Du Mexique aux États-Unis : pour comprendre ce que les clandestins traversent

Jawad Tlemsani-CantinProfesseure de Lettres, lycée François Rabelais de Dardilly, Lyon.
Paru le : 09.01.2024

Comment sensibiliser un public d’élèves et d’étudiants à un drame contemporain qui touche chaque année plusieurs centaines de milliers de personnes, que les médias documentent imparfaitement et qui se joue pourtant quasiment sous nos yeux, la traversée par des clandestins de la frontière séparant le Mexique des États-Unis ? Que comprend-on vraiment de cette zone réputée être parmi les plus violentes au monde ? Que sait-on du détail de ces traversées ? Face à la nécessité de construire l’histoire du temps présent, on fera ici l’hypothèse que l’œuvre artistique est peut-être plus à même que la voie factuelle pour rendre compte de ce traumatisme contemporain vécu par les peuples d’Amérique centrale avec un corpus réunissant deux œuvres assez proches, le film Rêves d’or de Diego Quemada-Díez (2013) et le roman American Dirt de Jeanine Cummins (2020). L’approche pluridisciplinaire devrait permettre de mieux comprendre l’efficacité des choix des deux artistes : de leur démarche de recherche documentaire à leurs partis pris esthétiques au nombre desquels le motif du train de marchandises, la Bestia, occupe une place clé. À terme, la possibilité pour des élèves, de début ou bien de fin de lycée, de construire une connaissance d’autant plus riche qu’elle s’appuie autant sur l’information que sur la sensibilité.

Index géographique : frontière Mexique – États-Unis

Discipline : Lettres – Histoire – Cinéma – Philosophie – Humanité littérature et philosophie

Niveaux de classe concernés : lycées ; études supérieures

 

Introduction

Les chiffres sont affolants et, de manière sporadique, les médias s’en font l’écho. Des migrants meurent sur les routes. Les épreuves qui jalonnent leur trajet sont assez bien documentées, autant de traumatismes pour des gens, souvent jeunes, qui s’arrachent à leur vie et prennent le risque de mourir en chemin ou a minima d’être dépouillés, violés, séquestrés et, pour beaucoup, de rester bloqués aux portes de leur eldorado. Cependant, les chiffres ne disent pas tout. Ni les statistiques ni les rapports réactualisés des organismes humanitaires ni le discours médiatique ne peuvent à eux seuls restituer l’expérience vécue. Pour comprendre ce que traversent les migrants, il nous faut du récit, des témoignages, des fictions.

La romancière Jakuta Alikavazovic, lauréate du Goncourt en 2007, du prix Médicis en 2021, s’intéressant à la surcharge informationnelle[1] disait en décembre 2022 que « la littérature, et en particulier les romans, ouvre la possibilité d’un autre rapport à l’événement. L’information ne déboucherait alors plus sur une autre information puis une autre dans une mosaïque absurde. Mais sur une expérience prolongée, approfondie, sensorielle et… sensée. En d’autres termes, sur une forme de connaissance. » Guidés par cette conviction, on se propose d’étudier comment deux récentes fictions rendent compte de la traversée du Mexique en direction des États-Unis par des migrants. L’un d’entre eux est Rêves d’or, un film réalisé par Diego Quemada-Díez en 2013 qui a obtenu le prix « Un certain regard » au festival de Cannes et qui figure au catalogue de « Lycéens au cinéma ». Dans ce drame, on suit quatre adolescents guatémaltèques et indien pendant leur périple à travers le Mexique. Le second est un roman de Jeanine Cummins, American Dirt, paru en 2020 aux éditions Philippe Rey, qui relate la fuite d’une mère et de son fils de huit ans quittant Acapulco où leurs vies sont menacées par des cartels pour chercher refuge aux États-Unis.

La jeunesse des personnages, la proximité que le lecteur ou spectateur garde avec eux pendant leur trajet, l’importance accordée à la « Bestia », ce train de marchandises sur lequel les migrants grimpent clandestinement, leurs aléas comparables mais aussi le travail préalable de documentation ainsi que la richesse de la réflexion humaine qui se dégage de ces deux récits rendent a priori pertinent le rapprochement de ces deux œuvres. On fera l’hypothèse que, dans ces récits fictionnels, l’attention littéraire et artistique accordée au récit est précisément ce qui rend possible la transmission de l’expérience vécue et contribue à l’élaboration d’une mémoire collective. Les propriétés du texte littéraire et de l’œuvre cinématographique sont, on le sait, particulièrement pertinentes pour amener le public à partager une expérience humaine de manière sensible, pour mettre un visage sur ces témoignages dont les fictions s’emparent, pour incarner l’histoire du temps présent. Cette pertinence sera ici interrogée à la lumière d’abord de l’équilibre ménagé par les auteurs entre travail de documentation et de fiction, puis dans les choix faits pour figurer ce que les migrants traversent, en accordant une attention particulière au motif du train. Une fois ces éléments posés, nous en proposerons dans un second temps une approche pédagogique. À l’horizon de ce travail, le désir d’approcher les violences de l’actualité en aidant les élèves à faire la part entre un discours informatif nécessaire mais dépersonnalisé où l’on analyse la situation politique, parle des migrants comme d’un groupe anonyme et la construction d’une pensée véritablement humaine, esthétique et philosophique.

