Avrom Sutzkever, poète du ghetto de Vilno

Marie-Laure LepetitI.G. Lettres & cinéma
Paru le : 01.02.2021

Marie-Laure Lepetit, IG, Lettres-cinéma

Résumé : Cette ressource a pour objectif de partir à la rencontre d’Avrom Sutzkever, poète du ghetto de Vilno. Son œuvre étant totalement inséparable de sa vie et des événements historiques qu’il traverse, une première partie est consacrée à une biographie, tissée d’extraits de poèmes et de deux journaux intimes, celui de Sutzkever lui-même et celui du bibliothécaire du ghetto, Hermann Kruk. Une seconde partie est consacrée à un parcours de lecture permettant de mettre en évidence les grandes caractéristiques de son écriture, une écriture protéiforme mais à l’unité profonde dont le principal motif est la figure du mort-vivant.

Mots clés : Khubn – poésie yiddish – résistance – ghetto – Shoah par balles

Index géographique : Pologne – Ponar – URSS – Vilno

Niveau : Terminale – Humanités : lettres et philosophie

Version PDF : Avrom Sutzkever – poète du ghetto de Vilno


Vie et œuvre en écho

Avrom Sutzkever, poète immense « à l’envergure de Celan »[1] et prosateur, est un des écrivains majeurs de la littérature yiddish de l’Anéantissement[2]. Il est né en 1913 dans une petite bourgade au sud-ouest de Vilno, Smorgon, à l’instar d’un autre poète yiddish célèbre, Moïshe Kulbak. Depuis la fin du XIXème siècle, l’antisémitisme sévit en Lituanie et la population juive subit une série de pogroms, le premier datant de 1881. Le petit Avrom et sa famille trouvent refuge dans la ville d’Omsk en Sibérie où il passe ses premières années, une région et une époque qui lui inspireront son premier recueil publié en 1936, Sibérie, dont l’édition de 1951 fut illustrée par Chagall (Columbia University Library) :

« Dans la hutte »[3]

A

Soleil couchant, chemin que bleuit le verglas.

Douce couleur de somnolence dans mon âme.

Dans la vallée la hutte luit d’un pâle éclat,

Sous sa neige l’ensevelit le soir en flammes.

Aux vitres, les forêts à prodiges déboulent,

De magiques traîneaux tintent en carrousel.

A l’ombre du grenier des colombes roucoulent

Et déroucoulent mon visage. Sous le gel,

Rayé par les cristaux dont la pointe fulgure,

Presque irréel l’Irtich se noue en palpitant.

Sous des coupoles de silence et de froidure

Fleurit ce monde : un enfant de sept ans.

B

Dans ta neigeuse et limpide pénombre,

Hutte de mon enfance en Sibérie,

Naissent des fleurs aux pupilles de l’ombre,

Mercure en fleur qui sans fin refleurit.

Dans les recoins où se meure la lumière

La lune expire un souffle, un halo bleu,

Mon père est blanc de la pâleur lunaire

Et sur ses mains de silence neigeux

Il tranche le pain noir, lame aiguisée

Mais charitable. Et bleuissent ses traits.

Moi par ma pensée neuve et divisée,

Je trempe de sel, père, ton pain frais.

C

Le père. Le couteau. La mèche qui fume.

Une enfance. L’enfant. Un ombre a dérobé

Au mur le violon. Plus fins que fine écume

Des sons de neige sur ma tête sont tombés.

Silence. Car le père joue. Les sons s’égrènent,

Se gravent dans les airs où le gel les sertit.

Bleuis les grains d’argent que sème mon haleine

Sur la neige de lune en verre convertie.

A travers le carreau en pelisse de glace

Un loup flaire la chair de musique, sa proie,

Silence. Au pigeonnier un petit pigeon casse,

Pique, pique, cet œuf dont il sort dans le froid.

Il y connaît son premier deuil, la perte de son père, mort à 30 ans d’une crise cardiaque :

« A mon père »[4]

Derrière le traîneau qui portait ton cercueil,

Père, j’ai couru. Je voulais poursuivre

Ta mémoire, en serrant sur ma poitrine en deuil

Une colombe blanche comme givre.

Lorsque la foudre en plein cœur te frappa,

Taillant pour toi cette hutte nouvelle,

Et qu’aussitôt un gouffre te happa,

Là où toujours tu brilles sous le gel –

Ah, j’aurais voulu m’y jeter moi-même !

Mais ma colombe alors prit son élan,

Couvrit le soleil d’un blanc diadème

Et m’éleva vers la vie en volant.

Après un retour de courte durée à Smorgon en ruines, la famille se fixe en 1922 à Vilno, centre culturel juif très important. Au XIXème siècle s’y était épanouie la philosophie des Lumières juive, la Haskala, et y était né en 1897 le parti ouvrier juif, le Bund. Entre les deux guerres, la ville possédait 110 synagogues, 10 yeshivas, le célèbre YIVO, institut yiddish d’enseignement supérieur fondé en 1925 qui donna le coup d’envoi à la recherche en sciences sociales et humaines. Un groupe littéraire et culturel d’avant-garde, Yung Vilne, réunissant écrivains et plasticiens, organisait des soirées littéraires, des débats et des expositions. Sutzkever devient un de ses membres au début des années 30. Il publie ses premiers poèmes dans les almanachs du groupe, mais également dans des journaux et périodiques de Varsovie.

Le 15 juin 1940, la Lituanie est annexée par l’URSS, puis, le 22 juin 1941 par les armées du Reich. Le 24 juin 1941, les Allemands entrent dans Vilno ; le 6 septembre 1941, ils établissent deux ghettos dans le quartier juif de la ville :

« 7 heures : dès l’instant où j’appris que nous serions emmenés au ghetto, je me suis mis à la recherche de mes amis. […] De loin, je vois les habitants regroupés dans la cour avec leurs baluchons – prêts à partir.

Les groupes avancent suant dans leurs lourds manteaux. Les chiens aboient et hurlent, comme s’ils sentaient quelque chose d’inhabituel […] on a laissé aux gens de la rue Bosaki cinq minutes pour se préparer. Ils traînent leurs hardes dans des baluchons de toile de lin sur les pavés. Les soldats les poussent comme du bétail. […]

Des milliers de Juifs sont rangés en longues files. Les gens sont poussés comme des animaux dans une cage. Epuisés, ils croulent sous leurs charges. Leur cri s’élève jusqu’au ciel. »[5]

Avrom Sutzkever y est parqué.

