Littérature mémorielle : une définition est-elle possible ?

Aurélie BarjonetUniversité Versailles Saint-Quentin (Centre d’Histoire culturelle des Sociétés contemporaines)
Paru le : 11.03.2022

Peut-on parler de « littérature mémorielle » pour caractériser tout texte littéraire écrit sur la mémoire historique ?

Occurrences du terme

« Littérature mémorielle » existe déjà, il peut qualifier les textes de mémorialistes (du XVIIe siècle par exemple, voir Papasogli p. 181-203). Il faudrait donc distinguer entre une « littérature mémorielle » de l’époque classique et une « littérature mémorielle » des XXe et XXIe siècle. La seconde, qui nous occupe ici, émergerait dans le contexte du Linguistic Turn, donc à partir des années 1970, et celui de la mémoire en tant que nouvel objet d’études (années 1980-1990).

L’usage du syntagme est encore rare, mais certaines occurrences laissent présager d’une fortune à venir. Il est par exemple utilisé au Québec, certainement par appui sur les « études mémorielles » (Memory Studies). Ainsi, dans un ouvrage consacré à Leonard Cohen, certains textes du chanteur sont donnés comme « s’insér[ant] bien dans le corpus de la littérature mémorielle dans la mesure où il insiste longuement sur la banalité du mal, met en scène le point de rupture absolue qu’est l’extermination et décrit le rapport brisé à l’Histoire en tant que science profane » (Auffret, p. 48).

En 1989, Régine Robin parlait de « roman mémoriel » pour définir « un ensemble de textes, de rites, de codes symboliques, d’images et de représentations » par lesquels « un individu, un groupe ou une société pense son passé en le modifiant, le déplaçant, le déformant, s’inventant des souvenirs, un passé glorieux, des ancêtres, des filiations, des généalogies » (1989b). Sous la plume de Régine Robin, le « roman mémoriel » serait donc un « roman familial » plus vaste et plus conscient – d’ailleurs, elle l’utilise pour qualifier son propre parcours intellectuel (1989a). Mais les écrivains contemporains, du moins français, qui écrivent aujourd’hui sur la mémoire cherchent rarement à déplacer, déformer, inventer des souvenirs, et encore moins un « passé glorieux ». Ils sont plutôt en quête de sens et d’identité. Ils cherchent à s’approcher à la fois d’une antériorité et d’une intériorité : ce sont souvent des « récits de filiation » (Viart, 2008, p. 79).

En 2012, Alexandre Prstojevic reprend le terme de « roman mémoriel » pour vilipender des textes d’auteurs contemporains qui déplacent le point d’appui « du domaine du témoignage à celui de l’interprétation historique » (p. 215), pensant surtout aux Bienveillantes de Jonathan Littell (2006) et à Jan Karski de Yannick Haenel (2009). Par « roman mémoriel », il entend donc une littérature d’après les événements, qui les évoque non pour en témoigner mais pour en proposer une interprétation personnelle.

Ces deux occurrences du « roman mémoriel » montrent que « littérature mémorielle » ne désigne rien de précis encore dans le contexte français et que lorsqu’il est utilisé de manière polémique, il sert à rejeter la littérature contemporaine qui porte sur la Shoah en vertu du présentisme dont se rendrait coupable l’auteur.

L’écriture contemporaine de l’histoire

Le terme de « littérature mémorielle » a une certaine force d’évidence pour qualifier la littérature contemporaine qui souhaite contribuer à écrire l’Histoire en s’attachant à un point de vue subjectif et en exposant un dispositif. Il s’agit de cette littérature qui affiche sa distance par rapport au roman historique et au réalisme du XIXe siècle et sa conscience des esthétiques de la modernité et de l’ère du soupçon. Une littérature fortement métatextuelle et hybride : hybride parce qu’elle mêle souvent le référentiel et le non-référentiel, transgresse les disciplines, les genres, métatextuelle parce qu’elle prend la forme de l’enquête, ce qui permet de montrer que la restitution du passé ne va pas de soi et de laisser s’exprimer une subjectivité. La « littérature mémorielle » contemporaine est une littérature d’investigation sur le passé et de réflexion sur la mémoire – l’auteur se trouvant irrémédiablement dans le présent.

