In Germany, the uniqueness of the Holocaust in comparison to «other» historical crimes has been increasingly questioned in recent years. The article examines the processes of a (des)affective (de)memorization concerning the OvaHerero and Nama genocide in postcolonial memory politics. It analyzes emotional discourses in reparation claims and negotiations for official recognition between 2001 and 2023.
Keywords: memory, emotions, Holocaust, German colonialism, Genocide of the OvaHerero and Nama, reparations.
Des émotions enchevêtrées? La commémoration des passés coloniaux en Allemagne
En 2021, un débat controversé sur la possibilité de comparer l’Holocauste1 avec « d’autres »2 crimes historiques prend en Allemagne le nom de Historikerstreit 2.0. (Querelle des historiens 2.0) (Moltke). Lors du premier Historikerstreit à la fin des années 1980, au cours duquel la comparaison de l’Holocauste avec les crimes staliniens commis en Union soviétique a été discutée, les débats au sein de la société allemande concernant la place à donner à l’Holocauste dans la mémoire collective ont fini par l’établir comme norme de la politique de mémoire. Dans la nouvelle version du Historikerstreit – qui avait déjà commencé à être mené en Allemagne avec plus ou moins d’intensité à différentes occasions au cours des années précédentes3 – la question est soulevée de savoir si la commémoration « d’autres » crimes historiques pourrait mettre en danger le consensus sur la singularité de l’Holocauste. Le débat a atteint son point culminant après la publication de l’article « Le catéchisme allemand » (Moses, 2021) par l’historien australien Dirk Moses dans le magazine en ligne Geschichte der Gegenwart (Histoire du présent). Il y déclare que la façon de commémorer l’Holocauste en Allemagne sert de stratégie dogmatique visant à empêcher la commémoration « d’autres » crimes historiques. Par crainte de banaliser la persécution des Juifs pendant le national-socialisme, aucune comparaison avec « d’autres » génocides n’est acceptée. Moses affirme que l’obligation de commémorer l’Holocauste est utilisée à mauvais escient pour cacher « d’autres » crimes historiques et, par conséquent, pour créer une « hiérarchie de la souffrance » (ibid.).

Dans son article, Moses fait en particulier référence au génocide des OvaHerero et Nama qui, entre 1904 et 1908, a entraîné la mort d’environ 60 000 OvaHerero et d’environ 10 000 Nama selon les estimations (Häussler, p. 8 ; Robel ; Schaller). Le « Sud-Ouest africain allemand » (1884-1915) étant considéré comme une colonie de peuplement, la politique coloniale allemande se caractérise notamment par le vol des terres aux communautés locales ce qui conduit finalement à leur résistance militaire contre la domination étrangère (Zimmerer, 2011a, p. 32-33). En 1904, une guerre coloniale éclate et donne lieu au premier génocide du XXe siècle. Après la « bataille de Waterberg » en août 1904, au cours de laquelle les OvaHerero sont vaincus, le général commandant Lothar von Trotha donne « l’ordre de tirer » qui est aujourd’hui aussi connu comme « l’ordre d’extermination ». Dans l’ordre, von Trotha refuse de faire des prisonniers (Zimmerer, 2011b, p. 45) et ordonne à l’armée coloniale allemande de pousser les survivants dans le désert et de les y laisser mourir de soif (p. 50). Suite aux protestations internationales, l’ordre est annulé quelques semaines plus tard et von Trotha rappelé. Cependant, afin de continuer à contrôler les OvaHerero, des camps de concentration et de travail sont établis dans le pays, où les OvaHerero et les Nama sont internés jusqu’en 1908 (p. 50-55). Depuis l’indépendance de la Namibie et de l’Afrique du Sud en 1990, les OvaHerero et Nama demandent la reconnaissance officielle du génocide, des réparations et des excuses de la part du gouvernement allemand. C’est notamment sur la question des réparations que Moses critique la position des élites allemandes qui mettraient en avant une obligation particulière de l’Allemagne envers les Juifs alors qu’il n’y a pas « d’obligation comparable envers les Namibiens »4 (Moses, 2021).
