Hitler, à Mussolini, et au Pape8. La presse internationale les reproduisit. La revue Regards, le magazine illustré du Parti communiste français qui tirait à 100 000 exemplaires9, les inséra dans un article dont le titre faisait écho au célèbre « J’accuse » de Zola, 11 jours après les événements (ill. 10).

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ill. 10 Regards, n° 148, 11/11/1936

On y voit une série de neuf clichés d’enfants tués lors du bombardement. Ils portent à leur cou des étiquettes qui les identifient. Deux autres photographies en plan large montrent la morgue remplie de cadavres. Les enfants morts condamnent définitivement le fascisme. La mise en garde qu’on lit dans l’article doit inciter à la mobilisation : « Voici, mères françaises, ce qui attend vos enfants si le peuple français ne s’unit pas indissolublement contre la minorité des factieux ». Elle sera reprise en des termes proches dans des affiches du ministère de la Propagande, lesquelles semblent n’avoir eu qu’une diffusion internationale. La photographie du cadavre d’une petite fille – l’un des neufs clichés évoqués   précédemment – apparaît au premier plan ; au second plan, des avions quadrillent le ciel à la manière d’un cimetière (ill. 11).

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ill. 11 Ministerio de Propaganda, 1936-1937

Josep Renau, à son tour, reprendra ces clichés dans un photomontage qui rappelle les compositions de John Heartfi eld : Hitler en ogre assoiff é de sang y arbore un bonnet de Père Noël ridicule à l’effi gie de la Waff en-SS. À ces affiches et photomontages macabres, qui sont autant de condamnations de la barbarie de l’ennemi, s’opposent ceux qui rendent compte du bonheur retrouvé des enfants désormais à l’abri de la violence et faisant partie intégrante du projet d’une société régénérée par le sport et la culture.

CONTRE-PROPAGANDE

 

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ill.12 Les marxistes intensifient l’évacuation d’enfants de Madrid. Plus de 30 000 malheureux petits furent déportés en Russie, au Mexique… El Diario Vasco, 15/12/1937

Les nationalistes tentèrent d’allumer des contre-feux en Espagne et à l’étranger pour contrecarrer ces campagnes désastreuses pour leur image. La presse multiplia les articles pour présenter les évacuations comme un vol d’enfants transportés massivement en Russie (ill. 12) – rappelons que moins d’un dixième y furent envoyés – où ils connaîtraient « la faim, l’abandon, la bagarre au coin d’une rue avec des chiens faméliques pour un os ou un quignon de pain sec, la persécution morale ; l’analphabétisme ; le froid », comme   on peut le lire dans l’hebdomadaire phalangiste Fotos10. La contrepropagande en direction de l’étranger fut confiée au Service Extérieur de la Phalange Espagnole avec l’appui de l’État franquiste naissant11. En août 1937, les journaux firent leur une sur le rapatriement de 108 enfants basques évacués en France deux mois plus tôt depuis le sanatorium de Górliz. Le journal ABC de Séville titra : « L’inique commerce des enfants espagnols12 ». Ceux-ci furent reçus en grande pompe par les autorités locales soucieuses de l’écho médiatique à donner à l’événement. Les généraux Cabanellas et Moscardó furent aussi conviés. Cependant, en dehors des enfants accueillis en Belgique, en Angleterre, en Suisse et au Danemark, il fallut attendre 1939 pour assister à des retours massifs en Espagne. À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, on estime à 20 000 le nombre de ceux qui rentrèrent en Espagne. Le Mexique et l’URSS opposèrent  un refus aux demandes de retour du régime franquiste. La plupart des « enfants de Russie » durent attendre au moins vingt années – la première expédition partit d’Odessa en septembre 1956 – avant d’obtenir des autorités soviétiques et espagnoles l’autorisation de rentrer en Espagne. En 2010, on dénombrait encore 171 survivants parmi les enfants espagnols arrivés en 1937 vivant en Russie et en Ukraine13. L’Auxilio Social – Secours social – fondé par la Phalange en mai 1937, qui travailla conjointement avec la Junte de Protection des Mineurs, fut une pièce maîtresse dans la prise en charge des enfants rapatriés. La publicité faite autour de leur arrivée, systématiquement photographiée par le service de propagande de l’Auxilio Social, devait permettre de montrer la générosité du nouveau régime (ill. 13).