Dans un article de 2009 intitulé « Nouveaux modèles de représentation de l’Histoire en littérature contemporaine », Dominique Viart distingue deux types de textes (« roman archéologique » et « fictions de témoignage ») et relève un certain nombre de procédés  (« éthique de la restitution », « écriture du scrupule »). Il y estime également que la « faille » dont parle Michel Foucault dans L’Archéologie du savoir « lance la recherche historique » et qu’aujourd’hui elle est même « au principe de l’écriture littéraire de l’Histoire » (p. 26). Emmanuel Bouju – bien conscient lui aussi que « la littérature contemporaine s’établit dans la conscience aiguë que le passé n’est jamais donné mais recomposé, reconfiguré à distance » – distingue pour sa part quatre tendances au sein du roman contemporain européen qui pratique la réécriture de l’Histoire : « la quête archéologique des traces, la reproduction idéale des voix-témoins, la fictionnalisation de l’archive ou encore l’élaboration contre-factuelle et uchronique. » (Bouju, 2010, p. 419).

Le terme de littérature mémorielle pourrait donc désigner cet ensemble d’éléments car la mémoire s’y exhibe dans ses silences, ses secrets, ses fantasmes, sa transmission, ses effets et ses manques. C’est une littérature qui ne cherche pas simplement à écrire l’Histoire, mais à montrer le passé comme un continent disparu, une Atlantide à conquérir, un savoir à extirper du refoulement, de l’oubli, des légendes familiales ou des mensonges de l’histoire officielle. À ce titre, les inspirateurs de l’actuelle littérature mémorielle s’appellent Claude Simon, Georges Perec, Patrick Modiano…

Pour être dites « mémorielles », les fictions de témoignage devraient assurément s’exhiber comme telles, en tant que fiction, comme c’est le cas des Bienveillantes de J. Littell (2006) ou – d’une autre façon – du Wagon d’Arnaud Rykner (2010), sous peine d’être assimilées à des « romans historiques ». De fait, même si elles exposent la fiction, ne sont-elles pas davantage des « romans historiques postmodernes » que de la « littérature mémorielle » ? La question se pose souvent, ainsi pour HHhH de Laurent Binet (2010). Mais un terme doit-il exclure l’autre ? « Littérature mémorielle » est certainement utile pour désigner une littérature qui assume une position subjective sur l’écriture de l’histoire mais, sur un plan plus technique, elle qualifie souvent des romans historiques postmodernes.

Caractéristiques

La littérature mémorielle ne vise pas d’abord la vérité historique, mais elle se pose toujours la question de la posture juste, c’est-à-dire éthique. C’est une littérature qui sait qu’elle travaille avec une « matière romanesque » un peu plus délicate que d’autres, et trouve à se montrer « responsable » (Napoli).

Il s’agit souvent d’une littérature qui passe par l’oblique (pour reprendre le titre de l’ouvrage de Philippe Lejeune sur Perec), d’une littérature des marges (ex. : Dans la guerre d’Alice Ferney) et parfois des possibles (ex. : Jan Karski de Yannick Haenel). Le récit d’Aziz Chouaki Les Coloniaux réussit même à exprimer à la fois les marges et les possibles.

Cette littérature ne saurait être qualifiée par un type d’écriture de soi tel le « récit de deuil » ou le « récit de maladie ». Le terme de « mémoire » ou de « mémoriel » est aujourd’hui suffisamment répandu pour que « littérature mémorielle » ne soit pas confondu avec une littérature autobiographique, bien que la littérature mémorielle se situe toujours au confluent de l’individuel et du collectif (comme le témoignage). Ce rapport peut être multiple : soit que le romancier a besoin de se pencher sur ses origines (confuses, inconnues, multiples) dans le cadre d’une quête identitaire (Histoire des grands-parents que je n’ai pas eus d’Ivan Jablonka), soit que le romancier passe par sa famille pour explorer la mémoire de la Grande Guerre (Les Champs d’honneur de Jean Rouaud), soit qu’il se penche sur des objets, des photographies, des souvenirs personnels pour tenter de dire le « nous » de différentes époques (Les Années d’Annie Ernaux), soit encore qu’il imagine un drame fictif pour alerter sur le danger d’une mémoire refoulée, comme la guerre d’Algérie (Des hommes de Laurent Mauvignier).

