Lire en œuvre intégrale avec une classe de sixième Un sac de billes de Joseph Joffo

Laurence Claude-Phalippouprofesseur de lettres en CPGE au Lycée Fermat de Toulouse
Paru le : 05.08.2020

Laurence Claude-Phalippou, professeur de lettres en CPGE au Lycée Fermat de Toulouse

Résumé : Cette ressource propose une séquence complète pour étudier avec une classe de sixième Un sac de billes de Joseph Joffo en œuvre intégrale. Fondée sur la participation de tous les élèves répartis par groupes et par missions, cette séquence permet de travailler la restitution et l’éclairage historique du livre, ainsi que l’oralisation et l’analyse d’extraits concrets. On trouvera donc ci-dessous le déroulement global de la séquence et le dispositif détaillé pour chaque séance, ainsi que des outils précis (résumés, axes historiques, choix d’extraits, questionnements) permettant de mettre efficacement en place ce travail dans une classe.

Mots clés : Juifs, étoile jaune, nazisme, persécution, solidarité

Index géographique : Paris, la France libre

Discipline : français

Niveau : 6ème

Version PDF : Joffo Un sac de billes séquence classe de 6e


Présentation du projet pédadogique

L’objectif est de permettre à des élèves de sixième de s’approprier un livre qui traite de la situation d’enfants juifs durant la Seconde Guerre mondiale dans la continuité de ce qu’ils ont découvert dans le cadre de l’enseignement de la Shoah en CM2 et qu’ils approfondiront en classe de troisième. En effet, l’éducation contre le racisme et l’antisémitisme doit s’inscrire dans la durée et de manière filée tout au long du parcours scolaire. C’est pourquoi il est important de ne pas laisser en suspens pendant quatre années les apprentissages réalisés dans le premier degré sur le génocide, mais d’y revenir l’année suivante pour évaluer les acquis, les consolider et reprendre les questionnements fondamentaux que suscite cette étude chez de jeunes élèves. Comme ce crime de masse n’est pas au programme d’Histoire avant la fin du cycle 4, il est d’autant plus pertinent d’y travailler au sein du cours de français dans le cadre de la lecture d’une œuvre intégrale. Ce projet peut, par exemple, trouver sa place lors de la semaine d’éducation et d’actions contre le racisme et l’antisémitisme.

La séquence proposée ici s’organise autour d’un travail visant à la mutualisation des lectures de manière à pouvoir les restituer pour finir sous la forme d’une prise de parole collective. L’enjeu est donc aussi celui de la mise en œuvre d’une certaine solidarité : une entraide s’organise autour du livre au sein de la classe, permettant à tous, quelle que soit sa compétence initiale en lecture, d’accéder au texte, et ce, à la fois dans sa dimension narrative, sa dimension historique, son écriture et ses enjeux.

Le livre étudié, Un sac de billes de Joseph Joffo[1], paru en 1973, est idéal pour ce travail : d’un côté il est rédigé dans un style alerte (on reconnaît l’aide de Patrick Cauvin, l’auteur de E=mc2 mon amour), traité comme un roman d’aventure et raconté selon le point de vue de l’auteur-narrateur-héros : cette lisibilité du texte forme un atout majeur pour stimuler la lecture des élèves. Ce récit a d’ailleurs connu un succès significatif : il a été récompensé en 1974 par le prix Broquette-Ronin de l’Académie française, il a actuellement été vendu à près de vingt millions d’exemplaires, s’est vu traduire en une vingtaine de langues ; il a de plus été adapté au cinéma par Jacques Doillon en 1975 et été repris en 2017 par Christian Dugay (film que l’on pourra montrer éventuellement à l’issue de la séquence). Il a aussi fait l’objet d’une réécriture en bande dessinée par Bailly et Kris en 2011. C’est donc un livre à succès, dont la lecture, aisée, est un plaisir.

Mais ce qui rend aussi judicieuse son approche dans le cadre d’une séquence de français en sixième, c’est qu’il est long (398 pages) : beaucoup de nos élèves seraient mis en difficulté par cette densité narrative s’ils avaient à s’y confronter seuls. C’est pourquoi, il peut/doit faire l’objet d’un travail en classe. De plus, si son contenu est globalement compréhensible tel quel, il l’est encore plus quand certains de ses événements historiques sont élucidés. Il permet donc de donner du sens à une démarche d’acquisition de savoirs comme étant ce qui vient éclairer et approfondir ce dont le texte ne donnait que l’intuition.