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ill. 13 Auxilio Social “Retour dans leur foyer des enfants évacués par les rouges”, 1939, Archivo General de la Administración, Alcála de Henares.

Les photographies qui en émanent et l’iconographie montrent des foyers d’une propreté irréprochable, où les « victimes de la barbarie marxiste » faisaient l’objet de soins attentifs, recevaient une éducation adéquate et mangeaient tout leur soûl (ill. 14).

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ill. 14 Carlos Sáenz de Tejada, Auxilio Social, 1939, Miranda de Ebro.

Pendant et après la guerre civile, ces foyers, qui exerçaient la tutelle sur les orphelins et les enfants de prisonniers républicains, servirent avant tout à « éroder les mémoires et les identités des plus jeunes et à rééduquer les citoyens de la Nouvelle Espagne » (Cenarro, 2010, p. 73). Le principe de « ségrégation totale », défini par le commandant psychiatre Antonio Vallejo Nágera, responsable du Cabinet de recherches psychologiques de l’armée, était destiné à « combattre la propension dégénérative des enfants ayant grandi dans une atmosphère républicaine » (Vallejo Nágera, 1941, p. 7). Ces théories pseudoscientifiques justifièrent l’appropriation des enfants des détenus ou des orphelins et leur adoption le cas échéant par des familles proches du régime. Une loi adoptée en 1941 « légalisa » cette situation en permettant de changer le nom des mineurs qui ne se souvenaient pas de ce dernier, de ceux qui étaient rapatriés ou dont les parents n’étaient pas localisés (Souto, 2015, p. 74). Le régime franquiste avait désormais tous les droits sur les enfants de « rouges ». Il en alla autrement pour ceux qui étaient restés à l’étranger.

LA DIASPORA DES ENFANTS ÉVACUÉS

Les « enfants de Morelia » et ceux de Russie, en raison de leur séjour volontaire ou forcé dans les pays d’accueil, ont assez vite disposé de lieux de sociabilité leur permettant de retisser les liens d’une expérience traumatisante commune. Dès 1948, une mutualité Mexique-Espagne fut mise en place afin de faciliter la naturalisation des « enfants de Morelia » et servit postérieurement à entretenir entre eux des relations. Le Centre espagnol de Moscou comme lieu de rencontre pour les « enfants de Russie » fonctionna à   partir de 196514. Ces exemples constituent néanmoins des exceptions. Jesús Javier Alonso Carballés, qui s’est penché sur le cas des enfants basques, souligne qu’il a fallu attendre le cinquantenaire de la guerre civile pour que naisse la première association d’enfants de la guerre (Alonso Carballés, 2011). En effet, l’association des Enfants basques évacués en 1937 fut créée en août 1986. Un an plus tard, presque un millier d’« enfants de la guerre » étaient réunis à Euba, une localité de Biscaye. Leur point commun était d’avoir embarqué pour le Royaume-Uni. En plus de ce retour symbolique, des voyages furent organisés vers les pays qui les avaient alors accueillis. En 1992, dans le sillage de cette association fut fondée en Belgique l’Association des Enfants de la Guerre avec une dimension surtout amicale et récréative. D’autres associations, créées par les enfants ou par leurs petits-enfants virent ensuite le jour, à l’image de l’Association des Enfants Basques du Royaume-Uni fondée en 2002 afin de réunir ceux que la Grande-Bretagne avait pris en charge en 193715. Son ambition est surtout de préserver leur mémoire en collectant témoignages écrits et oraux, archives, photographies, lettres, documents, etc., pour leur redonner la place qui leur revient dans l’histoire ; à cet égard, l’une des tâches de l’association est d’établir des lieux de mémoire qui permettent de spatialiser cette expérience singulière et de la divulguer (Sabín Fernández, 2010). Ce programme de récupération et de fixation de l’histoire par le biais des mémoires individuelles est partagé par l’Association des Descendants de l’Exil, basée au Mexique, également fondée en 2002, mais qui concerne, quant à elle, tous les « fils de la diaspora républicaine16 ». Autre différence : elle se propose de réclamer auprès des autorités espagnoles la possibilité de retrouver pour les descendants de l’exil de 1939 la nationalité espagnole. Tout comme l’Association pour la Récupération de la Mémoire Historique17, née à la fin de l’année 2000 pour coordonner le travail d’exhumation de fosses communes de victimes de la répression franquiste, cette association revendique un retour au régime de la République renversée en 1936, puis à nouveau liquidée par le rétablissement de la monarchie par Franco lui-même qui désigne en 1969 Juan Carlos comme son successeur. Il s’avère que les enfants devenus des adultes se sont dans la plupart des cas identifiés à l’idéologie de leurs parents. La constitution de ces associations, qui fédèrent des mémoires isolées, a permis la reconnaissance par la société et le politique d’un exil des enfants. Une loi adoptée le 18 mars 2005 reconnaissait des droits à percevoir des indemnités aux « enfants de la guerre », « déplacés à l’étranger et ayant passé la majorité de leur vie en dehors    du territoire national ». La loi dite de Mémoire historique de 2007 paracheva cette reconnaissance en prenant des dispositions permettant aux fils et aux petits-fils de ceux qui avaient dû renoncer à la nationalité espagnole de l’acquérir, tout en réévaluant les pensions des derniers « enfants de Russie ». Sur le plan de la communication, cette reconnaissance s’est traduite par la création d’un site internet abrité par le ministère espagnol de la Sécurité sociale et de l’Emploi dédié aux « enfants qui ne sont jamais rentrés18 ». Plus symboliquement, toujours en 2007, le président socialiste José Luis Rodríguez Zapatero, en voyage officiel au Mexique, ne manqua pas de rendre visite à l’association des « enfants de Morelia ». La dynamique ne s’interrompt pas cependant ; pour preuve, l’Association Enfants de la Guerre Civile d’Argentine, créée en 2009, qui s’adresse à tous « les déplacés à l’étranger pendant leur enfance à cause de la Guerre Civile », a assisté les descendants d’exilés souhaitant demander la citoyenneté espagnole. Hormis la mission de sauvegarder une mémoire dont les détenteurs s’éteignent peu à peu, on retiendra que pour ses fondateurs le partage d’« expériences émotionnelles » doit servir à tisser des liens intergénérationnels.