L’usage contemporain du mot « mémoire » (qu’on pense à « devoir de mémoire » ou «  loi mémorielle ») permet également de pointer vers la mémoire de violences historiques, qu’il s’agisse d’attentats, d’esclavage, de catastrophes naturelles, de guerres ou encore de génocides. L’on peut également tout à fait concevoir que « littérature mémorielle » serve à qualifier des violences économiques ou politiques, du moment qu’elles ont été vécues collectivement, qu’on pense par exemple à Atelier 62 de Martine Sonnet sur la mémoire ouvrière ou Le Jour où mon père s’est tu de Virginie Linhart sur mai 68. En revanche, L’Établi de Robert Linhart, père de cette dernière, se range du côté de la littérature testimoniale, non « mémorielle ».

La littérature mémorielle se place sous le signe de ce qui est aujourd’hui désigné comme le traumatisme. Elle est rarement joyeuse sinon quand le narrateur exprime sa satisfaction d’avoir réussi à mener une enquête archéologique sur les traces d’un passé familial. Ce dernier ne s’en trouve toutefois jamais changé, réparé. Tout au plus est-il restitué de manière pittoresque (Jonathan Safran Foer, Everything is Illuminated) ou avec un certain humour critique (Igor Ostachowicz, La Nuit des Juifs-vivants).

Une littérature de non-témoins ?

La littérature mémorielle est-elle forcément une littérature de non-témoins ? C’est Gary Weissman qui parle de « nonwitnesses », notamment contre la tendance qui consiste à imaginer une délégation du témoignage. Idéalement, ce serait le cas : d’un côté les témoins (majoritairement victimes) qui racontent leur vécu, de l’autre les non-témoins qui tentent de donner une idée juste d’un passé non-vécu. Mais il y a des témoins qui ont écrit des témoignages ayant acquis une valeur littéraire (Si c’est un homme, Primo Levi) et des romans (Les Jours de notre mort, David Rousset) ; et des écrivains qui partent à la conquête d’un passé vécu mais qu’ils peinent à se remémorer (Laura Alcoba, par exemple dans Manèges). De plus, aujourd’hui, la distinction « littérature vs. témoignage » n’est plus un problème ou ne se pose plus dans les termes qui furent ceux de Jean Norton Cru (1929) ou de Jean Cayrol (1953). À tous, la mémoire apparaît désormais comme sélective et lacunaire, ou pour le dire autrement, et avec Paul Ricoeur, l’on sait que celui qui vit l’événement et celui qui le relate par écrit ne sont jamais tout à fait les mêmes personnes : l’identité est « narrative » (Ricoeur, p. 355-356).

Il convient alors de distinguer entre « témoignages » (qu’ils soient littéraires ou non) et « littérature mémorielle » qui implique une réflexion sur la mémoire, dans la diégèse même. Les témoins sont tout à fait légitimes à exprimer leur difficulté à se remémorer et, ce faisant, ils sont amenés à glisser vers « le littéraire », non point compris comme « imagination » mais dans le sens de mise à distance créatrice et réflexive. Par rapport à « témoignage littéraire », « littérature mémorielle » serait donc une étape supplémentaire dans la mise à distance et la mise en scène de l’événement. De plus, l’auteur du premier viserait d’abord à porter des faits à la connaissance, l’auteur du second à faire œuvre, qu’il ait été ou non témoin de l’événement.