 

De la documentation à la fiction, comment transmettre ?

La démarche d’enquête

« On estime que chaque année 500 000 personnes traversent le Mexique pour se rendre aux États-Unis. La majorité d’entre elles fuient le Salvador, le Honduras et le Guatemala, une zone plus connue sous le nom de Triangle du Nord, l’une des régions les plus violentes au monde ». Tels sont les mots introductifs du dossier que publie « Médecins sans frontières » sur son site sous le titre éloquent de « Dos au mur[2] ». Il s’agit, de fait, d’une des frontières les plus meurtrières au monde ; Jeanine Cummins rapporte ce chiffre en tête de sa postface : « En 2017, un migrant mourait toutes les vingt-et-une heures environ le long de la frontière Mexique – États-Unis. » Il n’existe du reste aucune statistique précise sur le nombre de migrants en situation irrégulière qui arrivent au Mexique ou qui le traversent pour entrer aux États-Unis. Les seules statistiques disponibles sont celles de l’Institut national des migrations (INM) et concernent le nombre de migrants placés en détention et renvoyés dans leurs pays d’origine. Les enquêtes de terrain des Organismes Non Gouvernementaux peuvent donc apporter quelques données vécues par ceux qu’ils suivent[3] concernant le taux d’enlèvements connus, les exactions endurées, les menaces, les violences – souvent sexuelles – subies, leur état de dépression ou de stress post-traumatique. Pour affiner cette première approche d’une situation géopolitique dramatique pour les migrants, on peut également s’appuyer sur le travail du géographe Laurent Faret. Dans un article de 2020 intitulé « Migrations de la violence, violence en migrations », ce chercheur montre comment s’entrecroisent et se cumulent les différentes formes de la violence : motifs de départ, contrainte vécue lors de la réalisation de son projet migratoire, effet même des politiques de restriction de ces flux de migrants. « Ce continuum de violences », dit l’auteur, « produit de la marginalité et génère des situations qui, à leur tour, alimentent des formes de vulnérabilités où les risques encourus sont banalisés alors même que la présence migratoire est socialement, juridiquement et politiquement sous-évaluée[4] ».

Cependant, malgré le soin porté à ce travail de recueil, la documentation reste partielle et la juxtaposition des données avérées peine à construire une mémoire collective. Dès lors, pour mieux connaître les épreuves traversées, les trajectoires interrompues ou les traumatismes individuels qui découlent des diverses formes que prend l’exploitation humaine, il faut se tourner vers des témoignages directs. Il va sans dire que pour celui qui s’intéresse à ce traumatisme concernant le peuple d’Amérique centrale, l’accès à ces témoignages est à la fois précieux et difficile. Sans tri ni mise en forme linguistique et esthétique, ces récits, le plus souvent, ne voient pas le jour ou restent destinés à un cercle restreint comme ceux présents sur des blogs de migrants.

La démarche de l’artiste

Jeanine Cummins comme Diego Quemada-Díez se sont appuyés sur les témoignages de migrants qu’ils ont rencontrés pour comprendre l’histoire en train de se faire et concevoir leur œuvre. Chacun a passé des années à se documenter. Jeanine Cummins dans sa postface raconte : « Il m’a fallu quatre ans pour mener mes recherches puis écrire ce roman ; j’ai donc commencé en 2013, longtemps avant que la question des caravanes de migrants et celle de la construction d’un mur ne soient d’actualité dans notre pays » (p. 537). Ses recherches et ses voyages l’ont amenée dans des orphelinats, des foyers pour migrants, auprès de la police des frontières. Elle remercie universités et archives et prend le temps d’expliquer que si le cartel des Jardineiros qui poursuit ses héros est imaginaire, les procédés dont il use ou le type d’emprise qu’il a sur les pouvoirs publics mexicains est lui, en revanche, très documenté. Il s’agit ici donc d’un travail d’enquête somme toute assez classique et de sa transposition dans la fiction. La démarche du cinéaste est quelque peu différente. Cet Espagnol qui vit au Mexique depuis 2002 raconte en effet avoir dès son premier voyage au Mexique été hébergé chez son chauffeur de taxi qui vivait près de la voie ferrée. Comme lui, Diego Quemada-Díez s’est indigné, a lancé de la nourriture aux migrants sur le toit des trains, a écouté les récits de ceux qui se reposaient chez eux quelques jours. Dans une interview du 3 décembre 2013 accordée à Télérama[5], il rapporte que ce sont ces migrants eux-mêmes qui lui ont demandé de raconter leur histoire, qu’il se devait d’être leur messager. Quelque 600 noms apparaissent au générique, 600 autres, précise-t-il, ont nourri sa réflexion en amont du film, c’est en ce sens que Diego Quemada-Díez est bien un héritier de Ken Loach dont il dit qu’il lui « a appris à donner une voix à ceux qui n’en ont pas ».