L’écriture très efficace d’Un sac de billes permet également d’aborder, avec des élèves de sixième, le fait littéraire : portraits et dialogues, péripéties, jeu de focalisation et ellipses, suspense, psychologies et relations, toutes ces dimensions textuelles sont utilisées par Joseph Joffo en vue d’obtenir des effets aussi précis que visibles, ce qui en fait une matière facile à exploiter avec et par de jeunes élèves.

Enfin, Un sac de billes a une valeur éthique essentielle : il se fait le témoin de la persécution antisémite, de la menace de mort que la Shoah fait peser sur des enfants et de son effectivité à travers la dissimulation des petits juifs au camp de Golfe-Juan tout comme lors de l’internement de Joseph et Maurice au quartier général de la gestapo à Nice. Le livre se referme significativement sur la mort du père qui ne reviendra jamais d’Auschwitz. Dès lors, l’Histoire s’incarne dans le récit et permet une sensibilisation des jeunes lecteurs ainsi confrontés à l’horreur nazie.

Déroulement de la séquence pédagogique

Séance 1

NB : cette séance est à réaliser juste avant les vacances

Prise de contact avec le livre

Le livre en main, on peut le regarder, discuter collectivement de la première de couverture, de la quatrième, des illustrations que l’on aperçoit ici et là dans le texte de manière à faire émerger une certaine curiosité pour ce que ce livre contient.

Pistes possibles pour l’étude de la première de couverture :

Au premier plan : deux enfants/vêtements d’une autre époque/visages inquiets/corps qui cherchent à se dissimuler/mais énergie des jambes et des pieds en mouvement/main de l’un qui tient le bras de l’autre

À l’arrière-plan : 12 personnages (selon tailles : hommes, femmes et enfants)/couleurs bleutées, sauf 3 étoiles jaunes (jaunes, comme les costumes des deux garçons du premier plan)/impression d’agitation/ présence de bagages et certains se serrent dans les bras comme pour se quitter/départ, tristesse, confusion/visages stylisés sans yeux ni bouches/décor de gare ?

La relation entre les deux plans : les enfants se détachent de l’arrière-plan du fait de leur taille (premier plan), de leur couleur et de la direction qu’ils semblent suivre, mais un lien se trouve en même temps établi entre les deux plans par la (significative) couleur jaune.

Pistes possibles pour l’étude de la quatrième de couverture :

– « Paris, 1941 » : un lieu, une date : qu’en savent les élèves ?

– « Le pays occupé par les nazis » : de qui s’agit-il ? Quelle est cette situation ?

– « Qui obligent tous les juifs à porter l’étoile jaune » : c’est donc l’étoile de la première de couverture. Quelle est cette obligation ? Qu’est-ce que cela peut faire de se voir obligé de porter ce signe ?

– Joseph et Maurice « tentent de franchir » : c’est donc le récit des aventures de deux frères : cela explique la couverture.

– « La ligne de démarcation/la zone libre » : qu’est-ce que cela veut dire ? Montrer à cette occasion une carte de la France scindée en deux en 1942.

– « Sans papiers » : pourquoi n’en disposent-ils pas ? S’ils en avaient, quel serait leur problème ?

Pistes possibles pour l’étude de la première illustration (p. 23 « le coup du siècle ») :

– Quel élément nous indique dans quel lieu précis se situe l’action ?

– Quelle est la situation que l’on imagine sans avoir lu le livre ?

– Qu’est-ce qui caractérise le personnage debout et vêtu de blanc ?

– Qu’est-ce qui caractérise le personnage assis ?

– Quel est l’indice majeur qui montre qu’il y a quelque chose d’étonnant dans cette scène ?

– Quel effet est créé par l’usage du noir et blanc pour ce dessin ?

NB : des documents complémentaires sont proposés dans la version PDF.