Commence alors le lent anéantissement de la population par la misère et l’épuisement et les différentes aktions[6],connues aujourd’hui sous le nom de Shoah par balles, entre juillet 1941 et août 1944 à Ponar.  A huit kilomètres au Sud de Vilno, les nazis[7] ont utilisé un ancien dépôt de carburant, qui contenait une vingtaine de fosses de stockage, comme site d’extermination :

« Sur la route de Vilno à Grodno […] se trouve un grand terrain d’environ un kilomètre carré, entouré d’une clôture de fil de fer barbelé…

Le terrain est divisé en trois parties qui sont séparés les unes des autres par des grilles. Les exécutions ont lieu dans la partie contiguë à la route départementale de Vilno à Grodno […] Certaines fosses sont à moitié pleines, d’autres le sont complètement. L’odeur indique leur contenu. Les volées de corneilles géantes et les traces de pattes de loups laissent un témoignage éloquent. Et il y a ce que disent les paysans […] A plusieurs endroits le sol est déblayé par les loups et les corneilles à la recherche de restes humains. En s’approchant cela est encore plus évident : voici l’endroit. Des morceaux de corps humaines sortent ici et là de la terre, parfois même des corps entiers. » [8]

C’est durant cette période que Sutzkever connaît l’horreur de la perte de son nouveau-né, assassiné à sa naissance par les nazis à l’hôpital :

« Je me rendis chez ma mère. Elle m’annonça un heureux événement : ma femme avait donné naissance à un enfant à l’hôpital du ghetto. Ma mère avait oublié les lois de Murer, selon lesquelles les bébés nés au ghetto devaient être tués. Le lendemain de mon retour, l’enfant n’était déjà plus de ce monde : on avait exécuté les ordres de Murer. »[9]

« L’homme, Avrom Sutzkever, comme tous ses semblables se trouve donc confronté à une réalité à laquelle aucune société n’avait eu à faire face à ce jour.  Il n’existait aucun précédent, aucun repère, aucun code de conduite, aucun concept, aucune parole à la mesure de l’événement »[10].

Comment faire face ?  Sutzkever a résisté « à sa manière », non pas par les armes, mais par l’art et la culture. Eloquente à ce sujet est la citation suivante, extraite de son Journal :

« Le lendemain du jour où ma mère fut fusillée, le jeune metteur en scène Viskind vint me présenter ses condoléances et me réconforter. Il m’invita à une rencontre avec des acteurs. Il s’agissait de créer un théâtre. »[11]

La guerre et le ghetto ne l’empêchent pas de créer : il écrit pendant cette période des centaines de poèmes[12]. Par ailleurs, il fait partie de ce que l’on appelle la « brigade de papier », censée recueillir les trésors de la culture yiddish pour un futur musée du « peuple disparu » que les nazis envisageaient de créer. C’est là qu’il sauve quantité de livres et de manuscrits pour qu’ils parviennent aux générations futures.

C’est par la vie, la vie malgré tout, la vie coûte que coûte, que la population du ghetto a résisté et survécu :

« La vie surmonte tout. La vie au ghetto de Vilno bat avec une force nouvelle. Une nouvelle vie s’éveille dans l’ombre de Ponar et s’ouvre vers un meilleur avenir. Les concerts que l’on dédaignait autrefois battent des records d’affluence. Les salles sont pleines à craquer et lors des soirées organisées par l’association littéraire l’affluence est telle que tout le monde ne trouve pas une place à l’intérieur. »[13]

Lors de la liquidation du ghetto par les Allemands, Sutzkever parvient à s’échapper avec sa femme, Freydke, par les égouts. Il rejoint « l’organisation partisane unie », le réseau de Résistance du ghetto, créé le 21 janvier 1942. Il est évacué sur Moscou par avion et se lance dans la bataille du témoignage pour informer et appeler à la lutte : la presse yiddish comme russe se fait l’écho de ses différentes interventions.

A la fin de la guerre, il entre, parmi les premiers, avec l’Armée rouge, dans Vilno libéré. Lors du procès de Nuremberg (20 novembre 1945-1er octobre 1946), il est l’un des rares juifs à être auditionné : il se fait le porte-parole des massacrés. Après un bref séjour en Pologne et une année d’errance en Europe de l’Ouest, notamment à Paris où il publie en 1945 Vilner Ghetto (1941-1944), traduit par Gilles Rozier et publié chez Denoël en 2013, il s’installe en 1947 en Israël où la plupart de ses œuvres voient le jour, à commencer par La chaîne d’or (Die golden keït), une revue littéraire qu’il fonde en 1949 et qui deviendra la plus importante du monde yiddishophone, et dont le titre symbolise l’enchaînement des générations. Il meurt à Tel Aviv le 20 janvier 2010.

L’écriture de Sutzkever

Une écriture protéiforme

L’œuvre de Sutzkever est caractérisée par le mélange des registres -épique (avec La Ville secrète paru en 1948, long poème épique, le seul de sa production), lyrique et intimiste- et celui des formes. Après les poèmes écrits entre 1930 et 1954, son écriture subit un net tournant avec Aquarium vert (1953-1954)[14], puis, vingt ans plus tard, avec Où gîtent les étoiles (1975-1976) : Sutzkever commence à écrire des textes qui échappent à la classification traditionnelle, qui ne relèvent d’aucune catégorie établie. Pour sensibiliser les élèves à cette caractéristique, on aura pris soin de leur faire lire en amont le corpus d’extraits proposé en annexe et on les fera réagir sur les éléments suivants :

– le mélange des genres : poésie, prose, poème en prose ;

– les échos entre les passages narratifs présents dans ces extraits et la biographie du poète : on repérera la période de l’enfance, celle du ghetto et de la guerre, l’évocation des disparus, celle du destin individuel et celle du destin collectif

– le mélange des registres : on attirera leur attention sur le registre fantastique avec la présence d’univers décousus, illogiques, qui rappellent le rêve ou le cauchemar.

Une écriture caractérisée par une unité profonde

Cette unité se lit dans le « fil rouge » qui traverse et unit l’ensemble de son œuvre : la dualité qui s’exprime dans la figure de l’oxymore et dont Sutzkever fait le principe poétique même. De fait, ce qui lui importe c’est l’union des contraires, qui passe par la tentation constante chez lui d’abolir les frontières à la manière du temps qui efface sur la peau les cicatrices – un geste poétique qui nous rapproche de son absolu désir de recoudre les plaies, de « recoller la déchirure » [15], la faille qu’avait créée ce que l’on appelle en yiddish le Khubn, l’Anéantissement.

Et, s’il est un motif qui illustre ce principe c’est celui du « mort-vivant », comme en témoigne « Le coffret de bois de rose ». Le personnage, démuni, en proie à la solitude, errant dans un monde ravagé par la guerre et la mort, poussé par le désir de trouver la richesse, part à la recherche d’un trésor dont il connaît la secrète existence. Mais, sans le savoir, c’est à la rencontre de son identité qu’en réalité il va, une identité de mort-vivant symbolisé par le crâne qu’il décide de poser sur sa tête au moment où, de façon toute socratique, il se trouve face au « γνῶθι σεαυτόν » et se re-connaît soi-même. « Dans la ville anéantie, aller vers le salut ce n’est pas échapper à la mort, c’est greffer la mort sur la vie[16], c’est assumer son identité, la seule vraie, la seule possible, celle de mort vivant. », écrit Rachel Ertel dans son introduction au recueil[17].

La construction du concept de « mort-vivant » est permise par un usage particulier du fantastique,caractéristique de la littérature yiddish moderne, qui offre un moyen pour traduire, transposer littérairement les ravages de l’histoire[18]. Ainsi en est-il dans le premier récit-conte d’Aquarium vert, qui porte le même titre que le recueil auquel il appartient. Le poète a émis un vœu, celui de voir les morts. Ce n’est pas sur la barque de Charon parcourant le Styx qu’il se retrouve, mais face à la vitre d’un aquarium vert où les êtres humains nagent comme des poissons :

« Innombrables visages phosphorescents. Jeunes. Vieux. Vieux-jeunes tout à la fois. Tous ceux que j’ai connus une vie durant, les voici, oints par la mort d’une existence verte, dérivant dans l’aquarium vert, comme baignés d’une musique soyeuse, aérienne.