Cette perspective a considérablement guidé les modalités du tournage, le rapprochant souvent de l’art du documentaire. On pense au casting : le cinéaste a choisi des adolescents issus de quartiers défavorisés au Guatemala, des visages inconnus mais des jeunes ayant déjà une activité artistique, ainsi qu’un jeune Indien tzotzil, musicien, ne parlant pas espagnol. On pense à sa préférence pour un matériel léger, permettant de filmer à hauteur de ce que voient et vivent les adolescents, à la direction d’acteurs (les comédiens apprenaient le matin du tournage ce qu’ils devaient jouer, le réalisateur accordant une large place à l’improvisation) et surtout aux lieux du tournage. Diego Quemada-Díez a en effet tenu à suivre l’itinéraire emprunté par les personnages, à filmer donc sur plus de quatre mille cinq cents kilomètres et sur trois pays ce qui aurait pu être tourné au Mexique uniquement. Les figurants présents sur le toit du train avec les personnages sont donc bel et bien des migrants poursuivant leur route. « Parfois », ajoute-t-il dans l’interview citée ci-dessus, « je ne savais plus moi-même si ce que je filmais était une fiction ou la réalité. Mon seul souci de metteur en scène était que le spectateur ressente la vérité de ce que je filmais et puisse avoir le sentiment de vivre ce que vivent les personnages ».

La réception des deux œuvres

La transposition artistique de la documentation recueillie en œuvre de fiction connaît donc des degrés différents chez la romancière et chez le cinéaste mais dans les deux cas, l’effet est notable : prise de conscience par le lecteur / spectateur, vif intérêt – ces deux histoires créent une certaine tension chez leur public –, empathie pour les personnages, voire sentiment de solidarité. Cela étant, l’un et l’autre ont reçu un accueil très différent : quand Diego Quemada-Díez obtenait le prix « Un certain regard », la romancière américaine a dû répondre à une vive polémique au nom de l’idée que les récits de migration appartiendraient à ceux qui ont vécu cette épreuve. Comment une New Yorkaise blanche privilégiée pouvait-elle ainsi s’approprier les souffrances des Latinos, devenir de son propre chef la porte-parole des clandestins et engranger de ce fait du succès pour elle-même ? Cette polémique d’« appropriation culturelle », initiée par l’écrivaine et artiste Myriam Gurba, porte-parole de quelques-uns de ses confrères, a pris une certaine ampleur et le New York Times a également accusé Jeanine Cummins d’exploiter la vie des migrants aux États-Unis et de faire un portrait peu pertinent du Mexique. Ce reproche d’« appropriation culturelle » a cependant un terreau : il y a, concernant les migrations du Mexique vers les États-Unis, un problème de sous-représentation des témoignages. Ceci s’explique d’une part par le fait que la parole des Honduriens, Guatémaltèques, Salvadoriens ou Mexicains est peu recueillie, d’autre part parce que les auteurs mexicains sont somme toute peu publiés. Les voix qui se sont dressées contre la romancière étaient puissantes, émanant notamment de la communauté des auteurs hispaniques américains, Jeanine Cummins a essuyé des attaques personnelles, dû renoncer à certains rendez-vous de la promotion de son livre alors même que le roman rencontrait son public. Cet ouvrage a en effet, on le sait, connu dès sa sortie un succès spectaculaire : vendu à plus d’un million d’exemplaires aux États-Unis, désigné comme « Book of the year » par Oprah Winfray, immédiatement traduit dans des dizaines de langues.

On rencontre ici, à l’occasion d’une réflexion sur la façon dont on peut rendre compte des violences de l’histoire du temps présent, un problème aujourd’hui courant en Amérique du Nord, moins présent en Europe à l’heure où ces lignes sont écrites, celui de la légitimité de l’auteur, du droit d’un romancier à choisir son sujet, à user de son imagination. Il convient de rendre les élèves d’aujourd’hui sensibles à ces questions car la crainte des polémiques pourrait amener à rien moins qu’à de l’auto-censure. Ne voit-on pas de plus en plus en Europe l’émergence de sensitivity readers ? Ces relecteurs professionnels dont s’entourent les éditeurs ont pour mission de traquer tout contenu susceptible d’offenser les minorités ethniques ou sexuelles, d’éviter de leur mieux toute polémique et partant, toute mauvaise publicité.

Une espèce fabulatrice

Partir de témoignages est donc une nécessité mais il faut encore s’assurer que ces récits soient reçus, restent accessibles au public. Lorsque les voix pourraient se compter par millions et que les drames vécus sont parfois insoutenables, les témoignages peuvent vite devenir inaudibles. Il faut donc choisir un format qui rende possible intelligence, empathie, voire désir d’action.

À cet égard, la fable, telle que Nancy Huston[6] la définit, semble l’un des meilleurs vecteurs possibles d’un traumatisme vécu, surtout quand il concerne un sujet d’actualité courant comme premier risque celui d’être remplacé par le suivant. Selon la romancière et essayiste, en effet, ce qui distingue l’espèce humaine des autres espèces est d’être une « espèce fabulatrice ». Elle entend par là une espèce capable d’élaborer de grandes choses par la constitution de récits communs (un idéal chevaleresque, des pyramides, un système dématérialisé de transactions, des civilisations…), mais aussi une espèce avide de donner du sens à tout ce qui l’entoure. Ni les insectes sociaux ni les grands singes ne cherchent à interpréter, à trouver des causes ou des finalités à tout ce qui leur arrive (séisme, sécheresse, manœuvres d’approche d’un partenaire sexuel potentiel…), l’homme, si. Pour que les faits prennent du sens et que l’homme désire agir, s’appuyer sur les caractéristiques de la fable semble dès lors une excellente solution.