Même si son article est très provocateur et a déclenché des débats continus, le propos de Moses est néanmoins un excellent exemple de « mémoire multidirectionnelle », terme proposé par le comparatiste Michael Rothberg dans son livre pivot Multidirectional Memory (Rothberg). Roth- berg utilise la multidirectionnalité pour décrire « l’interaction de différentes mémoires historiques [qui] illustre la dynamique productive et interculturelle […] » (p. 3). La mise en relation de différents passés décrit donc une pratique mémorielle qui transforme la mémoire collective. L’importance accordée à la commémoration du passé colonial en Allemagne se déploie dans la tension entre mémoire et oubli, reconnaissance et méconnaissance. La politique de mémoire marque donc un champ de négociation politique pour la revendication d’une souveraineté interprétative sur le passé (Michel, p. 16). En choisissant le terme de « politique de mémoire » dans cet article, il s’agit de souligner cette dimension politique et, à travers elle, de s’interroger plus spécifiquement sur les processus par lesquels les relations de pouvoir sont stabilisées ou transformées (Wolfrum, p. 383).
Le cadre multidirectionnel dans lequel les sociétés postcoloniales5 relient l’Holocauste au colonialisme fait apparaître les émotions et les affects comme une catégorie structurelle centrale dans la négociation de la politique de mémoire. Dans son texte, Moses insiste sur le fait que l’Holocauste est devenu le « fondement moral » de la République fédérale, raison pour laquelle toute attaque à son encontre entraîne une réaction émotionnelle (Moses, 2021). Le fait qu’un Historikerstreit 2.0 ait été proclamé à la suite de l’article semble confirmer les conclusions de Moses. Les émotions sont les forces motrices essentielles pour exiger et justifier l’action politique de mémoire. L’article s’oriente ainsi vers la question des conditions dans lesquelles la mémoire des crimes passés est acceptée comme le « fondement moral » d’une société.
L’hypothèse est que les processus de mémorialisation ou ceux visant à faire oublier6 le passé colonial dans les débats politico-mémoriels dépendent de la production discursive des mémoires (dés)affectives. Cela veut dire que ce sont les processus de (dés)affection des mémoires qui les rendent pertinentes pour des sociétés et les convertissent en « devoir moral » afin de reconnaître et donc de commémorer les passés coloniaux. La concession d’une « place légitime » dans les récits historiques nationaux ou européens se fait par le biais de discours émotionnels produits et perpétués dans le contexte des négociations sur la politique de mémoire (Halbwachs, p. 368). En suivant le concept de discours émotionnels proposé par les anthropologues Lila Abu-Lughod et Catherine Lutz, nous comprenons les émotions comme les produits de textes qui façonnent des pratiques émotionnelles. Ils ne produisent donc pas seulement un savoir sur les manières d’agir émotionnellement et affectivement, mais deviennent également des pratiques sociales « incarnées » par leur articulation sémantique dans le discours (Abu-Lughod & Lutz, p. 12-13). Par conséquent, les discours émotionnels ne structurent pas seulement ce qui peut être pensé et dit, mais forment également ce qui peut être ressenti. Si l’on applique cette idée au domaine de la politique de mémoire, cela signifie que les discours émotionnels régulent ce qui est reconnu – et donc rationalisé – comme une connaissance (affective) du passé et produit l’obligation de travailler sur lui, créant par-là une « place » légitime dans la mémoire ». L’article s’intéresse à cette « place » que le génocide des OvaHerero et Nama commence à occuper dans la politique de mémoire allemande entre 2001 et 2023. Pour ce faire, il analyse les discours émotionnels dans la presse quotidienne nationale reflétant le spectre politique de droite à gauche7, des prises de position officielles du gouvernement allemand, des petites et grandes questions au gouvernement fédéral et les communiqués de presse ainsi que des déclarations et des discours des groupes militants postcoloniaux et de groupes représentatifs des OvaHerero et Nama. Pour analyser les transformations de la « place légitime » du génocide dans la mémoire allemande, je me concentrerai sur les demandes de réparation et les négociations sur la reconnaissance officielle, en mettant notamment l’accent sur la relation discursive entre le passé colonial et le passé national-socialiste. Il ne s’agit pas ici d’opérer une comparaison historique entre le national-socialisme et le colonialisme, mais bien d’analyser l’utilisation de leurs représentations dans le présent et les implications émotionnelles qu’elles suscitent.