Lancement du projet

On aide les élèves à se projeter dans la lecture en leur proposant de compléter la formule suivante : « À la découverte de ce livre, j’ai envie de… »

– Connaître les personnages et l’histoire dans son début, son déroulement, sa fin ;

– Savoir à quelle réalité historique cela correspond ;

– Écouter de beaux extraits lus à haute voix de façon expressive ;

– Avoir des explications sur les significations que l’on peut donner et sur ce que l’on ressent face à certains passages.

Il s’agit de prendre collectivement conscience des divers niveaux du texte qui forment une lecture : diégèse/dimension historique/relation concrète au texte à travers des extraits/ caractérisation de leur sens et de leur écriture.

Proposition d’un contrat de lecture

On peut discuter ici collectivement de la lecture, du plaisir qu’elle procure, tout en laissant s’exprimer aussi le fait que pour certains élèves ce soit une activité moins agréable, plus contraignante, moins facile. Il faudrait également faire émerger l’idée qu’avoir commencé un livre sans le terminer peut être frustrant. De cette manière, on peut progressivement élaborer un projet collectif qui réponde à la question formulée par le professeur : de quelle solution dispose-t-on quand on ne parvient pas à terminer une lecture ?

L’enjeu est alors de suggérer une modalité de travail souple : chacun lit à son rythme pendant les vacances ; un point sera fait à la rentrée sur l’endroit où les élèves sont arrivés et l’on verra alors comment on s’y prend pour que tous les élèves de la classe puissent s’approprier le roman dans son intégralité, l’idée d’une entraide collective pouvant alors émerger.

Séance 2

NB : cette séance est à réaliser au retour des vacances

Travailler avec la classe à l’objectif commun

En s’appuyant sur ce qui avait émergé lors de la séance qui précédait les vacances, on définit collectivement un objectif commun : que tous les élèves de la classe puissent accéder à la totalité du récit, en comprendre les enjeux historiques, avoir une connaissance précise des passages les plus révélateurs de l’œuvre et de ceux qui ont le plus suscité l’intérêt et le plaisir chez les élèves, et prendre part à l’explication que l’on peut en donner.

Pour réaliser cet objectif, on préparera collectivement une restitution complète du livre sous forme de « jeux de rôles » auxquels tous les élèves, répartis par groupes, pourront participer. La mutualisation et l’entraide se mettent ainsi en place.

Mettre en place les groupes – Sélectionner les chapitres

On commence par répartir les élèves de façon à former des groupes selon la lecture faite : on peut jouer avec la question « qui a pris du plaisir à/a été intéressé par tel passage/telle partie ? » de façon à ne pas être seulement sur « qui a lu tel passage ? ».

Chaque groupe peut ensuite se choisir un nom, selon les critères qu’il souhaite, nom qu’il explique ensuite à toute la classe et qui donne à chaque groupe une identité.

Il semble important que l’enseignant intervienne de façon à ce que les compétences se répartissent de manière équilibrée afin que le travail qui suivra soit constructif pour tous.

Le récit est composé de 11 chapitres et d’un bref épilogue. La répartition de la classe en 6 groupes (deux chapitres par groupe) paraît raisonnable.

Expliquer le jeu de rôles

Une fois ces groupes constitués, on donne les indications suivantes aux élèves.

Il faut assurer la « mission conteur » : il s’agit tout simplement de résumer ce qui se déroule dans les deux chapitres, c’est-à-dire de restituer en l’expliquant ce qu’il arrive d’important aux personnages. L’enjeu n’est pas que ce soit long ou trop détaillé, mais de permettre de bien se représenter ce qu’il se passe – surtout pour les élèves qui n’ont justement pas lu ce passage-là ! [Des résumés sont proposés ci-dessous pour le professeur et, éventuellement, pour servir de base à l’un ou l’autre groupe si besoin]

Le second travail consiste à assurer la « mission historien » : comme tout le récit a lieu dans un cadre historique qui détermine en grande partie ce qui arrive aux personnages, il est important pour tous que certains éléments soient identifiés et expliqués. Ainsi, toute la classe pourra comprendre les raisons des situations. Il faut donc procéder à quelques recherches en allant au CDI et voir à quel moment il sera judicieux de communiquer ces informations selon la nature de chacune (avant/ pendant/ à la suite du résumé). [Une liste des éléments à contextualiser chapitre par chapitre est donnée à titre indicatif ci-dessous.]