C’est là que vivent les morts !

Au-dessous d’eux, des rivières, des forêts, des villes – une gigantesque mappemonde en relief. Et au-dessus, vogue le soleil – figure de feu. Je reconnais des amis, des proches, des voisins. Je les salue de mon chapeau de paille :

Ils répondent avec des sourires verts, comme un puits répond à la pierre par des ronds éclatés.

Mes yeux frappent avec des rames d’argent, se hâtent, naviguent parmi les visages. Ils fouillent, ils cherchent un visage.

Le voici, le voici ! Lui, le rêve de mon rêve…

– C’est moi, mon amour, oui, moi, moi ! Mes rides ne sont que le nid de ma nostalgie.

Mes lèvres, gonflées de sang, s’avancent vers les siennes. O douleur ! Elles restent suspendues à la vitre de l’aquarium.

Ses lèvres nagent vers les miennes. Haleine d’un alcool brûlant. La vitre, froid couteau rituel entre nous deux.

– Je veux te lire un poème, un poème sur toi… Tu dois l’entendre !

– Par cœur, mon cher, je le connais par cœur, ce poème. C’est moi qui t’en ai soufflé les mots.

– Ton corps, je veux sentir ton corps, ne fût-ce qu’une fois !

– Impossible, la vitre, la vitre…

– Non, la frontière va s’abolir à l’instant, je vais briser la vitre verte de ma tête…

Au douzième coup l’aquarium éclata.

Où sont les lèvres ? Où est la voix ?

Et les morts, les morts – seraient-ils morts ?

Personne. Devant moi, l’herbe. Et là-haut, une branche d’oranger, ou bien des enfants jouant avec des bulles de savon dorées. »

Ce texte nous offre une descente aux enfers, probable réécriture contemporaine de celle d’Orphée pour ramener Eurydice : la vitre de l’aquarium[19] en lieu et place des regards qui ne doivent pas se rencontrer et interdisent au poète du mythe, fou d’amour, de se retourner ; l’aquarium où domine la couleur verte[20] en guise du sentier obscur, enveloppé d’un épais brouillard sur lequel chemine le couple mythologique ; l’aquarium qui éclate au moment où le poète yiddish tente d’en briser la vitre de sa tête faisant soudain disparaître les morts tel Orphée effaçant Eurydice pour ne pas avoir tenu sa promesse. Ainsi le poète Orphée-Sutzkever tente-t-il, en vain, de rompre la frontière entre les deux mondes et de gommer la cicatrice née de leur amour perdu.

Mais se dessine également en creux dans ce récit la figure du rescapé : ni tout à fait vivant, ni tout à fait mort, il erre entre les deux mondes, sans pouvoir atteindre complètement l’univers des disparus, à la recherche désespérée de ses amours défuntes. Et ses différentes tentatives, toutes vaines, pour y accéder ne font qu’accentuer sa douleur d’être encore, malgré lui, de ce monde.

Cette figure du rescapé mort-vivant est en réalité un des fondements de la poésie yiddish et ce, à travers la figure du rescapé, réceptacle des morts :

« Je suis le cœur-million-d’ossements

Le gardien de leurs chants abandonnés »[21], écrit Avrom Sutzkever. L’insertion ici par la traductrice de traits d’union produit un effet remarquable. En créant un seul et unique substantif, Rachel Ertel nous donne à voir ce cœur-gros baluchon, à l’image de ce vieux père, dans le roman de Rochman, qui porte sur son dos le jour -et les enfouit la nuit sous son oreiller- les ossements de son fils.

Ainsi le poète yiddish devient-il tombe-des-sans-tombe. La figure de rescapé-réceptacle-des-morts n’est évidemment pas sans rappeler, dans la théorie kabbalistique de la transmigration des âmes, le phénomène d’ibbour, qui permet « la jonction de l’âme d’un mort à celle d’un vivant, afin de renforcer ses vertus et porter assistance à l’ensemble du peuple juif »[22]. Chez Sutzkever, le rescapé, qui porte en lui les disparus de l’Anéantissement, offre à ces « sans-sépultures » un lieu de repos pour leur âme et, par ce don de soi, leur redonne dignité et humanité.

 

ANNEXES

Corpus de textes préparatoires

Aquarium vert[23] (1953-1954)

Le paysan qui a vu Dieu[24]

En demi-cercle, tel un arc bandé, les tireurs, manches retroussées, entourent la fausse et visent la « Roue de la Fortune » – le tas des condamnés.

La clarté d’un bûcher cuivré, dans le bosquet voisin aux arbres-squelettes à demi effondrés, illumine d’ombres brûlantes les dépouilles de ces morts vivants qui semblent ne faire plus qu’un – comme la terre lorsqu’un soc la fend et la retourne.

La grand-mère seule, un petit-enfant de chaque côté – aigles grises aux ailes déployées-, elle seule conserve l’éternité de son visage.

La grand-mère est restée parmi les derniers.

Les enfants embrassent ses mains de leurs lèvres défaillantes

– Grand-mère, pourquoi tombent-ils, tous ces gens ?

Elle redresse la tête. Tout est bleu, limpide. Une lune immense. De l’œil de la grand-mère sourd une larme enfouie depuis de longues années. Elle coule, s’enfle, submerge la lune. Nuages ; il se met à pleuvoir à chaudes larmes d’aïeule. Et les larmes éteignent le bûcher, emplissent la fosse.

Grand-mère ferme les yeux, et c’est à l’aveuglette qu’elle s’empare d’un enfant et se met à courir.

Qui est sauve – Hana ou Mirélé ? Il ne faut pas réfléchir. L’enfant dort et la grand-mère murmure : Hana-Mirélé, Hana-Mirélé…

Elle erre dans l’obscurité ruisselante. Sur ses épaules dort Hana-Mirélé.

Grand-mère arrive dans un village. Derrière la vitre d’une isba vacille une petite flamme.

Grand-mère patauge dans l’eau. Tombe, se relève et frappe à la porte comme au cœur d’un ange.

– Qui est là ? dit une voix en russe.

– Mon bon, laisse-moi entrer…

La porte s’ouvre lentement, un paysan à demi dévêtu, une lanterne dans une main et un fouet dans l’autre, apparaît sous l’auvent.

Il lève son fouet sur la vieille.

C’est alors que jaillit une voix, telle une aile blanche, des lèvres de la petite vieille.

– Homme, que fais-tu, es-tu aveugle, ne vois-tu pas Dieu sous cette pluie ?

Le long fouet dans la main du paysan vise la grand-mère, mais se retourne comme un serpent pour mordre.

Il ne peut lever le bras, il ne peut l’abaisser.

Dans le halo de sa lanterne, une petite vieille aux longs cheveux blancs comme couverts de chaux. Ses paupières alourdies de gouttelettes – pelotes hérissées d’épingles. Sur ses épaules, elle porte un enfant – agneau bleu.

Et derrière la grand-mère, entre des fils de pluie ornés de perles palpitantes, une forme plane et brandit vers le paysan l’éclair d’un long doigt.

Ses genoux ploient. La lanterne lui tombe des mains.

Et l’agnelet bleu qu’elle porte autour du cou s’éveille.