Le génocide des Ovaherero et Nama entre reconnaissance et méconnaissance
LES PLAINTES JURIDIQUES : UN MOYEN DE RÉPARER LES CRIMES COLONIAUX ?
Le passé colonial allemand a pris de la visibilité dans l’espace public pour la première fois en 2001 lorsque des représentants de l’OvaHerero ont mené une action de groupe (class action) aux États-Unis pour poursuivre la République fédérale d’Allemagne et trois entreprises allemandes en vue d’obtenir des réparations au titre du génocide (de Wolff, 2017). À partir de la fin du XXe siècle, les démarches juridiques ont gagné en importance parce qu’elles sont devenues des instruments centraux des acteurs postcoloniaux pour faire entendre leurs demandes de reconnaissance et de réparation (Barkan ; Vuckovic, p. 1038). Pour remporter une reconnaissance rétroactive des crimes coloniaux, les acteurs et les actrices de la politique mémorielle postcolo- niale tentent de qualifier les crimes coloniaux de « crimes contre l’humanité ». Ce terme ayant été défini pour la première fois en réaction aux crimes du national-socialisme le 8 août 1945 dans la Charte de Londres du Tribunal mili- taire international de Nuremberg (Internationaler Militärgerichtshof Nürnberg, p. 12), la référence à l’Holocauste est donc une condition préalable importante pour les porteurs de mémoires des crimes invisibilisés et en mal de reconnaissance afin de justifier les demandes de réparations. La citation suivante de la plainte de l’Herero People’s Reparation Cooperation (HPRC) montre ainsi l’importance de la référence à l’Holocauste dans le contexte de la politique de mémoire postcoloniale :
Préfigurant avec une précision glaçante l’horreur irréparable de l’Holocauste européen quelques décennies plus tard, les défenseurs et l’Allemagne impériale ont formé une entreprise commerciale allemande qui a utilisé de sang-froid l’extermination explicitement sanctionnée, […] les camps de concentration, le travail forcé, [et] l’expérimentation médicale […]. (HPRC, p. 218)
En se référant à « l’Holocauste européen », les OvaHerero affirment une continuité historique entre les crimes de masse coloniaux et nationaux-socialistes. Cette « thèse de continuité » était déjà le sujet des travaux d’Hannah Arendt, W. E. B. du Bois et Aimé Césaire (voir Rothberg) et était présente également dans l’historiographie de la RDA des années 1960, où les liens entre « l’impérialisme et le colonialisme en l’Afrique sud-ouest » étaient soulignés (voir Bürger ; Bürger & Rausch, p. 276). Pourtant, ce sont les publications, à partir de 2004, de l’historien Jürgen Zimmerer qui ont déclenché un débat controversé et provoqué de forts rejets dans le milieu universitaire à l’époque (Gerwarth & Malinowski ; Kundrus). Le lien temporel entre les deux génocides, établi dans la plainte même, anticipe les débats qui auront lieu plus tard avec la publication de Windhoek à Auschwitz (Zimmerer, 2007). il est intéressant de noter que la „thèse des continuités“ cesse progressivement d’être rejetée ; aujourd’hui, les historiens privilégient une perspective qui s’intéresse de plus en plus aux continuités entre le colonialisme et le nazisme. Toutefois, les OvaHerero non seulement « provincialisent » (Chakrabarty) l’Holocauste en soulignant son caractère européen, mais ils établissent en outre une continuité en matière de politique mémorielle en faisant référence à la politique de réparation allemande des crimes nazis (Wie- dergutmachung9). Ainsi, le chef suprême (Paramount) des OvaHerero Kuaima Riruako déclare dans une interview : « We are equal to the Jews who were destroyed, compen- sate us too » (Chief Kuaima Riruako dans The Scotsman, 2001, in de Wolff, 2017, p. 392).