L’entreprise mémorielle a dépassé depuis longtemps le cadre communautaire. Elle est devenue l’affaire de pans entiers de la société espagnole. Les associations d’enfants de la guerre civile mais aussi d’enfants d’exilés se sont multipliées. Le succès du documentaire Los niños de Rusia, en 2001, de Jaime Camino, qui n’était pourtant pas le premier à recueillir les témoignages de ceux qui pour la plupart avaient attendu désespérément de pouvoir rentrer dans leur pays, témoigna d’une demande sociale de cette mémoire. La fréquentation publique d’expositions telles que L’exil des enfants organisée en 2003 conjointement par les fondations socialistes Pablo Iglesias et Francisco Largo Caballero, ou celle consacrée par la Bibliothèque nationale d’Espagne aux dessins d’enfants pendant la guerre civile, en 2006, sont d’autres signes patents de cette valorisation. En 2011, à la suite de la découverte de ce qu’on a appelé la valise mexicaine, en réalité 3 boîtes en carton contenant 4 500 négatifs de photos prises pendant la guerre civile par Robert Capa, Gerda Taro, David Seymour alias « Chim », une exposition de photographies inédites eut lieu au Musée national d’art de Catalogne. Dans le prolongement de l’événement, ce musée, en collaboration avec le Periódico de Catalunya, activa au mois d’octobre de la même année un site internet où furent reprises cinquante-trois photographies montrant plus de 200 enfants anonymes dans le but de « les identifier, reconnaître des lieux ou des situations ou commenter les images19 ». Un mois plus tard, une première personne unanise reconnut sur l’une de ces photographies20. En 2012, l’historienne Verónica Sierra Blas, dont les travaux sur les enfants s’inscrivent dans le sillage de ceux d’Alicia Alted Vigil, était à l’origine d’une exposition sur les « enfants de Russie » : « Entre España y Rusia. Recuperando la historia de los niños de la guerra [Entre l’Espagne et la Russie. Pour reconstruire l’histoire des enfants de la guerre]. Inaugurée à Alcalá de Henares, elle poursuit depuis son travail de divulgation historique et mémorielle sur le territoire espagnol : Murcie, Ségovie, Madrid, Santander, Coria del Río (Séville), Oliva (Valence), Las Palmas (Canaries) et, à la fin de l’année 2017, La Junquera (Gérone). Citons, pour clore cette série d’expositions, celle organisée en juin 2016 à Barcelone par les Archives nationales de Catalogne en lien avec l’association Guerre et Exil21. Son titre, « Los Niños de la Guerra explican su vida, explican tu historia » [Les enfants de la Guerre Civile expliquent leur vie, expliquent ton histoire], démontre la place qui est faite désormais par la société espagnole à ce chapitre de son histoire nationale. Cette expérience douloureuse du déracinement a dorénavant droit de cité ; on pourrait même dire que l’Espagne honore aujourd’hui ceux qui l’ont vécue ainsi que leur descendance. Malheureusement, beaucoup d’autres expériences d’enfants sont demeurées et demeurent encore indicibles.