Les deux artistes ont donc prolongé leur travail de documentation par une démarche convergente, celle du choix de la fiction. Ils ont créé des personnages, été attentifs au rythme du récit ou aux émotions suscitées, ils ont cherché comment prendre le lecteur ou le spectateur par la main pour que ce dernier les accompagne sur la route avec les migrants.

On devine ainsi sans mal que dans les deux œuvres, le processus d’identification est aisé pour les lecteurs et spectateurs : quatre adolescents cherchant à changer leur destin dans le long-métrage, une mère et son fils déterminés à survivre dans le roman. Les deux œuvres font le choix d’un début percutant. Dans Rêves d’or, les premières images nous font suivre Juan, un garçon au regard dur qui s’extrait de son bidonville ; l’absence de contexte (tout commence avec son départ et celui de ses deux amis, mais point n’est besoin de savoir le détail de leur misère, ils veulent s’en arracher, c’est tout), l’absence de musique ou la proximité avec le personnage filmé quasiment caméra à l’épaule impliquent fortement le spectateur. Pareillement, l’incipit du roman sidère le lecteur : la violence du massacre de toute une famille réunie pour une fête familiale, l’empathie immédiate qui naît pour les deux survivants, les préparatifs faits dans l’urgence et le début d’un voyage placé sous le signe du danger (la mère s’oblige à changer de bus toutes les vingt minutes pour brouiller sa piste, tremble à l’idée de croiser un membre du cartel des Jardineiros…), tout concourt à happer le lecteur pour ne plus le relâcher. Ces deux débuts saisissants constituent un choix esthétique majeur pour impliquer le lecteur ou le spectateur, pour que la fable soit efficace.

Très informées, les deux œuvres sont soucieuses de montrer le quotidien des migrants par des faits précis et un effacement de la voix narrative. Pas de narrateur en surplomb, pas de voix off ni de personnage-narrateur mais plutôt la proximité avec des faits, une approche réaliste ou documentaire et une large part laissée à l’interprétation du lecteur – spectateur. Ainsi, les opposants rencontrés (police, indicateurs pour les cartels, narcotrafiquants…) comme les adjuvants (d’autres migrants, des religieux, des responsables de refuge…) incarnent la complexité de la situation sur place et les aléas de destinées si vulnérables. La structure très linéaire des deux récits nous permet aussi de mieux nous associer à leur devenir : dès lors toujours pris dans le présent de leur traversée, nous montons avec eux sur le toit de la « Bestia », le fameux train de marchandises qui traverse le Mexique selon un axe Nord-Sud, avec eux, nous faisons des rencontres riches, perdons des compagnons chers. Là où Jeanine Cummins choisit un rythme électrique, une tension toujours soutenue qui garde le lecteur en haleine, le cinéaste opte souvent pour des ralentissements avec des plans contemplatifs du paysage ou des moments hors du temps, une fête, un ciel étoilé…

Or, si l’enjeu est de voir comment avec ses moyens propres, la fiction contribue à mémorialiser une aventure humaine traumatique actuelle, il faut regarder du côté des représentations sensibles retenues par les auteurs, regarder comment un motif à la fois narratif, esthétique et symbolique peut figurer le voyage et les émotions intenses éprouvées sur la route, sa force emblématique étant susceptible d’initier une première appropriation mémorielle de cette expérience. À cette fin, on interrogera un « lieu » central dans l’expérience des migrants remontant le Mexique, le train de marchandises surnommé la « Bestia » ou encore « el tren de la muerte », auquel nos deux auteurs accordent une attention particulière, tant il condense de caractéristiques objectives et subjectives de cette expérience.

 

À bord de « La bestia »

Le train, un motif très riche

Ce train possède indéniablement un intérêt de type narratif : il donne au récit sa structure linéaire – on a parlé de « railway movie » pour Rêves d’or – et offre un grand nombre de péripéties possibles : rencontres, accidents, perte de proches, ce qu’exploite la romancière pour son récit haletant. C’est en outre un long voyage pour les migrants et les deux artistes cherchent à intégrer cette dimension à leur récit, avec notamment une forte présence du train à l’écran (dans le film de Quemada-Díez, le trajet en train couvre des milliers de kilomètres et occupe plus de soixante-quinze minutes du film) ou en nombre de pages (dans le roman de Jeanine Cummins, le premier contact avec les voies se fait page 149, le dernier page 368, en attente du coyote qui leur fera passer la frontière à pied). Cette durée est aussi rendue par un travail sur la répétition dans le roman (répétition des journées, des motifs d’angoisse…) tandis que le cinéaste optera pour une représentation de la distance à couvrir avec des travellings latéraux ou une bande-son parfois dépourvue de dialogue et de musique, laissant seulement entendre, éprouver le bruit du train sur les rails.

