L’histoire des procès filmés est étroitement liée à celle des procès pour crimes contre l’humanité. Le jugement de 22 criminels de guerre nazis à Nüremberg, en 1946 a donné le coup d’envoi à un processus de convergence, qui n’a jamais cessé de s’intensifier depuis, entre le travail de la justice et la production de sources audiovisuelles. À ce jour, les politiques concernant l’enregistrement audiovisuel des procès pour crimes contre l’humanité divergent d’un pays à l’autre. Alors qu’ils font l’objet d’un enregistrement audiovisuel systématique en Argentine, la France ne l’autorise qu’à titre exceptionnel. Au Chili, jusqu’en 2000, la procédure pénale se déroulait sous forme écrite et non orale – sans audiences susceptibles d’être filmées.
Qu’en est-il de l’accès public à ces archives ? Quels en sont les usages et comment circulent-elles ?
Face aux restrictions qui limitent la mise à disposition des sources audiovisuelles le cas échéant ou à l’absence pure et simple d’enregistrement visuels dans d’autres cas, les productions artistiques de diverses natures (cinéma, théâtre, arts visuels, dessin, photographie, etc.) constituent un puissant vecteur de mise en circulation par le bais de l’emprunt documentaire ou de la fiction – les deux registres apparaissant le plus souvent étroitement entremêlés. La limite entre les archives pensées comme des documents ou des preuves et les productions culturelles élaborées comme des œuvres de fiction est d’emblée plus ambigüe qu’on ne l’imagine. À l’heure où les processus de production et de diffusion tendent à se télescoper, la question de l’accès à ces archives est plus que jamais d’actualité et nécessite d’être reconsidérée. La considération de ces archives au fil du temps instaure parallèlement une réflexion sur la fabrication de ces documents audiovisuels, sur les évolutions significatives du paradigme théâtral de la justice confronté à la production et à la circulation d’images conçues sur le modèle du cinéma, de la télévision puis des flux numériques.