Le coffret de bois de rose [25]

Lui-même ne se rappelle plus qui lui a confié ce secret. Peut-être un rêve. Un rêve nain, sur ses petites pattes de vif-argent, aurait pu se faufiler dans son âme, par un soupirail qu’il aurait oublié de fermer de l’intérieur, et lui aurait livré le secret.

Il se pourrait aussi, pense-t-il, que le vieillard qui était caché dans un caveau du cimetière pour attendre que sa longue barbe pourpre, tel un rameau de sorbier, s’enfonce en terre et l’enracine aux morts le lui ait raconté de ses lèvres balbutiantes.

Et peut-être, il ne peut jurer que ce soit impossible, étaient-ce les lamentations d’un coucou qui le lui avait révélé dans sa langue maternelle. Il ne sait plus qui, mais quelqu’un, à cette époque, lui avait chuchoté qu’en un certain endroit du quartier tatare, dans un puits étaient enfoui un coffret de bois de rose renfermant les diamants les plus précieux – uniques au monde.

L’embrasement final de la guerre venait de parcourir la ville morte telle une créature géante, préhistorique.

Des nuages d’argile assiégeaient les pans de murs calcinés, comme descendus pour reconstruire la ville…

Une nuit, cet homme, portant les vêtements de papier qu’il s’était confectionnés avec les lambeaux de livres sacrés, quitta le cimetière par le quartier tatar à la recherche du puits.

Car, bien qu’il fût plus seul qu’un doigt tendu, l’histoire du coffret lui avait réchauffé les os.

Il n’eut pas à chercher longtemps le puits. La lune, d’un rayon éclatant, léchait la margelle sur laquelle reposait une perche, tel un gibet à genoux devant le pendu.

Il y plongea son regard, mais ne vit rien, car des toiles d’araignées s’étaient plaquées sur son visage quand il s’était penché au-dessus de la gueule du puits.

Il arracha de ses yeux le bandeau de toiles d’araignées et jeta une pierre dans le puits pour que la durée de sa chute lui indique la profondeur.

La pierre répondit.

Alors, il défit la corde enroulée sur sa poitrine, l’attacha autour d’un piton et, comme un ramoneur dans une cheminée, se laissa glisser dans le puits.

Frémissante était son eau, comme le cœur de celui qui vient juste de mourir.

A l’instant précis où la lune, comme une tourterelle nacrée, s’envolait du puits avec un soupir, il trouva dans l’eau le coffret de bois de rose, le cacha sur sa poitrine, et ses os même chantaient lorsqu’il se hissa au-dehors.

L’étoile du matin luisait au-dessus du paysage comme une goutte de sang.

Et l’homme s’enfuit sur les braises qui couvaient sous la cendre jusqu’au vieux cimetière.

Arrivé là, le cœur battant, les yeux écarquillés comme des fleurs de pavot, il prit le trésor à deux mains et le tint devant lui.

Alors, il aperçut – un crâne.

Un crâne parcheminé, aux orbites étonnées, contemplait sa ruine sans mot dire, avec la malice d’un sourire vivant.

– Crâne, quel est ton nom ?

Et comme les dents serrées ne répondaient rien, l’homme n’y tint plus et le jeta à terre comme Moïse les Tables de la Loi.

Mais bien vite, il lui vint à l’idée que le crâne ressemblait à son père. Il couvrit de baisers le rictus vivant et ses larmes brûlantes coulèrent dans les orbites.

En l’embrassant, il eut une impression de familiarité. Une douce mélodie chanta le long de ses veines.

Soudain, une force brutale le frappa dans le dos :

– Non, ce n’est pas mon père, il n’avait pas cet air-là.

Il reprit le crâne à pleines mains et poussa un hurlement de chien sous les coups.

– QUEL-EST-TON-NOM ?

C’est alors que l’homme entendit son propre nom…

Et il sentit que la tête qu’il portait depuis si longtemps sur ses épaules n’était pas la sienne.

Il posa le crâne sur sa tête et, le soutenant à deux mains, portant les vêtements de papier qu’il s’était confectionnés avec les lambeaux de livres sacrés, il se mit en chemin, à travers la ville morte, à la rencontre du Salut.

Aquarium vert, section C [26]

Personne, cependant, ne m’avait mis en garde contre les mots ivres -fleurs de pavot de l’au-delà. Aussi suis-je devenu l’esclave de leur volonté, d’une volonté que je ne puis comprendre. Et moins encore le mystère de leur amour ou de leur haine. Ils se livrent des guerres dans mon crâne comme des termites dans le désert. Leur champ de bataille fulgure à travers mes yeux avec l’éclat des rubis. Et lorsque je dis aux enfants : « Bons rêves… », ils deviennent gris de terreur.

Une fois alors que j’étais allongé en plein jour dans le jardin -au-dessus de moi, une branche d’oranger, ou bien des enfants jouant avec des bulles de savon dorées-, je sentis un mouvement dans mon âme. Tiens, tiens, mes mots se mettent en marche… Une victoire remportée, ils se sont apparemment décidés à investir des forteresses qu’aucun mot jusqu’à présent n’avait pu conquérir. Dans le royaume des hommes, des anges et, pourquoi pas, celui des étoiles. Enivrée par les fleurs de pavot de l’au-delà, leur fantaisie se donne libre cours.

Sonnerie de trompettes.

Torches pareilles à des oiseaux en flammes.

Escortes de lignes, portées musicales.

Je suis tombé à genoux devant un de ces mots -le souverain, sans doute- qui  chevauchait avec sur sa tête une couronne d’or où scintillaient mes larmes.

– Ainsi, tu m’abandonnes, sans un adieu, sans un au revoir, sans rien ? Ensemble nous avons erré des années durant, de mon temps tu t’es nourri. Alors, avant de nous séparer, avant de te lancer à la conquête d’autres mondes – une prière, une seule. Mais donne-moi ta parole que tu ne refuseras point…

– D’accord, je donne ma parole. Mais épargne-moi les longues phrases. Car le soleil penche déjà vers la branche bleue et, dans un moment, il sombrera dans l’abîme.

– Je veux voir les morts.

– Quel vœu ! … Soit ! Je tiens ma parole… Vois !

Un couteau vert fend la terre.

Tout devient vert.

Vert.

Vert.

Vert des sombres sapins à travers la brume.

Vert d’un nuage envahi par le fiel.

Vert des pierres moussues sous la pluie.

Vert qu’on découvre dans le cerceau poussé par un enfant de sept ans.

Vert des feuilles de choux éclaboussées de rosée ensanglantant les doigts.

Vert premier, sous la neige fondue, ronde autour de la fleur bleue.

Vert de la demi-lune vue par des yeux verts au travers de la vague.

Et vert solennel de l’herbe ourlant une tombe.

Vert déferlant sur vert. Corps à corps. Et voici la terre changée en aquarium vert.

Plus près, plus près encore du tourbillon vert !

J’y plonge mon regard : êtres humains nageant comme des poissons. Innombrables visages phosphorescents. Jeunes. Vieux. Vieux-jeunes tout à la fois. Tous ceux que j’ai connus une vie durant, les voici, oints par la mort d’une existence verte, dérivant dans l’aquarium vert, comme baignés d’une musique soyeuse, aérienne.

C’est là que vivent les morts !

Au-dessous d’eux, des rivières, des forêts, des villes – une gigantesque mappemonde en relief. Et au-dessus, vogue le soleil – figure de feu. Je reconnais des amis, des proches, des voisins. Je les salue de mon chapeau de paille :

Ils répondent avec des sourires verts, comme un puits répond à la pierre par des ronds éclatés.