L’EXIL INTÉRIEUR

Plus inavouable et de fait beaucoup moins présente dans l’espace public est la mémoire de ceux qui ont vécu sous le joug franquiste. Celle de ces enfants qui furent marqués au fer rouge de l’appartenance politique de leurs parents, condamnés et souvent exécutés au nom de la loi de responsabilités politiques de février 193922. La violence et la faim furent leur quotidien. Les structures qui les prirent en charge ou l’Église leur firent payer lourdement ce péché originel. Dans l’Espagne rurale, ils servirent fréquemment de main-d’œuvre gratuite et leur soumission garantit leur survie. Beaucoup intériorisèrent cette étape de leur vie et renoncèrent définitivement à demander réparation pour cette expérience ignominieuse. Dans les années de Transition démocratique qui consacrèrent le retour en force de la mémoire de l’exil, ceux qui, enfant, avaient vécu un exil intérieur23 se gardèrent de toute revendication tant ils désiraient rompre avec ce passé douloureux. C’est le cas des   enfants passés entre les mains de l’Auxilio Social, dont l’emblème est une hydre, symbolisant le communisme, terrassée par le poignard d’un vaillant phalangiste (ill. 15 et 16).

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ill. 15 Dortoir de l’Auxiolio Social, Miranda de Ebro (Burgos), 1945
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ill. 16 “Pour la mère et l’enfant. Pour une Espagne meilleure” Carlos Sáenz de Tejada, 1938 (?)

Fait révélateur : en dépit du nombre considérable d’enfants assistés quotidiennement, soit dans les cantines – on en compte 2 847 en 1939 –, soit dans les foyers – ceux-ci sont au nombre de 86 en 1942 pour 8 566 enfants, et de 106 en 1947 pour 14 132 enfants –, aucune association les regroupant n’a vu le jour jusqu’à présent, ce qui rend impossible la constitution d’une mémoire collective, laquelle ne peut advenir qu’après confrontation des mémoires individuelles comme l’a montré Maurice Halbwachs (Halbwachs, 1925). Cette situation est sans aucun doute le fruit du lavage de cerveau qu’y subirent les enfants et de l’isolement dans lequel ils vécurent. C’est paradoxalement par le biais de la bande dessinée que cette mémoire refit surface à partir de 1977 grâce à la série Paracuellos de Carlos Giménez, un ancien pensionnaire des foyers de l’Auxilio Social (ill. 17).

ill. 17 Carlos Giménez, Paracuellos, 1977.
ill. 17 Carlos Giménez, Paracuellos, 1977.

La narration de Paracuellos adopte le point de vue de l’enfant soumis aux brimades perpétuelles des instructeurs ou des religieux. Il a fallu attendre néanmoins les années 2000, et en particulier les travaux d’Ángela Cenarro, pour avoir enfin accès à un ensemble de témoignages des enfants de vaincus qui avaient vécu dans ces internats (Cenarro, 2006, 2009). La plupart y vécurent le traumatisme de la séparation même si, a posteriori, ils n’accusent pas unanise   mement les responsables de ce système. Simón de Paz, qui dut quitter son village de la province de Tolède pour être placé très jeune dans le foyer qui portait le nom de Batalla del Jarama [Bataille du Jarama], plus connu comme Paracuellos – celui-là même où séjourna Carlos Giménez –, se rappelle cinquante ans plus tard le sentiment d’abandon éprouvé à son arrivée :