Pourquoi parler de littérature mémorielle, et non de littérature postmémorielle ? La « postmemory » est un terme forgé par Marianne Hirsch dans les années 1990, dans le contexte des études mémorielles américaines, notamment celles portant sur la Shoah. En 1997 (dans Family Frames. Photography, Narrative and Postmemory), Marianne Hirsch définit la postmémoire ainsi :

À mon sens, la postmémoire se distingue de la mémoire par la distance générationnelle et de l’histoire par une profonde connexion personnelle. La postmémoire est une forme très puissante et très particulière de mémoire, précisément parce que le lien qu’elle entretient avec son objet et sa source n’est pas celui des souvenirs, mais de l’investissement imaginaire et de la création1.

C’est donc un terme qui exclut précisément le témoin (pas de « souvenirs » mais un « investissement imaginaire »), tout en faisant quasiment de l’auteur d’une postmémoire un témoin second ou par procuration, voire un post-témoin (terme qui – s’il existait – serait un oxymore) puisque sous sa plume « la postmémoire est une forme très puissante et très particulière de mémoire » (ibid.). À la différence de « littérature postmémorielle » donc, « littérature mémorielle » associe le témoin et le non-témoin – autour de la volonté de faire œuvre littéraire – sans les confondre (il appartient d’ailleurs aux auteurs et aux éditeurs de ne pas entretenir la confusion). La notion de postmémoire séduit largement, certainement en raison du « post » qui permet de dire l’après et de renvoyer à la postmodernité ; mais, venant de l’art (photographie, installation), elle n’offre pas réellement d’outillage critique proprement littéraire.

Atouts et problèmes du terme « littérature mémorielle »

Un des avantages du terme est qu’il peut être accompagné de la précision de « deuxième génération » ou « troisième génération ». On peut aussi imaginer des distinctions du type « littérature mémorielle du point de vue des descendants de victimes » vs. « littérature mémorielle du point de vue des descendants de bourreaux », et d’autres syntagmes encore : « littérature mémorielle de violences historiques » « littérature mémorielle de l’exil » ou « littérature mémorielle d’un pays qui n’existe plus » (le monde juif d’avant la Shoah, la société de l’époque soviétique, la RDA…). C’est un terme qui favorise la comparaison et l’on doit se méfier de l’indistinction, comme c’est aussi le cas du terme du terme « mémoire multidirectionnelle » (Rothberg).

Que faire d’un texte qui n’évoquerait que la mémoire et jamais réellement l’événement ? Qu’on pense par exemple à L’Oubli de Frederika Amalia Finkelstein (2014), qui ‒ par rapport à la Shoah ‒ est de la 4e génération, ou à My Holocaust de Tova Reich (2007) ? Est-ce encore de la « littérature mémorielle » ? Probablement pas, il s’agit davantage d’une littérature sur  le  mémoriel puisque le premier est presque un essai littéraire, le deuxième un roman parodique.

Le terme de « littérature mémorielle » ne règle pas tout. Il empêche aussi certainement de mesurer à quel point la littérature mémorielle se veut aussi une littérature tournée vers le présent, voire vers le futur. C’est d’ailleurs la raison majeure pour laquelle plusieurs écrivains qui ont répondu à l’enquête de la revue Mémoires en jeu se distancient de l’étiquette « littérature mémorielle », et avec elle de toute étiquette.

« Enquête sur la littérature mémorielle » (2017)

Il est apparu, dans cette enquête, que la « littérature mémorielle » actuelle se caractérise par des associations habituellement contradictoires (empathie/distance, fiction/ témoignage, faits/rêves), des allers-retours et des modifications constantes de la perception, une accumulation de documents, notamment des images et des archives qui sont interrogées, ou encore par le recours à des points de vue singuliers, fragmentés (et non à un point de vue collectif et englobant comme l’est souvent celui de l’historien) et à d’autres médias (le dessin, la photographie) comme voie d’accès à l’événement.

Au terme de cette enquête, interrogé sur le terme de « littérature mémorielle », Dominique Viart se montre prudent, au motif que « la mémoire n’est pas un objet. C’est un accès. » Il lui semble donc plus important de distinguer entre « la mémoire acquise, fondée sur les choses vécues effectivement par le sujet, à la mémoire apprise, qui se rapproche de l’histoire, des choses lues, des choses sues », en l’occurrence de s’intéresser à « la gamme de mémoires » entre ces deux pôles – comme la « mémoire transmise » ou encore la « mémoire conquise » (Viart, 2017, p. 101).