Mes yeux frappent avec des rames d’argent, se hâtent, naviguent parmi les visages. Ils fouillent, ils cherchent un visage.

Le voici, le voici ! Lui, le rêve de mon rêve…

– C’est moi, mon amour, oui, moi, moi ! Mes rides ne sont que le nid de ma nostalgie.

Mes lèvres, gonflées de sang, s’avancent vers les siennes. O douleur ! Elles restent suspendues à la vitre de l’aquarium.

Ses lèvres nagent vers les miennes. Haleine d’un alcool brûlant. La vitre, froid couteau rituel entre nous deux.

– Je veux te lire un poème, un poème sur toi… Tu dois l’entendre !

– Par cœur, mon cher, je le connais par cœur, ce poème. C’est moi qui t’en ai soufflé les mots.

– Ton corps, je veux sentir ton corps, ne fût-ce qu’une fois !

– Impossible, la vitre, la vitre…

– Non, la frontière va s’abolir à l’instant, je vais briser la vitre verte de ma tête…

– Au douzième coup l’aquarium éclata.

Où sont les lèvres ? Où est la voix ?

Et les morts, les morts – seraient-ils morts ?

Personne. Devant moi, l’herbe. Et là-haut, une branche d’oranger, ou bien des enfants jouant avec des bulles de savon dorées.

Où gîtent les étoiles[27] (1975-1978)

Lupus[28]

I

Sept tours de clé pour verrouiller la porte en cuivre martelé. J’ai une clé magique, entaillée de dents serpentines, que je cache précieusement à même le battement de mon cœur, dans la poche intérieure de ma veste de velours rouge.

Une telle trouvaille mérite une médaille : contre qui est-ce que je protège cette clé ? Si le voleur est dehors, il ne peut pas venir me la prendre et s’il est à l’intérieur, à quoi bon la tenir cachée dans cette minuscule poche ?

Bien que je loge au plus haut de la plus haute tour de la ville et ne reçoive guère de visites, si ce n’est, par l’unique fenêtre, celle de cohortes de nuages lourdement imbibés, aux courbes à la Rubens, et qu’il n’y ait dans toute la ville aucune échelle susceptible d’atteindre ma fenêtre, pas même celle de nos ardents pompiers, malgré tout, au nom de la sursécurité et par crainte du mauvais œil cosmique, j’ai barricadé tous mes volets jusqu’au plus interne et leur ai fait tomber dessus, sans pitié, des portières en brocart.

Et tout cela, afin que rien ni personne ne vienne perturber mes expériences chimiques et suprachimiques visant à matérialiser une ombre, orpheline de son propriétaire charnel.

II

La lampe cabossée et polie, que j’ai achetée pour une bouchée de pain au florissant marché aux puces du vieux Jaffa, ne boit que du bon vieux pétrole, salut amical et odorant venu des entrailles de la terre. Elle convient mieux à mon tempérament et à mes goûts que la brute électricité. L’électricité, c’est la clôture électrique, la chaise électrique ; puisqu’une telle chaise existe, on pourrait aussi bien trouver banal du jour au lendemain un lit électrique, des fiancés électriques et que naissent (ou meurent) des enfants électriques.

Mes proches s’étonnent que j’évite d’appuyer sur un interrupteur. Lorsque je dois le faire, mes narines se révulsent : elles sentent une odeur de chair humaine brûlée.

J’éprouve, au contraire, pour cette lampe désuète, autant de tendresse que pour un être vivant. C’est elle mon premier critique. Le soir, je lui soumets ce que je viens d’extirper aux forceps de ma forge, et à son expression, à sa flamme, il m’apparaît clair et manifeste ce qui ne vaut que poussière et ce qui mérite le ciel. Parfois je lui demande un conseil ou son aide pour résoudre une énigme et sa petite langue de feu, pétale de coquelicot dans le vent, me fait signe ; les lèvres noires du réservoir me répondent par oui ou par non : elle m’est plus utile qu’un collègue pour débrouiller un écheveau psychanalytique. Il lui arrive de s’étouffer et d’émettre des hoquets aussi peu compréhensibles que la confession d’un philosophe à l’article de la mort, et alors c’est évident pour moi : la lampe me parle dans une langue d’autres mondes.

Qui sait où se trouvait cette lampe auparavant et de qui a-t-elle hérité la sagesse ? Je serais prêt à renoncer à bien des visages pour voir celui de son précédent maître. A présent, avec son verre ventru, elle pend à des larmes de cuivre au-dessus de mon pupitre et dessine un doux halo sur le parchemin du plafond. Elle est le soleil magique de mes nuits dans ma retraite fortifiée et bardée de livres, entre ciel et terre.

III

Entre ciel et terre, le silence est devenu tel que l’on pourrait entendre respirer les morts.

C’est cette nuit que cela doit se passer. Toute vague, ne serait-ce qu’une seule fois dans sa vie, doit atteindre un rivage. L’ombre orpheline est enfin chimiquement prête pour réintégrer son propriétaire charnel. Heureusement pour elle, je l’ai prise en pitié ; sinon les fauves l’auraient déchiquetée et je n’aurais plus retrouvé que son squelette noirci. Au bouche-à-bouche, je lui insuffle un rêve chaud. Ses membres commencent à bouger. De l’ombre convulsée émergent ses côtes phosphorescentes. Je reconnais celle dont la glaise a servi à un certain sculpteur pour pétrir Eve. Cet esprit qui s’éveille envahit mes pensées. Un sourire flotte puis se défait sur son visage en devenir. Comme se brisent les rides d’une vague, somnolant dans la rivière, lorsqu’une hirondelle s’y laisse tomber et fend l’eau de sa poitrine. Et regarde, vois : du miroir en fermentation qui me fait face surgit un être chancelant et j’entends une voix, vivante :

– Pourquoi sacrifier un rêve ? Pourquoi chercher à faire naître une créature du néant ? L’ombre est-elle prête à accepter l’entrave des veines ? Et son propriétaire charnel a-t-il tant d’importance ? Les linceuls blancs n’ont pas de poches, mais les noirs non plus : le mort ressuscité va te payer en imprécations sonnantes !

– Qui es-tu ? Comment t’es-tu glissé entre mes quatre murs ?

Je saute de ma chaise et me tiens prêt à bondir sur mon visiteur avec le poignard qui me sert à ouvrir les enveloppes.

– Génial, tu as deviné mes intentions, gargouille l’apparition avec un plaisir évident. C’est exactement pour cela que j’ai surgi : afin que par ton poignard tu me rendes généreusement à la non-vie. Tu voulais transformer une ombre en homme et tu as devant toi un homme : transforme-le en ombre ! Ce sera plus facile et tu y gagneras, même. Seul, je suis incapable de le faire. Je me suis déjà jeté dans le feu, les larmes l’ont éteint ; je me suis déjà jeté dans le fleuve, et c’est tombé à l’eau. Puis-je m’asseoir et fumer une pipe ?

Tu peux crever, tu peux brûler et tu peux fumer, suis-je tenté de maugréer. Mais je suis tout de même curieux de voir ce que cette rencontre me mijote et décide de jouer à l’hôte accueillant :

– Convié ou non, un hôte est un hôte. Bien sûr, tu peux t’asseoir et fumer ta pipe.