Nous n’étions jamais sortis du village, nous n’avions jamais vu une maison de quatre étages […] tandis que là-bas, à Paracuellos, je me souviens que la première chose que tu trouves c’est un dragon. Tu dois savoir comment il est le dragon, n’est-ce pas ? Le dragon avec un poignard dans la gueule, rends-toi compte, pour un enfant de six ans, voir un poignard comme ça, voilà l’accueil de l’Auxilio Social, terrible. Tu rentres là-dedans, des portes énormes qui existent encore, parce qu’en réalité j’y suis retourné grâce aux souvenirs… Et une cour, très silencieuse, une cour toute en pierres, les bancs et tout le reste très propre, très bien tenu, mais très sombre… De quoi être très en colère. Et puis plus rien… ma mère me laisse là, je vois qu’elle s’en va… et c’est tout… ça c’était horrible ! (Cenarro, 2009, p. 130)

Rosita, que j’ai évoquée en ouverture de ce travail, n’a connu ni l’exil ni les foyers de l’Auxilio Social. Lorsqu’elle rentra à Madrid, elle reprit le chemin de l’école. Elle se rappelle encore qu’elle y chantait régulièrement le Cara al sol, l’hymne phalangiste. Ses instituteurs avaient changé, l’épuration était passée par là. Faute de moyens, sa mère la plaça chez une couturière. Elle travailla ensuite chez un chapelier puis dans un salon de coiffure. Elle suivit parallèlement des cours de danse, discipline dont elle fit son métier dans une Espagne où les artistes avaient très mauvaise réputation. Paradoxalement, alors que Franco et les siens avaient volé une partie de son enfance, elle ne conçut pas de haine pour eux. N’avaient-ils pas épargné sa mère ? Par ailleurs, le discours officiel avait porté ses fruits. Bien plus tard, dans les années 1990, elle apprit que la résidence à Madrid où habitaient sa fille et son gendre était construite à l’emplacement même de l’ancienne prison des femmes de Ventas, là même où elle passait en se rendant à l’école, rue Marqués de Mondéjar et rue Rufino Blanco. Une prison moderne, inaugurée pendant la IIe République, qui devint ensuite un des hauts lieux de la répression franquiste, où l’on entassait les prisonnières de droit commun et les prisonnières politiques. Les secondes y vécurent un enfer, torturées et violées par leurs geôliers. Lorsque leurs enfants ne mouraient pas de faim ou de maladie, on les leur retirait à l’âge de quatre ans, soit pour les placer dans des internats, soit pour les faire adopter. Rosita avait enfoui dans sa mémoire les cris de ces femmes qu’elle entendait pourtant sur le chemin de l’école. Il avait fallu plus d’un demi-siècle pour que ce souvenir remonte à la surface car pour Rosita, comme pour beaucoup d’enfants de cette période, la résilience avait eu un prix : celui de l’oubli !

BIBLIOGRAPHIE

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Cenarro, Ángela,   2006, La sonrisa de Falange. Auxilio Social en la guerra civil y en la posguerra, Barcelone, Crítica.

Cenarro, Ángela,  2009, Los niños del Auxilio Social, Barcelone, Crítica.

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Zafra, Enrique, Greco, Rosalía, Heredia, Carmen, 1989, Los niños evacuados a la URSS (1937), Madrid, Ediciones de la Torre.

1 La réduction de ce groupe aux enfants qui furent envoyés à l’étranger tient à des raisons juridiques et financières car seuls ceux qui furent évacués à l’étranger ont été et sont susceptibles de toucher une indemnité. C’est le sens de la définition qu’on peut lire sur le site internet officiel « Enfants de la guerre », créé dans le sillage de la loi du 26 décembre 2007 dite « loi de mémoire historique » : « Sont désignés comme “Enfants de la guerre” les citoyens espagnols qui, au cours de leur minorité, furent déplacés dans d’autres pays, en particulier en France, en Angleterre, en Belgique et en Russie, et dans une moindre mesure dans des pays comme la Suisse, la Norvège, le Danemark, la Suède et le Mexique, à cause de la Guerre civile. Pour avoir droit à une indemnité il faut avoir été déplacé à l’étranger pendant sa minorité, entre le 18 juillet 1936 et le 31 décembre 1939, et avoir vécu la majeure partie de sa vie en dehors du territoire national. […] » [Se conoce como « Niños de la Guerra » a aquellos ciudadanos de origen español que, durante su minoría de edad, fueron desplazados a otros países, en especial a Francia, Inglaterra, Bélgica y Rusia, y en menor medida a otros países como Suiza, Noruega, Dinamarca, Suecia y México, como consecuencia de la Guerra Civil. Para tener derecho a una prestación es preciso haber sido desplazado al extranjero durante su minoría de edad, entre el 18 de julio de 1936 y el 31 de diciembre de 1939, así como haber desarrollado la mayor parte de su vida fuera del territorio nacional.], http://www.memoriahistorica.gob.es/es-es/prestaciones/Paginas/ninos.aspx (consulté le 20/11/2017).