Assurément, « littérature mémorielle » ne doit pas déboucher sur une vision trop lisse des œuvres et des motivations des auteurs, tant ils peuvent entretenir un rapport complexe à la mémoire vécue ou non-vécue et chercher le plus possible à sortir des représentations communes, des stéréotypes, sur la mémoire qu’ils abordent. C’est bien ce rapport à la mémoire vécue ou non-vécue, davantage qu’une appartenance à la « littérature mémorielle » qui importe pour analyser chaque oeuvre. S’agit-il d’un témoin, d’un non-témoin ? d’un descendant de victimes ou de “bourreaux” ? De quel « espace mémoriel » vient-il ? Exhume-t-il une mémoire, ou tente-t-il, comme tant d’autres avant lui, de se l’approprier ? Est-ce que le terme « littérature mémorielle », s’il se développe, contribuera à l’indistinction entre écrivains témoins et non-témoins ‒ comme c’est le cas de l’expression « Littérature de la Shoah » ?

Au risque du « mémoriel »

En proposant de parler de « littérature mémorielle », il ne s’agit pas de valoriser la mémoire, comme Détue et Lacoste veulent le faire avec le témoignage en proposant de le considérer comme un « genre littéraire » (sur cette ambition, voir Mesnard).

Pourquoi une telle abondance de textes gorgés de mémoires ? Mode ? Effet de la concurrence mémorielle ? « Thème » littéraire par excellence, parce qu’insaisissable ? Voyeurisme, fascination pour « le Mal » et son éternel retour ? Faux engagement ? Repli dans la mémoire pour échapper au présent ? Illusion de tout savoir, et de tout montrer, pour tout « réparer » ? Thérapie collective, pouvoir cathartique du roman ? Et pour qui ? L’auteur, le lecteur, l’ancienne victime ? (à ce sujet, voir Coquio, Gefen)

La posture d’héritier s’impose aujourd’hui, sans que son ambiguïté soit toujours réellement saisie. Ainsi, évoquer le passé n’a jamais été suffisant pour résoudre les problèmes d’aujourd’hui ou de demain. De même, vouloir écrire sur le passé ne le change pas, et le répare encore moins. En revanche, l’auteur de littérature mémorielle peut faire connaître des événements ignorés ou faire réfléchir sur la restitution possible du passé.

Du fait de l’usage politique et institutionnel de la mémoire, la « littérature mémorielle » comporte le danger d’être réduite à une littérature d’hommage ou pire de commémoration, ou – à l’autre extrême – d’être parée d’une vertu thérapeutique de réconciliation voire de réparation (voir Gefen). Mais cela est davantage à imputer à notre « culture de la mémoire », au « goût croissant du trauma partagé » (Coquio, p. 25) qu’à la littérature mémorielle qui se perçoit parfois elle-même comme « contre-officielle » (Wajsbrot, 2017), voire comme une étape vers l’oubli (Alcoba, 2017). La littérature mémorielle ne verse pas automatiquement dans la révérence et les conventions du discours mémoriel. Les écrivains sont nombreux à tenter de questionner la doxa, à montrer une mémoire différente ou un contrepied. Plusieurs œuvres ont suscité la polémique par un dispositif ou des propos transgressifs (Yannick Haenel, Jan Karski). Toutefois, la « littérature mémorielle » ne court-elle pas le même risque, à l’instar du « culte » de la mémoire, de se voir reprocher d’entraîner une concurrence mémorielle, de dévaluer l’Histoire ou de sacraliser la parole des victimes ?

 

ŒUVRES CITÉES

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1 « In my reading, postmemory is distinguished from memory by generational distance and from history by deep personal connection. Postmemory is a powerful and very particular form of memory precisely because its connection to its object or source is mediated not through recollection but through an imaginative investment and creation. » (Hirsch, p..22, ma traduction).