Séminaire de Mémoires en jeu

Paru le : 23.06.2021

 

 

Cycle de séminaires & rencontres de Mémoires en jeu

Mémoires. Enjeux. Questions critiques

Mémoires en jeu, en tant que revue et groupe de réflexion, inaugure une série de rencontres et de séminaires visant à développer les questions mémorielles dans un espace de recherche et de débat critiques. En effet, qu’il s’agisse de l’actualité ou des dispositifs fonctionnant dans nos sociétés, les questions liées au passé et aux formes qui lui sont données dans la culture nécessitent un éclairage transversal qui ne soit pas conditionné par des savoirs disciplinaires et cloisonnés, tout en se nourrissant de ce qu’ils nous apportent. Un tel parti pris vise à objectiver aussi bien les tendances normatives de ce que l’on nomme « mémoire » ou « mémoire collective », que des mots et des images dont on fait usage pour parler du passé. Ainsi, s’il y a un fil qui relie les séances de ce séminaire, c’est l’exigence d’articuler pensée critique et études mémorielles et, par là même, de contribuer à la fondation de celles-ci.

6 avril. « Les scénographies mémorielles in situ ».

Il s’agit de revisiter la façon dont les dispositifs mémoriels réorganisent les espaces extérieurs et leurs représentations mentales. Cette séance doit permettre de repenser la rencontre entre espace et mémoire et d’y évaluer la place qu’y tiennent, sur les plans à la fois épistémique et épistémologique, la notion de paysage et des acteurs aussi différents que les artistes, d’un côté, les touristes et spectateurs, de l’autre. Pour cela, Anne Bénichou (UQAM) interviendra sur « Les reenactments d’expositions coloniales dans les pratiques artistiques contemporaines ». Discutant.e.s invité.e.s : Anne Hertzog (Université de Cergy Pontoise) & Jordi Ballesta (CIEREC, Saint-Étienne). Séance organisée par Philippe Mesnard (CELIS).

Anne Benichou, «Les reenactments d’expositions coloniales dans les pratiques artistiques contemporaines»

Au cours des dernières décennies, des artistes tel.le.s Coco Fusco et Guillermo Gòmez-Peña, Mohamed Ali Fadlabi et Lars Cuzner, ou le collectif Action Zoo Humain reconstituent des dispositifs (réels ou fictifs) issus des expositions coloniales ou des sections coloniales des expositions universelles organisées dans les capitales et les grandes villes occidentales aux XIXe et XXe siècles. Ces reenactments se tiennent dans l’espace public, souvent sur les emplacements mêmes des événements du passé qu’ils reconstituent, aujourd’hui devenus des parcs urbains, des bâtiments patrimoniaux ou des lieux de divertissement. La plupart de ces propositions sont menées par des artistes originaires d’ex-colonies ou issu.e.s de minorités culturelles, à l’invitation d’institutions engagées dans des démarches favorisant les échanges interculturels et les processus décoloniaux. En dépit de cette conjoncture favorable à la compréhension de leur portée critique, ces propositions artistiques provoquent souvent les polémiques et les malentendus, suscitant des sentiments de malaise, de colère parfois d’humiliation. En cherchant à réinscrire dans les villes de manière directe et frontale un passé colonial occulté mais déterminant, ces artistes interrogent et mettent en tension les politiques et les esthétiques commémoratives qui façonnent les paysages urbains. Ils rejouent le passé pour comprendre le présent et révéler les désaccords inexprimés sur des enjeux sociaux brûlants d’actualité : les migrants, le racisme, les sans-papiers, la précarité, la mondialisation, les politiques migratoires, les rapports de domination géopolitiques, etc. À travers ces reenactments, le paysage mémoriel est pensé comme un espace anachronique, dialogique et dissensuel, une arène ou une agora dans laquelle on exprime et confronte ses désaccords, et on tente d’apprendre du passé comment coexister dans le différend.

Anne Bénichou est professeure de théorie de l’art à l’École des arts visuels et médiatiques de l’Université du Québec à Montréal où elle dirige également les programmes d’études supérieures en muséologie. Ses recherches portent sur les archives, les formes mémorielles et les récits historiques issus des pratiques artistiques contemporaines et des institutions chargées de les préserver et de les diffuser. Elle s’intéresse actuellement aux phénomènes de reenactment qui consistent à rejouer le passé en fonction d’enjeux actuels, ainsi qu’au « tournant performatif » des institutions artistiques et culturelles. Elle a publié Muntadas. Between the Frames: the Forum (Musée d’art contemporain de Barcelone, 2011), Un imaginaire institutionnel. Musées, collections et archives d’artistes (L’Harmattan, 2013) et Rejouer le vivant. Les reenactments, des pratiques culturelles et artistiques (in)actuelles (Presses du réel, 2020). Elle a dirigé les ouvrages collectifs Ouvrir le document. Enjeux et pratiques de la documentation dans les arts visuels contemporains et Recréer/Scripter. Mémoires et transmissions des œuvres performatives et chorégraphiques contemporaines (Presses du réel, 2010 et 2015). Ses écrits récents ont paru dans Entre-Temps, Intermédialités, Performance Research, Signata, Ligeia, Thema, Museologia & Interdisciplinaridad.

18 mai. Yitzkhok L. Peretz (1852-1915) et Bontshe sans-parole

Cette rencontre se fera autour d’un des écrivains les plus importants de la littérature yiddish, Yitzkhok L. Peretz (1852-1915) et, plus particulièrement, de sa nouvelle Bontshe sans-parole, jusqu’à présent inédite en français (traduite par Batia Baum). À travers le récit post-mortem d’un personnage de Juif stéréotypé, Peretz développe une critique sociale chargée d’ironie touchant la communauté et son rapport à la tradition. L’esprit de cette nouvelle emblématique de la modernité juive d’Europe de l’Est se retrouve jusque dans le Recueil Auschwitz, ce dernier témoignage rédigé clandestinement à Auschwitz en janvier 1945 (à paraître aux éditions Le Bord de l’eau, 2022). Avec Peretz, également co-auteur, en 1915, du premier appel à collecter des témoignages pour attester du péril qu’encouraient les communautés juives à l’Est durant la Première Guerre mondiale, on a une entrée de première importance pour comprendre le lien étroit que la modernité yiddish a tissé entre critique, écriture de l’histoire et littérature. Pour animer cette séance, on accueillera Batia Baum, traductrice du yiddish vers le français, et Marie Brunhes (Université de Lille) spécialiste de Y. L. Peretz. Séance organisée par Philippe Mesnard (CELIS).

1er juin. Le thème et le responsable de cette dernière séance avant l’été seront annoncés en avril. Ce cycle reprendra en septembre 2022.