Le troisième élément à préparer est la lecture d’un passage que le groupe a envie de faire partager à tous les élèves. C’est la « mission acteur ». Il faut donc choisir cet extrait puis décider de la manière de le lire, et s’entraîner de façon à ce que les auditeurs aient ensuite un vrai plaisir à écouter ces passages – soit en les retrouvant, soit en les découvrant. [Une pré-sélection d’extraits est proposée ci-dessous.]

Le dernier travail de préparation consiste à mettre en relief les caractéristiques de cet extrait pour les auditeurs qui l’auront entendu lire. On peut donc décrire la manière dont le texte est fait, ce qui intéresse, ce qui est surprenant, et aussi ce à quoi cela fait réfléchir. Il faut donc préparer cette communication sur ce que l’on a envie de faire partager aux auditeurs sur cet extrait pour que tout le monde puisse s’approprier ce qui est important. C’est la « mission critique ». [Là aussi, une série de questions est disponible ci-dessous.]

Pour chaque groupe et les deux chapitres dont il a la responsabilité, ces quatre modalités d’approche vont avoir lieu, ce qui donnera à toute la classe, lors de la restitution orale de ces travaux, une lecture complète des divers niveaux du récit (l’intrigue/la dimension historique/ des passages précis/leurs analyses).

Répartir les missions à l’intérieur des groupes

Selon le nombre d’élèves dans la classe, les groupes seront formés de 4 à 5 élèves et chaque groupe aura donc à assurer les quatre missions précédemment identifiées comme des rôles : mission conteur, mission historien, mission acteur, mission critique.

Le mieux est que tout le groupe travaille sur chaque mission. Mais on peut proposer aux groupes de désigner un élève référent par mission : c’est lui qui pilotera le travail et en assurera la présentation à la fin. Cela permet aux élèves de s’identifier à la mission qui leur plaît le plus tout en les faisant contribuer à toutes les productions, dans une interaction d’autant plus constructive que les rôles tournent. Si le groupe est d’ailleurs constitué de 5 élèves, ce cinquième peut jouer un autre rôle défini comme utile par le groupe.

NB : on trouvera dans la version PDF un tableau pouvant aider chacun à formaliser son action.

Séance 3 : au travail !

Définir les critères de la réussite de ce travail collectif

Avant que les élèves ne se lancent dans le travail concret, on les aidera à se représenter le petit « spectacle » auquel ils aboutiront. Il sera donc utile de discuter de leurs envies, de l’objectif majeur poursuivi et de ce qui va fonder leur réussite.

L’enseignant peut alors suggérer que cette représentation puisse être écoutée par d’autres personnes qui, elles, n’auraient pas lu ou auraient oublié Un sac de billes…

Au fur et à mesure de l’élaboration du travail, et tout particulièrement lors des phases de répétition, on peut utiliser cette représentation finale comme levier pour faire réfléchir les élèves sur ce qu’ils font et les aider à penser ce qu’ils doivent améliorer et comment.

Travail par mission

Chaque groupe bâtit successivement ce qu’il a à préparer, avec l’aide de l’enseignant qui répond aux questions et qui suggère des solutions de façon à ce que les productions soient toutes réussies.

Voici, pour aider l’enseignant à orienter les élèves, les principaux éléments que l’on peut retenir chapitre par chapitre et mission par mission :

Chapitres 1 & 2

Mission conteur 

Le récit, raconté à la première personne par Joseph qui a dix ans, commence au nord de Paris en 1941 par le jeu de billes, ses joies et ses peines : le narrateur vient de perdre les siennes contre son frère Maurice. Comme les deux garçons rejoignent le salon de coiffure, deux soldats nazis viennent par erreur s’y faire couper les cheveux, et c’est ainsi que le récit bascule dans le contexte de la guerre et de la persécution antisémite. Le soir, le père aime raconter des histoires à ses enfants, dont celles de leur famille, qui a fui la Russie en raison des pogroms. Toute la famille est inquiète de ce qui se passe avec Hitler, mais reste confiante : en France, ils se pensent en sécurité.