Point n’est besoin de rappeler que les trains sont des motifs récurrents au cinéma et dans la littérature. Le premier film projeté par les frères Lumières montrait une locomotive lancée à toute allure pour entrer dans la gare de la Ciotat (1896), belle métaphore de cet art en mouvement qu’est le cinéma. Repris à l’envi, ce motif a séduit aussi parce qu’il réunissait plusieurs pistes sémantiques. Notre corpus retrouve ainsi sans difficulté l’idée d’une communauté jetée dans la même direction, image de la destinée s’il en est, ou encore celle des rencontres occasionnées par la mise en présence dans un lieu clos de personnes inconnues forcées à cohabiter. Il propose également des pas de côté très signifiants : en lieu et place des scènes d’adieux sur le quai d’une gare, des images d’arrachement, de saut vers l’inconnu ; au lieu du personnage sauvé in extremis sur les rails du train, on trouve facilement la mort au détour d’un pont ou d’un tunnel, et l’idée d’horaires précis disparaît au profit d’un tout autre rapport au temps, distendu, hors de contrôle.

Point n’est besoin non plus de rappeler combien le train est un élément chargé d’histoire. Il est tantôt porteur de traumatismes ayant marqué un peuple entier dans le cas des déportations, celles de la Shoah seront durablement inscrites dans les mémoires. Il peut aussi être porteur d’espoir. C’est le cas par exemple du « chemin de fer clandestin », l’« underground railroad », qui aux États-Unis au XIXe siècle désignait ce réseau constitué de routes, d’itinéraires, de refuges, de personnes sûres qui aidaient les esclaves des plantations à rejoindre des territoires libres, des États du Nord ou bien le Canada. À Cincinnati, dans l’Ohio, un musée est dédié depuis 2004 à ce « chemin de fer clandestin » complétant ces centaines de sites répertoriés depuis 1998 par le service des parcs nationaux qui entretiennent la mémoire de ce réseau. Que la métaphore ferroviaire ait été ici volontairement filée par ses acteurs[7] nous rappelle combien le motif du train peut être riche lorsqu’il s’agit de dire la soif de liberté, la difficulté du chemin, l’entraide possible sur la route.

Ce train comme « lieu de mémoire »

Efficace comme motif narratif et comme symbole, le train est vraisemblablement aussi retenu par nos deux auteurs pour sa valeur historique. Puissamment chargé d’affects et porteur d’une histoire collective, « la Bestia » impose sa présence sur la route des migrants. Ce train de marchandises devient-il dès lors un « lieu de mémoire » pour les migrants traversant le Mexique ? Ce serait un lieu de mémoire assez paradoxal dans la mesure où sans être immatériel, il n’est pas fixe[8] et où il ne construit pas une histoire à proprement parler « nationale ». Pour autant n’y a-t-il pas un peuple de migrants ? Ce train ne devient-il pas progressivement sous l’effet de la volonté des hommes ou du travail du temps un élément symbolique de cette communauté ? Ces populations d’Amérique centrale qui rêvent de voyager à son bord, le prennent en marche ou meurent sur les rails, mêlent bien leurs vies, leurs peurs et des enjeux éminemment politiques. Ce train joue vraiment un rôle dans la constitution de leur identité collective. « Un objet, explique Pierre Nora[9], devient lieu de mémoire quand il échappe à l’oubli, par exemple avec l’apposition de plaques commémoratives, et quand une collectivité le réinvestit de son affect et de ses émotions. » Son rôle dans la mémoire collective apparaît déjà dans la façon dont les artistes s’emparent de son image. On pense notamment au travail de la photographe Mahé Elipe qui s’est intéressée en 2016 à « las Patronas », ces Mexicaines[10] qui nourrissent avec générosité les migrants accrochés au train en marche, à des expositions comme « Riding the beast » de 2017 à l’université de Berkeley[11], à des chansons[12] ou encore au documentaire The Beast du réalisateur Pedro Ultreras (2010). Le temps n’est pas encore venu des célébrations collectives mais l’emblème est déjà là, il porte histoires individuelles et sens collectif.

Représenter de manière sensible l’expérience vécue

Pour bien représenter cet élément majeur du voyage des migrants qu’est le train de marchandises, le réalisateur comme la romancière commencent par montrer qu’il est entouré d’un imaginaire spécifique. Les auteurs ne cherchent en effet pas à reprendre des mythes littéraires, à personnifier la locomotive ou à admirer ses performances techniques. Point de bête humaine malgré le surnom populaire, point de huis-clos idéal pour une intrigue policière, mais plutôt un voyage à ciel ouvert et, n’étaient les membres des cartels ou la police de l’immigration, un sentiment de liberté et de ralentissement. Dans les deux œuvres, le train semble désincarné, on ne voit quasiment jamais le conducteur ou les mécaniciens. Cet imaginaire commence, comme il se doit, en amont du voyage par une documentation livresque pour l’ancienne libraire qu’est Lydia, ou de l’ordre de la transmission orale dans le film, par des histoires que les migrants se partagent et par la recherche impatiente des premiers signes de sa présence : un pont suspendu, des rails qui tremblent, la recherche du nord.