Je monte la mèche de la lampe au-dessus du pupitre pour mieux apprécier le personnage.

– Tout cela te semble bizarre, mais je ne suis pas un oiseau rare, rime ironiquement mon visiteur.

Il est déjà installé, jambes croisées, non pas en face mais à côté de moi, si près qu’en tendant le bras je peux toucher son visage, touffe de mousse desséchée avec, en son milieu, deux vers luisants.

Il tire sur sa pipe. Une danseuse de fumée s’en échappe. Au moment où ses pieds dansent leur ronde sur mon crâne, il me vient à l’esprit qu’il n’y a ici qu’une seule chaise et que, monté sur sa selle, je chevauche le réel. Il est donc clair, obscur, que mon convive se tient dans les airs.

IV

Assise, pendue, pourvu que l’ombre me pardonne de lui faire attendre le moment de sa résurrection, pensé-je. Alors l’invité non convié me dit :

– A dire vrai, j’aurais cru que tu me reconnaîtrais immédiatement, moi qui ai le privilège d’être l’objet de ta haine. Tu ne vois toujours pas ? Aïe, aïe, aïe, l’homme ne se souvient ni du moment de sa naissance, ni du moment de sa mort. De quoi se souvient-il donc ? Bon, assez de sous-entendus. Mon nom est Lupus. Mes parents, quant à eux, m’avaient nommé Velvl, et c’est ainsi qu’ils m’appelaient. Mais plus tard, à l’université, mes camarades non juifs m’ont donné Lupus comme nom de baptême.

– Mais pas Lupus tout court, Lupus le Marchand de Cyanure, ajoutai-je pour confirmer ses lettres de noblesse. Ce n’est plus la peine maintenant de me gargouiller comment tu t’y es pris pour te glisser chez moi : au lieu de verrouiller la porte en cuivre martelé et de cacher la clé dans ma veste, c’est une tout autre porte que j’aurais dû barricader et avec une autre clé. Me voilà donc à ta merci.

– Et moi, à la tienne. Les deux vers luisants clignotèrent au milieu de la touffe de mousse desséchée. « A présent que tu sais que je suis Lupus le Marchand de Cyanure et par quelle porte je me suis glissé entre tes quatre murs, je peux abattre mes cartes. »

A part la chaise que je chevauche, et aussi loin qu’il m’en souvienne, il n’y a jamais eu d’autre siège dans mon refuge. Mais rien n’est aussi illogique que la logique : je vois et j’entends Lupus se rapprocher de moi et tapoter sa pipe contre le pied de la chaise inexistante, pour en faire tomber la cendre. Une étincelle jaillit de sa pipe et, avec une brûlure salée, vient s’éteindre sur la pointe de ma langue. Lupus gave sa pipe et en fait sortir une nouvelle danseuse de fumée :

– Le secret de ma force et de ma faiblesse, c’est que j’ai passé ma vie à ne pas être d’accord avec moi-même. Mais l’heure présente diffère de toutes mes heures cousues ensemble : tu as mon plein accord pour me rendre à la non-vie. Je vais le mettre noir sur blanc et le signer. J’ajouterai un codicille : tu seras mon seul héritier.

Bien que ma langue ait subi une brûlure, les mots refusent d’y succomber, ils se rebellent :

– Lupus, mon convive, avant que je n’accepte ou ne rejette ta demande, il nous faut dérouler d’Anciens Rouleaux. Si tes mains tremblent, avoue-le sans honte. Je déroulerai les Rouleaux moi-même. J’ai bonne mémoire, car je n’ai pas la force d’oublier. A ce que je vois, tu acquiesces de ta chevelure moussue. Tu me cèdes l’honneur. Merci. Et voici, je déroule les Anciens Rouleaux :

… De toutes les nuits passées et à venir, il nous reste une nuit d’hiver. Comme nous, la nuit d’hiver est cernée de pelles électriques. Mais elle, la nuit d’hiver, soi-disant fidèle, disparaîtra avec l’aube, tandis que les pelles nous jetteront en pâture aux gueules affamées de la terre.

Enveloppés dans nos chemises de neige, nous gisons dans un glacial four à chaux. Personne n’a froid. Et l’enfant, rivé par le gel au sein de sa mère, n’a évidemment pas froid. Les étoiles sourient. Ravies d’échapper au peloton d’exécution.

Soudain, un frémissement parmi les squelettes de marbre : apparaît un sauveur, porteur de cyanure ! Enveloppé lui aussi d’une chemise de neige, et son souffle…un couteau qu’on aiguise.

Les étoiles sourient. Ravies d’échapper au peloton d’exécution. Mais nous étoiles, élues de la terre, n’envions pas celles du ciel. Nous n’envions que les heureux, ceux nés en chemise de soie qui ont pu dissimuler un anneau, un joyau dont le pouvoir magique permet aux vivants en sursis d’acheter leur part de mort au Marchand de Cyanure.

Des chandeliers de glace étirent leurs dix branches :

– Par pitié, une lichette, une petite miette…

– Pour ne pas avoir honte devant la lueur de l’aube…

– Par charité, juste pour mon oisillon…

– J’ai joué aux échecs avec ton père…

– Lupus, sauve-moi de la vie, je t’épouserai dans l’autre monde…

Mais Lupus ne distribue pas sa marchandise pour rien. Il y a un prix et le prix est de plus en plus élevé. Et moins il reste de cyanure, plus il faut de pierres précieuses. Et il a un air, Lupus, l’air d’un bouc qui vient de déchiqueter un loup !

V

La troisième danseuse s’échappe en volutes de sa pipe. Elle est terriblement noire, un ruban d’étincelles autour de ses hanches. Elle joue des castagnettes. Ou seraient-ce mes tempes qui cognent ainsi ?

Lupus saisit le fil de mes pensées et le coupe :

– Tu as déroulé d’authentiques Rouleaux. Tout ce que nous venons de voir est aussi réel que ta langue brûlée. L’âme m’aurait quitté depuis longtemps déjà, mais elle est chevillée à moi avec des clous trop longs. Toutefois, tu ne t’es pas aperçu de tout : qui a absorbé du cyanure le premier en cette nuit d’hiver ? Moi – Lupus ! Mais dans mes veines coulaient un poison plus violent encore et qui se riait de celui-là. C’est alors, mais alors seulement, que je suis devenu le Marchand de Cyanure : à d’autres, à leur tour, de se persuader que la mort est devenue aussi faible qu’un agnelet, que le poison qui coule dans leurs veines est plus puissant. Ce fut l’ultime consolation. Pauvre créature, tu cherches une raison à tout cela ? Y trouverais-tu un semblant de raison que tu en perdrais la raison.

– Mais pourquoi n’as-tu pas offert le poison aux pauvres, aux démunis de tout, et pourquoi ne l’obtenait-on de toi que contre pierres précieuses ?

– Je n’ai pas voulu que ces anneaux sacrés, ces joyaux, finissent dans la poche du bourreau. Je les ai jetés ensuite par-dessus la haie de pelles, dans l’abîme.

– D’où te venait, Lupus, dans ce glacial four à chaux, du cyanure ?

– Je l’avais subtilisé dans la pharmacie de mon père et gardé caché à même ma chair tout au long des épreuves. Mon père, lui, avait été délivré dès le début par le poison. En ce temps-là encore, le cyanure était plus fort que le poison rouge des veines.