Mission historien 

NB : il faut bien préciser aux élèves que les recherches historiques ne doivent pas être longues : elles doivent être effectuées seulement pour permettre de faire comprendre en une minute aux autres élèves de quoi il s’agit dès que c’est évoqué dans le résumé. Par exemple, Joffo évoque les « pogroms », à l’origine de l’arrivée de ses parents en France : il suffit de définir ce que c’est pour en faire comprendre l’enjeu narratif dans le texte ; ainsi, la saisie du texte n’est pas empêchée par le contexte historique.

– Nazisme

– Pogroms en Russie et exil des juifs d’Europe

– Hitler

Mission acteur

NB : pour cette mission, le professeur peut utiliser les extraits proposés ici et leur questionnement, mais il peut aussi bâtir des questions de même nature sur des extraits que les élèves ont choisis eux-mêmes si c’est cette option qui a été privilégiée par la classe.

p. 20-25, de « Bien dégagé ? » à « tous les gens qui sont ici sont des juifs ».

Mission critique

On peut aider les élèves à faire émerger les caractéristiques du texte avec les questions suivantes :

pourquoi la situation est-elle stupéfiante ? Caractérisez le personnage qui le montre le plus.

– De quoi Joseph a-t-il peur ? À quoi le voit-on ?

– Comment cette peur contraste-t-elle avec l’attitude des deux clients nazis ? Comment se comportent-ils ? Quel est le ton des échanges ?

– Dans tout le passage, comment se comporte le père ? Est-ce que cela laisse présager le dénouement ?

– En quoi la parole finale du père est-elle importante ? Est-ce risqué ? Est-ce courageux ? Pourquoi le fait-il ? Quel message cela donne-t-il aux nazis ?

– Et quel message cela fait-il aussi passer aux lecteurs ?

Chapitres 3 & 4

Mission conteur

Un peu plus tard, le port de l’étoile jaune devient obligatoire, et la mère des enfants leur en coud une sur leurs vêtements ; à l’école, ils se voient alors identifiés comme Juifs et on leur attribue tous les clichés antisémites. Mais un copain non-Juif, lui, veut l’étoile qu’il trouve très belle : Joseph la lui échange contre un sac de billes ! Dans le quartier des enfants, beaucoup de gens partent. Et lorsque le soir les garçons rentrent, le père, après leur avoir décrit sa propre histoire, leur dit qu’ils doivent eux-mêmes fuir Paris sans leurs parents pour aller en zone libre où toute la famille se retrouvera.

Les deux garçons partent le lendemain en train à Dax ; ils se débrouillent très bien et reçoivent aussi de l’aide, une dame les nourrissant, un curé leur permettant d’échapper à un contrôle d’identité ; mais le danger est omniprésent, et le petit Joseph très angoissé.

Mission historien 

– L’étoile jaune

– Le Maréchal Pétain

– L’expression de l’antisémitisme

– La zone libre et la ligne de démarcation

Mission acteur

p. 54-58, de « -Vous avez vu que les Allemands sont de plus en plus durs avec nous » à « c’en était fini de l’enfance ».

Mission critique 

On peut aider les élèves à faire émerger les caractéristiques du texte avec les questions suivantes :

– En quoi cette scène est-elle triste ?

– Qu’est-ce qui montre que la situation est grave et le départ urgent ?

– Qu’est-ce qui rassure Joseph ?

– Expliquez pourquoi le père donne une gifle à Joseph. Qu’en pensez-vous ? Pourquoi est-ce si important de ne pas révéler sa judéité ? Mais quelle est ensuite la question que pose Joseph ? Qu’est-ce que cela montre ?

– Caractérisez l’attitude de la mère à la fin de l’extrait, puis celle du père.

– Pourquoi le narrateur conclut-il « c’en était fini de l’enfance » ?

Chapitres 5 & 6

Mission conteur

Après Dax, les garçons doivent aller à Hagetmau ; ils se retrouvent parmi de nombreux Juifs qui veulent comme eux aller en zone libre. Mais pour cela, ils ont besoin d’un passeur : ils rencontrent Raymond, qui leur fait payer cinq mille francs chacun, et qui accepte de prendre aussi une famille qui a demandé de l’aide aux deux frères.