2 L’expression est proposée par l’écrivain Ana María Matute. Elle l’applique à la génération d’auteurs qui, pendant leur enfance, furent témoins de cette guerre (Mangini, 1987, p. 97).

3 Nous empruntons la plupart de ces chiffres à un ouvrage essentiel de l’historienne Verónica Sierra Blas (Sierra Blas, 2009, 2016).

4 Cette junte fut créée en novembre 1936. La photographie qui figure sur l’affiche est de Manuel Albero et Francisco Segovia.

5 « L’aviation fasciste survole la capitale de la République. Toi, fais-tu quelque chose pour éviter cela ?  ».

6 Josep Renau revendique l’influence de l’Allemand John Heartfield.

7 Ce ministère n’eut qu’une courte existence en tant que tel puisqu’il prit fin avec la nomination au poste de chef du gouvernement de Juan Negrín en mai 1937. Ses services furent rattachés au ministère de l’Intérieur.

8 Mi Revista, n° 9, 15/2/1937.

9 Regards reproduisit régulièrement dans ses reportages consacrés à la guerre d’Espagne les photographies de Robert Capa, Gerda Taro et de David Seymour dit « Chim ».

10 « A Rusia. Es decir, a un mundo totalmente ajeno. Millares de criaturas espa.olas van a correr en Moscú, en Petrogrado, en Kiew, en Nijni-Nowjorod, el martirio que padecen millones de niños rusos: el hambre, el abandono, la disputa en una esquina como perros famélicos por un trozo de hueso o de un mendrugo de pan duro; la persecución moral; el analfabetismo; el friío, el hambre, el abandono, la disputa en una esquina como perros famélicos por un trozo de hueso o de un mendrugo de pan duro; la persecución moral; el analfabetismo; el frío. », Fotos, n° 6, 3/04/1937.

11 En janvier 1938, le premier gouvernement du régime franquiste créa une Délégation Extraordinaire de Rapatriement de Mineurs [Delegación Extraordinaria de Repatriación de Menores] d.pendant du ministère des Affaires étrangères.

12 « El inicuo comercio con los niños españoles », ABC, Séville, 10/08/1937.

13 Pilar Bonet, « Los últimos “niños de la guerra” », El País, 9/05/2010.

14 Le Centre espagnol de Moscou, qui connaît depuis quelques années des problèmes financiers de fonctionnement, dispose d’un site internet qui témoigne d’activités récentes : http://centroespanolmoscu.ru/ (consult. le 20/11/2017).

15 http://www.basquechildren.org/association (consulté le 20/11/2017).

16 http://descendientesexilio.com/ (consulté le 20/11/2017).

17 http://www.memoriahistorica.org.es (consulté le 20/11/2017).

18 www.losninosquenuncavolvieron.es (consulté de 20/11/2017).

19 http://maletamexicana.elperiodico.com/index.html (consulté le 20/11/2017).  En 2012, le journal El País adopta une démarche similaire en publiant un nombre important de lettres de demande d’asile de républicains, accompagnées parfois de photographies, dans l’espoir que leurs auteurs ou leur famille se reconnaissent.

20 http://www.elperiodico.com/es/ocio-y-cultura/20111011/primeraprotagonista-maleta-mexicana-se-reconoce fotografia-chim-esta-ninasoy-yo-1177900 (consulté le 20/11/2017).

21 http://anc.gencat.cat/es/detall/noticia/Los-Ninos-de-la-Guerra (consulté le 20/11/17).

22 Cette loi établissait la responsabilité politique des personnes qui avaient depuis le 1er octobre 1934 « contribué à créer ou aggraver la subversion de toute nature dont a été victime l’Espagne ».

23 Pour reprendre le titre d’un ouvrage autobiographique de Miguel Salabert (Salabert, 1988). L’ouvrage fut publié à Paris en 1961 mais dut attendre plus de vingt-cinq ans pour l’être en Espagne.

Publié dans Mémoires en jeu, n°5, décembre 2017, p. 106-113