– Et qui était cette femme qui te suppliait de la sauver de la vie ?

– Émalia. Une étudiante. Ma bien-aimée. Mon Dieu. Mais Dieu est trop loin pour trahir.

– Lupus, j’y crois, en ton commentaire sur les Rouleaux. J’en avais beaucoup vu, je n’avais pas tout perçu. Nous sommes, tous les deux, d’incroyables erreurs de cette nuit d’hiver. Le sens de ma survie ne peut pourtant pas être de mener à la non-vie ; et si tu fus l’objet de ma haine, ma haine maintenant s’est volatilisée comme le cyanure de cette nuit d’hiver. Buvons à la vie ! La non-vie n’est pas en mon pouvoir de créateur…

VI

Je partis chercher de la slivovitz et deux verres. Lorsque je revins, Lupus n’était plus là. Dans la marge d’un de mes manuscrits, ses lettres exhalaient encore leurs vapeurs convulsives : « Je t’aurais cru plus intelligent. Que tu m’aurais mieux compris et que tu aurais hâté mes retrouvailles avec Émalia. Là-bas seulement je pourrai, pour de vrai, trinquer à la vie. »

La mèche de la lampe avait bu le pétrole jusqu’aux dernières gouttes et le soleil nocturne, au parchemin du plafond, s’était entièrement consumé, ne laissant qu’une auréole de cendre. Mais une autre mèche qui venait d’être allumée, baignant jusqu’au cou dans un océan de pétrole, faisait pénétrer, à travers les fentes des volets, entre ciel et terre, l’éclat caressant d’un bonjour.

Corpus des poèmes de Vilno

Exécution[29]

Creusant ma fosse comme il faut, comme on l’ordonne,

Je cherche dans la terre un peu de réconfort.

Je creuse encore, un coup, un vermisseau qui sort

D’en dessous, palpitant – le cœur tremble plus fort.

Et ma pelle le coupe – et merveille, je vois

Chaque morceau coupé qui devient deux, puis trois,

Encore un coup, en trois, en quatre il se divise.

Ai-je vraiment créé de mes mains tant de vies ?

Et le soleil revient au plus noir de mon âme,

Un espoir raffermit mon bras, trempe ma chair.

Puisque refuse un ver de céder à la lame

Es-tu donc, homme, moins qu’un ver ?

Ghetto de Vilno, 1942

Le violoniste du ghetto[30]

Un mur gris lui voile la face

Depuis qu’il n’entend plus le son,

Le rêve et le réel s’effacent :

Tant lui manque son violon.

Le monde et son âme qui chante

S’envolèrent avec le son,

Nulle merveille qui l’enchante,

Tant lui manque son violon.

Au plus secret de sa tristesse

Comme un fût de vin l’enterra,

De l’autre côté de la porte,

Avant qu’ici même il entrât.

Sans violon quel sens a sa vie ?

Sans toit, un édifice d’os !

Le temps s’écoule à la dérive,

D’où il vient repart aussitôt.

Un pleur n’est plus rien qu’une goutte,

Un mot – poussière dans le vent.

A son chevet le soleil qui se couche

Avant de fondre a déjà les cheveux blancs.

Et l’homme vit comme dans un miroir,

Sans savoir ce qu’il fait, vivant,

Le sang sur les pierres se moire,

Sans savoir qu’on l’appelle sang.

Une fois portant une pelle,

La nuit en cachette il sortit,

Pour déterrer le violon fidèle,

Sous son foyer anéanti.

Le violon il doit le découvrir,

Boire à sa source la clarté.

Et tout d’un coup l’on vit s’ouvrir

La dernière couche éclatée.

Il l’aperçoit en bas, il le capture,

Le violon brille et lui jette un éclat.

Et de nouveau il glisse au long des murs

Du quartier juif où le portent ses pas.

Et pour le gris des mêmes pierres

Il joue alors selon son cœur,

Que se purifie la moindre poussière

Et que chaque son soit vainqueur.

Comme des enfants les mots se réjouissent,

Enfants qui sont mélodieux accords,

Voilà maintenant que frémissent

Réveillés par l’archet les morts.

Et des fosses les foules sortent,

Compagnons vêtus de rosée,

Et vient aussi l’épouse morte

Vient aussi le fils bien-aimé.

Et chacun de ceux qui l’écoutent

Devient plus fort, devient plus lumineux,

Les larmes ne sont plus des larmes

Un univers s’épure en chacun d’eux.

Et tous marchent, tous s’émerveillent,

Pour la première fois se voient.

Le son les recrée et réveille

Cœur neuf en eux, nouvelle voix.

Le sang sur la pierre est tourmente,

Et chaque mot est un stylet

Et chaque cave est tour géante

Et chaque homme est cela qu’il est.

Ghetto de Vilno, 1943

Mon enfant[31]

Par faim,

Ou par excès d’amour peut-être,

Mais ta mère en est témoin :

J’ai voulu t’engloutir, mon enfant,

Sentant ton petit corps refroidir

Entre mes doigts,

Tout comme si j’y serrais

Un verre de thé chaud,

Sentant sa chaleur peu à peu devenir glace.

Car tu n’es pas un étranger, un hôte inconvié,

Sur notre terre on n’enfante pas un autre –

Chacun enfante son propre moi, comme un anneau,

Afin que les anneaux s’assemblent en chaînes.

Mon enfant,

Qui en paroles te nommes amour,

Et sans paroles es l’amour même,

Toi – le cœur de tous mes rêves,

Troisième mystérieux,

Qui des coins de l’univers,

Par le miracle d’un orage invisible,

A réuni, a fondu deux,

Pour te créer et créer la joie : –

Pourquoi le jour a-t-il sombré dans les ténèbres,

Lorsque tu as fermé les yeux,

Me laissant dehors, pauvre mendiant,

Avec un monde de neige

Que tu as rejeté loin de toi ?

Tu n’as pas connu la joie d’un berceau

Dont chaque mouvement

Cache en lui le rythme des étoiles.

Le soleil peut bien s’émietter comme du verre –

Car jamais tu n’as vu sa lumière.

Une goutte de poison a éteint ta foi,

Tu croyais

Boire du lait doux et chaud.

J’ai voulu t’engloutir, mon enfant,

Pour sentir le goût

De mon avenir rêvé.

Peut-être aurais-tu fleuri comme jadis

Moi dans ma floraison.

Mais je ne suis pas digne d’être ta tombe.

Je vais donc te dédier

A la neige qui t’appelle,

La neige – ma première fête.

Tu vas sombrer,

Eclat de soleil couchant,

Dans ses profondeurs silencieuses,

Pour porter un peu de moi

Aux herbes gelées.

Ghetto de Vilno, 18 janvier 1943

Chaussures [32]

Sur la chaussée du ghetto en cahotant

Est passée une charrette de chaussures

Encore chaudes des pieds qui les avaient portées

Cadeau effroyable des exterminés et j’ai

Reconnu de ma mère la chaussure éculée

A la bouche béante ourlée de lèvres ensanglantées.

Courant derrière le convoi j’ai crié

Je veux être offrande à ton amour

Tomber à genoux et baiser

La poussière de ta chaussure frémissante

Et la sacrer phylactère de mon front

En prononçant ton nom.

Toutes les chaussures dans le brouillard des larmes

Sont devenues chaussures de ma mère

Et ma main tendue est retombée inerte

Se refermant comme sur le vide du rêve.