Le passage s’effectue sans encombre – à tel point que Maurice lui-même profite de la nuit pour faire passer plusieurs personnes, et ainsi renflouer les finances. Ils continuent leur route en marchant, mais Maurice est épuisé, Joseph a des ampoules, et ils profitent du passage d’un comte pour avancer en calèche ! Ils arrivent enfin à Marseille, où ils découvrent la mer, s’égarent au milieu de prostituées, vont au cinéma…

Bien que les choses se compliquent à la gare lorsqu’il leur faut repartir, les deux enfants parviennent finalement à retrouver leurs frères aînés à Menton, et la vie suit son cours, Maurice et Joseph faisant de petits boulots, jusqu’à ce que, d’abord, leurs parents soient arrêtés : Henri se rend alors à Paris, et parvient à les faire délivrer comme il le raconte à son retour. Ensuite, les aînés doivent fuir car ils sont convoqués pour le S.T.O. Il est temps de repartir : Maurice et Joseph iront à Nice, qui paraît plus sûre.

Mission historien

– L’exil des juifs vivant dans la zone occupée

– Les passeurs

– La valeur des francs en 1942

– Le Service du Travail Obligatoire

– Le rôle des forces de l’ordre françaises dans la France de Vichy

Mission acteur

p. 142-147, de « Pipi aux W.C. » à « – Qu’est-ce qui arrive ? ».

Mission critique

On peut aider les élèves à faire émerger les caractéristiques du texte avec les questions suivantes :

– Quel est le risque que court Joseph dans la rencontre des deux gendarmes français ?

– Quelles sont les hypothèses du narrateur sur sa situation ? Que pouvez-vous dire de la phrase « il y a des moments où il suffit de peu de choses pour que la vie continue ou qu’elle s’arrête » ?

– Pourquoi Joseph ment-il ? En quoi son mensonge est-il habile ?

– Pourquoi évite-t-il Maurice ?

– Quelle est l’astuce de Joseph pour que l’on croie qu’il est avec son père ? Que pense le monsieur de cet enfant ?

– En quoi cet épisode est-il angoissant ? En quoi fait-il preuve d’humour également ?

Chapitres 7 & 8

Mission conteur

La famille Joffo est installée à Nice, certes occupée par les Italiens, mais dans une atmosphère de vacances qui tranche avec les angoisses précédemment vécues. Tous écoutent Radio-Londres pour avoir des nouvelles de la guerre, de l’avancée des Russes, de la venue des Américains et de la débâcle des Allemands qui semble imminente… Mais quand les Italiens, qui ont signé l’armistice quittent Nice, ce sont les Allemands qui s’y installent !

La famille s’organise en conséquence : Joseph et Maurice partent dans un camp pour la jeunesse, à Golfe-Juan, « Moisson-nouvelle ». Mais comme ils font une escapade à Nice, ils sont pris dans un piège tendu à des trafiquants de faux-papiers et envoyés au quartier général de la gestapo niçoise.

Mission historien 

– La présence italienne dans le Sud de la France

– Radio Londres

– L’intervention des alliés (russes et américains) dans la guerre

– Mussolini et sa démission

– Les Allemands à Nice

Mission acteur 

p. 260-265, de « la cour est agréable » à « Je suis donc son ennemi ? ».

Mission critique 

On peut aider les élèves à faire émerger les caractéristiques du texte avec les questions suivantes :

– Au début du passage, montrez comment la violence que subit Joseph est d’autant plus intense qu’elle contraste avec la douceur de ce qui précède.

– Que fait le soldat ? Que ressent Joseph ? Comment s’exprime son incompréhension ?

– Qu’explique Ferdinand ? Pourquoi Maurice paraît-il sceptique ?

– Qu’est-ce qui est difficile à supporter dans la pièce ? Quelle solution propose Joseph ? Quel problème pose-t-elle ?