Dans le roman, la première apparition de La Bestia chapitre 11 ne fait pas l’objet de longues descriptions, le petit Luca entend les rails gronder (p. 155), lui et sa mère observent la technique des migrants qui trottent à ses côtés puis se hissent, et c’est à travers leurs yeux qu’on prend conscience du danger que représente le fait de monter à bord de ce train de marchandises, danger tel que la première fois ils restent le long des voies et regardent les wagons s’éloigner. De même Juan, Sam et Sara sont eux aussi trop impressionnés la première fois qu’ils approchent ce train pour réussir à monter à bord (00:09:42) et doivent attendre le prochain convoi en pestant contre eux-mêmes. La Bestia est enfin caractérisée par les grappes humaines qu’elle porte. Anonymes, burinés, solidaires… Ce sont dans Rêves d’or de vrais migrants qui sont filmés aux côtés des comédiens. Dans le roman, on découvre le mode de vie de ces clandestins, on écoute leurs récits, et par identification avec les personnages, on descend pour une nuit ou deux, profite d’un refuge, inspecte l’état de ses chaussures puis recommence à longer les rails – toutes sortes de détails qui obligent le lecteur à regarder ces vies invivables mais vécues par des semblables, des frères.

Au-delà donc, on le devine, de sa fonction de moyen de locomotion, ce train de marchandises reflète surtout un parcours vécu, les dangers encourus, et parfois, quelques moments de grâce. Les dangers sont en effet nombreux, les deux récits les évoquent : monter à bord est périlleux, nos héros ont besoin d’aide. Dans American Dirt, ce seront Rebecca et Soledad, deux sœurs parties du Honduras, qui apprendront à Lydia et à son fils comment ne pas mourir en sautant sur le toit depuis un pont (p. 193-195). Dans Rêves d’or, une main tendue par un migrant plus haut sur l’échelle rendra possible l’installation des quatre adolescents. Une fois sur le train, la vigilance doit être extrême. Par sécurité, Lydia enchaîne son fils à elle, tous prévoient de l’eau et des vivres qui ne suffisent jamais, tous redoutent la police de l’immigration qui parfois arrête le train et capture les moins rapides. Tous ont peur de manquer un embranchement, de devoir rebrousser chemin, de tomber à cause d’un pont, d’un tunnel, d’une branche dans la jungle, d’être estropiés, de mourir. À cela s’ajoute pour Lydia et Luca, la menace d’être rattrapés par les hommes de Javier – le commanditaire de la tuerie initiale. Quant à Sara, son travestissement en Osvaldo ne suffit pas à la protéger (00:52:49) des gangs qui capturent les migrants et les exploitent – l’angoisse du viol fait en effet frémir tous les personnages féminins de ces deux fictions.

Au fur et à mesure de la progression du film ou du roman, le lecteur vit des émotions intenses et apprend à mieux comprendre le monde et les êtres. Le motif du train est en cela remarquablement efficace pour servir le projet humaniste des deux auteurs.

Les moments d’échappée, l’individu transformé

Face à ces dangers, la première réponse que les artistes apportent est la représentation de la prudence, la deuxième, celle de la solidarité. Dans les deux fictions, le groupe initial se complète au cours du voyage d’autres compagnons, Chauk l’Indien ici, les sœurs honduriennes là. Un savoir-faire (Chauk sauve la vie de Juan en le soignant avec des plantes), une amitié réconfortante (Luca est très proche de Rebecca), ou le sens du partage qui unit les migrants… Chacun apporte ce qu’il peut, partage la nourriture, la vigilance, un peu d’argent. Cela n’empêche pas le groupe des adolescents du film de s’amenuiser au fil du récit. Seul Juan arrive à destination mais les dernières images montre combien il est loin de son rêve : finis les grands espaces du train et les Santiags pour se faire photographier en cow-boy le temps d’une brève pause, il fait désormais le ménage dans une entreprise de conditionnement de viande, filmé aux côtés de vrais employés dans un décor qui fait écho à la décharge à ciel ouvert à laquelle il avait pourtant résolument tourné le dos à l’ouverture.

Outre la solidarité entre ces jeunes, il existe d’autres moments de grâce que ces récits mettent en avant, révélant ainsi la complexité de ce lieu de mémoire. Dans le film de Quemada-Díez, les critiques sont unanimes à reconnaître un certain lyrisme dans sa façon de tourner. Sandrine Cornu dans le dossier qu’elle consacre au film pour le programme « Lycéens au cinéma » aborde cette dimension du film dans le traitement de la lumière par exemple ou dans le rapport de l’Indien Chauk avec la neige. Alors que sa mise en scène est majoritairement sèche, frontale, efficace, le cinéaste accorde en effet souvent de longs plans à la beauté des paysages ou offre avec des perspectives sur les rails notamment dans des paysages verdoyants, un horizon lointain et porteur d’espoirs.

On notera aussi de rares échappées comme le temps d’une fête où les personnages redeviennent l’espace de quelques heures des adolescents qui s’amusent, ou sur le toit de la Bestia, des rencontres touchantes malgré la barrière de la langue. Jeanine Cummins incorpore la poésie à son récit puisque Lydia se souvient de son métier de libraire, porte des textes en elle, vibre malgré elle encore au souvenir de l’amitié littéraire qui commençait à naître entre elle et Javier, dont on apprendra très vite qu’il est le chef du cartel qui la poursuit. Qu’ils aient malgré ce point crucial, tous deux des sensibilités proches, des partages littéraires et des deuils douloureux permet d’insister sur une beauté transcendante.