Depuis ma conscience est une chaussure tordue.

Et je lui adresse ma prière comme autrefois à Dieu

Prière et lamentation et attente de nouvelles afflictions.

Et mon poème n’est plus qu’un hurlement

Une corde arrachée au corps d’un autre

Qui vibre à jamais pour personne.

Je suis seul.

Seul avec mes trente années – fosse où pourrissent

Ce qui jadis avait pour nom

Père

Mère

Enfant.

Ghetto de Vilno, 1943

Les Juifs gelés[33]

Avez-vous déjà vu parmi les champs de neige

Des Juifs gelés en rangs l’immobile cortège ?

Sans un souffle étendus, marbrifiés et bleus,

Leurs corps sont là, pourtant la mort n’est pas en eux.

Car leur âme gelée a des lueurs fugaces,

Poisson doré saisi dans sa vague de glace.

Ni muets ni bavards : chacun pense sans bruit ;

Le soleil a gelé lui aussi dans la nuit.

Aux lèvres roses par le gel déjà figées,

Un sourire est resté qui ne peut plus bouger.

Couchés près de sa mère un enfant semble attendre

Ces bras pour le nourrir qui ne peuvent se tendre.

D’un vieillard nu le poing serré se pétrifie,

Il ne peut libérer de la glace sa vie.

J’ai connu jusqu’ici des morts de toutes sortes,

Je ne suis point surpris des masques qu’elles portent.

Pourtant dans ce juillet si chaud, en pleine rue,

Comme un vent de folie un froid m’a parcouru.

Elles viennent vers moi les dépouilles bleuies

Des Juifs gelés en rangs dans la neige éblouie.

Des sédiments marbrés s’étendent sur ma peau,

Et s’arrêtent soudain la lumière et les mots,

Et du vieillard gelé mon corps prend l’inertie,

Qui ne peut libérer de la glace sa vie.

1944

NOTES

[1] Rachel Ertel, in Mémoire du yiddish, Paris, Albin Michel, 2019, p. 76.

[2] On se reportera également au compte rendu de lecture : Rachel Ertel, Mémoire du yiddish – Transmettre une langue assassinée – Entretiens avec Stéphane Bou, 2019.

[3] Traduction Charles Dobzynski, in Où gîtent les étoilesŒuvres en vers et en prose, traduites du yiddish par Charles Dobzynski, Rachel Ertel et le collectif de traducteurs de l’université Paris-VII Paris, Seuil, 1988, p. 39-40.

[4] Traduction de Charles Dobzynski, Ibid., p. 47.

[5] Journal d’Hermann Kruk, bibliothécaire dans le ghetto de Vilno, cité in Où gîtent les étoiles, ibid., Préface Rachel Ertel, p. 16.

[6] Un euphémisme utilisé par les nazis pour désigner les massacres de masse.

[7] Einsatzkommando 9 commandé par Walter Stahlecker.

[8] Journal d’Hermann Kruk, op.cit., p. 17.

[9] Avrom Sutzkever, Le ghetto de Wilno, 1941-1944, traduction par Gilles Rozier, Paris, Tallandier, 2014, p. 135.

[10] Rachel Ertel, in Où gîtent les étoiles, op. cit., préface, p. 17.

[11] Sutzkever, op.cit., p. 178.

[12] Cf le corpus donné en annexe.

[13] Journal d’Hermann Kruk, op.cit., p. 17.

[14] Il existe une édition bilingue de ce recueil, publiée par la maison de la culture yiddish, dans la traduction de Batia Baume.

[15] Rachel Ertel, Mémoire du yiddish, ibid., p. 77.

[16] On retrouve cette greffe dans un poème que Sutzkever écrit en 1978, « Rire des sous-bois » :

« […] Mais les racines

Courent avec le rire moussu des sous-bois,

Fouillant, cherchant, palpant des ossements, des crânes,

Pour que se vrille en eux la folie de la vie. », traduction de Charles Dobzynski, in Où gîtent les étoiles – Œuvres en vers et en prose, op.cit., p. 134.

[17] Rachel Ertel, in « Avrom Sutzkever : écrire pour briser la vitre du temps », Avrom Sutzkever, Où gîtent les étoiles, op.cit., p. 29.

[18] Cf l’article de Carole Ksiazenicer-Matheron, « Polyphonies fantastiques dans la littérature yiddish moderne », in Les expressions du collectif dans les écritures juives d’Europe centrale et orientale, Fleur Kuhn-Kennedy, Cécile Rousselet : https://books.openedition.org/pressesinalco/4106?lang=fr

[19] « Le caractère fusionnel de l’eau a disparu, sa transparence est celle d’une vitre, c’est-à-dire une surface de séparation et non d’union, une frontière qui ne peut être abolie, seulement brisée par le front qui y bute. Vie et mort ne sont pas unies en un cycle naturel, mais séparées par une distance infranchissable que le poète, lui, est condamné à essayer sans cesse ni répit de franchir. », Rachel Ertel, in « Avrom Sutzkever : écrire pour briser la vitre du temps », op.cit., p. 30.

[20] « Le vert déferle sur le poème avec la force du déluge. De couleur de vie, il devient couleur de mort, celle de l’herbe de Ponar qui pousse sur un charnier. Il est maintenant le tranchant du couteau, le fiel qui se déverse », Rachel Ertel, in « Avrom Sutzkever : écrire pour briser la vitre du temps », op. cit., p. 30.

[21] Avrom Sutzkever, ghetto de Vilno, 22 mai 1943, cité in Rachel Ertel, Dans la langue de personne, Paris, Seuil, 1993, p. 107.

[22] Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme,Paris, Cerf/Robert Laffont, 1993, p. 277.

[23] Recueil de textes en prose.

[24] Traduction de Nadia Déhan et Viviane Siman, Aquarium vert in Où gîtent les étoiles, Œuvres en vers et en prose, traduites du yiddish par Charles Dobzynski, Rachel Ertel et le collectif de traducteurs de l’université Paris-VII, Paris, Seuil, 1988, p. 102-103.

[25] Traduction de Nadia Déhan et Viviane Siman, Aquarium vert in Où gîtent les étoiles, Œuvres en vers et en prose, op.cit., p. 118-119.

[26] Traduction de Nadia Déhan et Vera Solomon, in Aquarium vert, op. cit., p. 86-88.

[27] Autre recueil de textes en prose.

[28] Traduction de Viviane Siman in Où gîtent les étoiles, op. cit., p. 165-170.

[29] Avrom Stzkever, ghetto de Vino, 1942, traduit par Charles Dobzynski, in Anthologie de la poésie yiddish, Paris,Poésie/Gallimard, 2000, p. 530.

[30] Avrom Sutzkever, Où gîtent les étoiles, in « Poèmes », op. cit., traduction Charles Dobzynski, p. 70.

[31] Traduction de Rachel Ertel, Poèmes (1936-1954), in Où gîtent les étoiles, op. cit., p. 66-67.

[32] Avrom Sutzkever, ghetto de Vilno, 1943, cité in Rachel Ertel, Mémoire du yiddish – Transmettre une langue assassinée, Paris, Albin Michel, 2019, p. 78.

[33] Traduction de Charles Dobzynski, Poèmes (1936-1954), in Où gîtent les étoiles, op. cit., p.73-74.