– Que pouvez-vous dire de la question que se pose Joseph à propos de la violence du soldat : « je suis donc son ennemi ? »

Chapitres 9 & 10

Mission conteur

Les deux frères subissent des interrogatoires qui visent à établir leur identité juive, ce que tous deux réfutent habilement, prétendant au contraire avoir été baptisés. Mais leur circoncision pose problème ; ils la déclarent motivée médicalement et le médecin, un Juif stupéfait par leur détermination, appuie leur déclaration, ce qui permet que l’enquête se poursuive et que l’archevêque, Mgr Remond, avec le curé de la Buffa, leur fasse délivrer deux faux certificats qui les sauvent de l’envoi à Drancy. Pendant cette période, Joseph a été très malade, mais les deux frères regagnent sains et saufs le camp de Mission-Nouvelle.

Mais leur père a été arrêté, et il leur faut fuir le plus vite possible : ils se rendent à Ainay-le-Vieil chez leur sœur, où ils ne peuvent rester.

Mission historien 

– La circoncision dans la religion juive

– Comment les nazis ont obligé des personnes juives à participer à leur système

– L’archevêque de Nice

– Drancy

Mission acteur

p. 336-342, de « Nous la regardions en silence » à « Je lui adresse toutes mes excuses silencieuses et reprends ma place dans la conversation. ».

Mission critique 

On peut aider les élèves à faire émerger les caractéristiques du texte avec les questions suivantes :

– Quel récit fait la sœur de Joseph ? En quoi est-ce poignant ? En quoi est-ce révoltant ?

– Quel est le problème que cela pose à tout le village ? En quoi peut-on dire que cette suspicion généralisée est le résultat de la terreur nazie ? Quelle conséquence cela a-t-il pour Joseph et Maurice ?

– Pourquoi Joseph soupçonne-t-il Mme Vuillard ? En quoi illustre-t-il ainsi ce qui précède ?

– À quel type de personnage Joseph s’identifie-t-il ainsi ? Quel effet a alors la révélation de l’identité de cette femme ?

– Pourquoi Joseph lui présente-t-il ses excuses intérieurement ?

Chapitre 11 & épilogue

Mission conteur

Installés dans un village désigné dans le récit par l’initiale R., qui est dans la réalité le village de Rumilly, les deux frères s‘organisent. Joseph, qui gagne de l’argent en falsifiant les tickets d’alimentation, est employé par M. Mancelier, un libraire-papetier, pétainiste et antisémite. Joseph rend service à des miliciens et ainsi participe à sa façon à la Résistance.

Et en juillet 1944, c’est la fin de l’Occupation, Paris est libéré. Des règlements de compte ont lieu, Joseph cherche à aider son patron en déclarant qu’il avait caché un Juif, lui-même – même si bien sûr celui-ci n’en savait rien ! Joseph veut rentrer à Paris, mais il est arrêté par des miliciens qui le soupçonnent de fuir en Allemagne et veulent le fusiller jusqu’à ce que, par chance, un milicien qu’il avait aidé le reconnaisse. Joseph se rend à Paris en train, et Maurice voyage lui aussi de son côté.

Quand Joseph arrive enfin au salon de coiffure, sa mère et ses frères y sont, mais son père, déporté à Auschwitz, lui n’y sera jamais plus.

L’épilogue est la conclusion que Joseph Joffo tire de tout ce récit qu’il a rédigé trente ans après le début des événements. La fin est alors marquée par l’espoir : espoir que la leçon sera tirée et permettra de ne pas renouveler ce qui a eu lieu – « Ces choses-là ne se reproduiront plus, plus jamais » –, mais cet espoir ne va pas sans inquiétude et pessimisme, le tout dernier mot de l’écrivain étant, « Peut-être… ».

Mission historien

– Le système des tickets d’alimentation

– Le pétainisme

– Les miliciens et la Résistance

– La Libération

– Auschwitz

Mission acteur

p. 347-352, de « De nouveaux personnages sont apparus dans ma vie » à « la très belle Françoise aux belles joues ».

Mission critique

On peut aider les élèves à faire émerger les caractéristiques du texte avec les questions suivantes :

– Qu’est-ce qui caractérise physiquement le père Mancelier ? Comment s’explique son système de pensée ?

– En quoi est-ce amusant qu’il se soit pris d’affection pour Joseph ? Que ne sait-il pas ? En quoi ceci vient-il contredire son idéologie ?