Enfin, une autre forme de la beauté contrebalance la violence du voyage en train et l’âpreté de ce monde, c’est celle de la dignité humaine conservée même dans le plus grand dénuement. Elle apparaît dans un geste ténu, une aide reçue par des anonymes, les paroles de ceux qui tiennent un refuge, la tendresse d’une mère envers son fils, le dépassement de la haine face à l’ennemi, un incroyable pardon ressenti et prononcé à mi-voix par Lydia avant le passage de la frontière (p. 511)… Toute une série de moments lumineux qui, dans le roman comme dans le long-métrage, sont des respirations nécessaires au milieu des dangers et de l’angoisse. Elles sont nécessaires au sens où le lecteur comme les personnages y puisent des forces avant d’affronter la suite des aventures, elles équilibrent les traits de cette « écriture électrique[13] » dont on a pu parler pour ce roman. Elles sont aussi nécessaires aux auteurs conscients que l’émotion est un atout puissant pour amener le public à comprendre, à enrichir ses représentations, à s’approprier l’histoire du temps présent.

Au terme de ce trajet, les personnages apparaissent grandis, semblent avoir chèrement gagné en maturité. Dans Rêves d’or, après avoir été une mule pour les trafiquants de drogue et réchappé aux snipers, le jeune homme semble avoir enfin un statut, un rôle dans la société américaine. Mais celui-ci est douloureux. Dans les derniers plans du film, le visage de Juan est amer et ses souvenirs comme sa solitude semblent lui peser. Les tons froids de l’abattoir et l’absence de liens entre les travailleurs marquent le contraste avec les scènes réconfortantes filmées en lumière naturelle sur le toit du train. À l’image de la vie qui laisse beaucoup de migrants le long de la route, le film de Diego Quemada-Díez n’alimente pas les rêves des migrants par une vague happy end ; en connotant l’absence d’issue, le titre espagnol, La Jaula de oro, est beaucoup moins positif que sa traduction en français. Les derniers chapitres du roman eux, nous montrent bien vivants les quatre personnages qu’on a suivis tout au long du roman, l’enfant scolarisé malgré son absence de papiers et les efforts de sa mère pour leur reconstruire une vie de ce côté de la frontière mais le petit a perdu sa candeur et les nombreux deuils que chacun porte apparaissent dans la reconstitution d’un cimetière symbolique sous les fenêtres de la cuisine.

« La Bestia » est donc bien une représentation sensible des peurs et des épreuves que vivent les migrants. Elle permet de montrer les dangers qu’ils encourent mais aussi d’autres visages de ce monde, sa beauté, la solidarité possible… Lorsque ces deux fictions nous font prendre le « train de la mort », elles nous aident à mieux comprendre ce que traversent les migrants, et, de même que les héros n’en descendent que changés, vieillis, de même, le lecteur ou le spectateur n’en ressort pas indemne – ce qui n’est pas le moindre de leurs pouvoirs.

Pour une transmission à des élèves de lycée

Ce parcours à travers les deux œuvres a mis en valeur la nécessité de faire confiance à la fiction pour mieux comprendre une expérience humaine hors normes, et a montré comment un motif récurrent – le train de marchandises – pouvait traduire certaines des spécificités de la violence de ce voyage migratoire. On peut imaginer que des élèves réfléchissant à l’Histoire et à ses violences pourraient en tirer un double intérêt : comparer les pouvoirs du discours factuel ou médiatique et du discours fictionnel et apprécier sur un sujet qui leur est contemporain de vrais enjeux philosophiques et humains. Cette proposition pourra aussi être adaptée en direction d’une classe de Seconde sous forme de deux séquences consécutives, l’une sur la littérature d’idées et sur la presse, l’autre sur le roman et le récit du XVIIIe au XXIe siècle.

Pour cela, on propose que l’entrée dans la séquence se fasse par un travail de recherche documentaire : constituer une revue de presse, rechercher des données factuelles et des témoignages autour de la traversée comme du franchissement de la frontière. Forts de ce double regard, médiatique et testimonial, les élèves se demanderont dans quelle mesure leur savoir et leur réflexion humaine ont été enrichis, les compareront à leurs représentations antérieures, et se demanderont ce qu’un citoyen retient et ce qu’il ressent à propos de ce traumatisme contemporain quotidien si mal connu. Le travail sur les deux œuvres qui occupera le cœur de la séquence débutera par une étude comparée de l’incipit et de la séquence d’ouverture. À partir d’une question d’interprétation du type « Selon vous, comment les artistes s’efforcent-ils de capter notre attention ?  », on amènera les jeunes à comparer l’effet produit par ces deux récits avec celui de la double recherche documentaire. On cherchera par la suite comment ces fictions s’inscrivent dans une réflexion sur l’histoire et ses violences. Lorsque le cinéma et la littérature s’emparent de sujets actuels à portée historique, le font-ils par devoir de mémoire, parce que l’épisode est possiblement spectaculaire, pour agir sur la conscience du public ? La question est d’autant plus délicate que le recul temporel est mince. Les élèves réfléchiront ainsi à la transposition du matériel documentaire par les artistes puis à la représentation des dangers et des stratégies des migrants en s’intéressant au motif de la « Bestia » dans une approche à la fois thématique et scripturale. Pour étoffer la réflexion philosophique des élèves, on proposera un extrait de l’essai[14] de Marielle Macé, Sidérer, considérer, dont la démarche leur permettra de voir comment s’élabore une expérience réflexive humaine et sensible, empreinte d’un double souci de perception et de justice face à une situation éminemment concrète : voir des camps de migrants aux marges ou au cœur de nos villes. Une évaluation en forme d’essai philosophique dont la consigne pourrait être « L’expérience de la souffrance est-elle partageable ? » viendra clôturer la séquence.