– Ee quoi est faite l’histoire d’amour de Joseph ? Comment expliquez-vous que, pourtant, ce soit le premier souvenir qui lui reste de toute cette période ? En quoi est-ce symboliquement important ?

– Où le père Mancelier veut-il conduire Joseph ? Pourquoi ?

– Qu’en pense Joseph ? En quoi est-ce touchant ? En quoi est-ce amusant ?

Séance 4 : répétition générale…

Chaque groupe finalise son passage en le présente au professeur qui donne toutes les indications sur les contenus et leur communication pour améliorer les productions. Les groupes qui attendent commencent à s’entraîner. Ceux qui sont passés se ré-entraînent en mettant en application les conseils donnés par l’enseignant.

Séance 5 : le décor

Pour cette séance, on répartit autrement les élèves, cette fois en fonction de la mission dont ils ont eu la responsabilité : chacun des quatre groupes-missions (les conteurs/ les historiens/ les acteurs/ les critiques) doit en effet préparer, dans le plus grand secret, un élément, issu de leur lecture du texte en fonction de leur mission, qui va participer à la mise en scène de la représentation publique ; il peut s’agir du décor, d’objets qui accompagnent la représentation, de costumes, d’accompagnement musical…

Le projet est à cette phase de créer de la transversalité et de développer la créativité des élèves en fonction de leur rôle.

Voici quelques suggestions d’éléments possibles :

– Pour les conteurs : un peigne, des ciseaux/des chaussures d’enfant/le dessin de deux mains qui se tiennent/la Tour Eiffel…

– Pour les historiens : une grosse étoile jaune/un drap noir/un insigne militaire/une grille/une photo d’un camp…

– Pour les acteurs : un haut-parleur/un micro/une caméra/une estrade/un rideau de théâtre…

– Pour les critiques : des lunettes/un pupitre/un livre/sous forme d’enseigne, la reprise d’une émission littéraire grand public comme « la grande librairie »…

Séance 6 : en place !

Cette séance est l’étape où le travail est présenté non seulement à toute la classe, mais aussi à d’autres personnes de l’établissement qui ne connaissent pas le récit de Joffo mais ont très envie de le découvrir ! Collègues ? Documentaliste ? CPE ? Chef d’établissement ?…

Selon l’atmosphère de la classe, le professeur peut aussi devenir cameraman afin de filmer puis de projeter plus tard, pour le plaisir, le film à la classe.

On peut imaginer que le professeur propose à la fin un bref quizz avec six questions posées au public, chacune correspondant au travail d’un groupe. Quand le public répond bien, le groupe est félicité !

Séance 7 : retour collectif sur le travail réalisé

On peut terminer cette séquence tout simplement en parlant avec les élèves : comment s’est passée la représentation ? Sont-ils contents de leur travail ? Ont-ils eu la sensation d’apporter aux autres quelque chose dans le domaine qui a été celui de leur mission ?

On peut leur dire alors comment le public a perçu le mini-spectacle. On peut aussi projeter la captation vidéo qui a été effectuée par le professeur et ainsi valider l’évaluation portée par le public sur chaque passage.

On peut également les faire s’interroger sur l’effet de la représentation sur eux : le récit est-il maintenant bien compris par chacun d’eux, même par ceux qui n’avaient pas tout lu ? Ceux-ci ont-ils envie de reprendre leur lecture ? La dimension historique est-elle plus claire ? Ont-ils aimé les extraits lus ? Ont-ils appris des choses en les entendant commenter ?

On peut enfin discuter avec eux de ce qui est ressorti du texte : de quoi se souviendront-ils surtout ? Pourquoi ? Est-ce qu’ils vont conseiller ce livre ? À qui ? Pourquoi ? Ont-ils envie d’en voir une adaptation cinématographique ? En BD ? Est-ce disponible au CDI ?

Et… ce qui serait bien pour conclure – car c’est l’objectif principal d’un tel enseignement, faire réfléchir les élèves sur les valeurs qui fondent l’Humanité –, ce serait d’en profiter pour parler de la solidarité : dans le livre/en dehors du livre… Qu’est-ce qui a changé dans le fait de travailler tous ensemble sur cette lecture ?

 

NOTES

[1] Édition Le livre de Poche Jeunesse, 2018.