Au terme de cette étude, on espère avoir souligné avec les élèves l’idée d’une nécessaire complémentarité entre des deux démarches, documentaire et artistique – les récits retenus, même lorsqu’ils font un pas de côté, apparaissent particulièrement capables de rendre audibles des migrants dont on ignore trop les drames. La fable aide à passer avec émotion et intelligence de la sidération à la considération. Elle a le pouvoir de fédérer les hommes, de donner du sens au monde, même de pousser à l’action, elle offre comme disait Jakuta Alikavazovic « une expérience prolongée, approfondie, sensorielle et… sensée » du monde.

 

 

[1] Le 1 hebdo, n° 427, déc. 2022.

[2] https://www.msf.fr/grands-formats/dos-au-mur.

[3] « Au cours du seul mois d’octobre 2019, 75 % de nos patients à Nuevo Laredo ont déclaré avoir été kidnappés récemment ». (…) « Les données MSF sont basées sur 480 entretiens et témoignages de migrants et de demandeurs d’asile d’Amérique centrale, les expériences du personnel de MSF et les données médicales de plus de 26 000 personnes aidées le long de la route migratoire à travers le Mexique au cours des neuf premiers mois de 2019 », https://www.msf.fr/grands-formats/dos-au-mur.

[4] Laurent Faret, « Migrations de la violence, violence en migration. Les vulnérabilités des populations centraméricaines en mobilité vers le Nord », Revue européenne des migrations internationales [En ligne], vol. 36 – n°1 | 2020, mis en ligne le 03 janvier 2022, consulté le 22 mai 2023. URL : http://journals.openedition.org/remi/14393 ; DOI : https://doi.org/10.4000/remi.14393.

[5]https://www.telerama.fr/cinema/ken-loach-m-a-appris-a-donner-une-voix-a-ceux-qui-n-en-ont-pas-diego-quemada-diez-realisateur-de-reves-d-or,105859.php.

[6] Nancy Huston, L’Espèce fabulatrice, Actes Sud, 2008.

[7] « Le réseau reposait sur un principe : chaque personne qui accueillait un fugitif, pour quelques heures ou plusieurs jours, le dirigeait ensuite vers la ville ou le hameau suivant où quelqu’un d’autre pourrait l’aider. De proche en proche, comme sur des rails invisibles, les esclaves avançaient ainsi vers le Nord. La métaphore était filée sur tout le parcours : les maisons, granges et églises abritant des esclaves étaient des « gares » tenues par des « chefs de gare », les fugitifs des « passagers », véhiculés par des « conducteurs » … Des « lignes » se dessinaient : un esclave du Kentucky fuyait via l’Indiana et l’Ohio, jusqu’à éventuellement le sud de l’Ontario. Du Maryland ou de Virginie, on remontait la côte est jusqu’à Boston, voire le Canada… Le voyage pouvait durer parfois plus d’un an », article paru dans le magazine GEO Histoire n° 18 (12/2014), https://www.geo.fr/histoire/etats-unis-lunderground-railroad-le-reseau-clandestin-qui-sauva-des-esclaves-au-xixe-siecle-193160.

[8] Christian Jacob, Qu’est-ce qu’un lieu de savoir, Nouvelle édition [en ligne]. Marseille : OpenEdition Press, 2014, https://books.openedition.org/oep/655 : « Que sont ces lieux de mémoire ? On trouve dans cet ensemble des toponymes et des sites géographiques, comme Roncevaux, des lieux génériques comme les cimetières et des sites particuliers, comme la Bibliothèque nationale – celle d’hier ou celle d’aujourd’hui –, le patrimoine artistique, des institutions, des rituels, des fêtes, des anniversaires, des chansons, des textes, des savoir-faire artisanaux, des figures individuelles ou des associations ».

[9] Pierre Nora, Les lieux de mémoire, vol. 2, Paris, Gallimard, 1984, p. 7.

[10] https://medelu.org/Mexique-Las-patronas-bienfaitrices.

[11] https://news.berkeley.edu/2017/07/11/exhibit-about-migration-across-mexico-opens/.

[12] Chanson « La Bestia. Le train de la mort », chanson américaine de 2014, diffusée dans le but de dissuader les jeunes d’immigrer aux États-Unis ; reproduite sur France Culture, le 28/11/2017 dans l’émission « États-Unis et Mexique, une frontière cruelle », https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/concordance-des-temps/etats-unis-et-mexique-une-frontiere-cruelle-3370937.

[13] Quatrième de couverture de l’édition Philippe Rey.

[14] Un extrait d’une dizaine de pages de l’essai de Marielle Macé, Sidérer, considérer, Verdier, 2017, est disponible à cette adresse https://editions-verdier.fr/livre/siderer-considerer/.