La couverture médiatique de la plainte de 2001 en Allemagne montre que celle-ci n’est pas perçue comme un événement discursif à part entière. On observe plutôt une « occultation » du passé colonial. Presque tous les articles en rapport avec la plainte font référence à l’Holocauste, sans pour autant contextualiser historiquement le génocide des OvaHerero et des Nama ou justifier les demandes de réparation. Les articles s’interrogent plutôt pour savoir « si la campagne d’extermination de Trotha doit être qualifiée de “génocide” planifié » (Perras), comme le dit par exemple la Süddeutsche Zeitung. Un autre article, paru dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung, est également révélateur de la manière dont le génocide est situé dans la mémoire allemande. On peut y lire :
La justice grecque veut saisir le Goethe Institut d’Athènes pour indemniser les victimes de la violence allemande pendant la Seconde Guerre mondiale. Le peuple africain des Hereros porte plainte contre des entreprises allemandes parce qu’elles auraient participé à la politique d’extermination de l’Allemagne impériale dans le Sud-Ouest africain allemand. Les deux cas sont basés sur des crimes commis par des Allemands il y a soixante ou cent ans. Dans les deux cas, il n’existe aucune base juridique pour les revendications. […] L’engagement pris par l’Allemagne d’indemniser les anciens travailleurs forcés incite maintenant à l’imitation. Les Herero reconnaissent ouvertement que les plaintes déposées aux États-Unis leur servent d’exemple. (Müller, p. 1, souligné par l’auteure)
Cette citation montre qu’un parallélisme avec les crimes nazis est conçu comme moralement illégitime sans pour autant distinguer l’Holocauste comme génocide d’autres crimes nazis. Ici, il est important de noter que les plaintes des travailleurs forcés de l’Europe de l’Est sous le régime nazi devant les cours états-uniennes, mentionnées dans la citation, n’ont pas eu de succès juridique et ont abouti à la conclusion d’accords extrajudiciaires. Les accords étaient possibles à cause de la pression internationale sur le Bundesregierung et les entreprises allemandes, ce qui a mené à la création de la fondation Erinnerung, Verantwortung, Zukunft (EVZ) qui est toujours en charge de payer des indemnisations aux travailleurs forcés. Conformément au droit international, les États-nations bénéficient d’une immunité au niveau international qui a fait échouer la tentative de plainte d’OvaHerero contre le gouvernement fédéral en 2001. Contrairement aux cas de travailleurs forcés, la conviction qu’il fallait réparer les crimes coloniaux n’existait pas à l’époque au sein de la communauté internationale. Dans les deux cas, la moralité et le droit ont été construits comme des sphères distinctes l’une de l’autre, ce qui rend impensable des poursuites judiciaires pour certains crimes commis dans le passé et surtout pour la violence coloniale. Le génocide d’OvaHerero et Nama est certes évoqué comme un événement « regrettable », mais clos dans le passé (Perras, p. 10). C’est pour cette raison que la plupart des médias allemands arrivent à la conclusion unanime que « le “terrible héritage du colonialisme” ne peut pas être effacé par des indemnisations » (Bittdorf, p. 7). Le sociologue Maurice Halbwachs a mis en évidence dans ses travaux que pour être commémoré, un événement historique doit occuper une « place » dans le cadre social de la mémoire collective (Halbwachs, p. 368). Puisque ce cadre social manque encore dans la société allemande en 2001, une « place » légitime dans la mémoire est activement refusée au génocide des OvaHerero et Nama.
Les citations ci-dessus révèlent les mécanismes par lesquels les prémices judiciaires ont été construites comme non-négociables et donc opposées aux revendications mémorielles. C’est notamment le cas pour la mise en œuvre de la convention sur le génocide de 1948. À plusieurs reprises et jusqu’à aujourd’hui, le Bundesregierung juge impossible d’appliquer la convention de manière rétroactive. En refusant de qualifier les crimes coloniaux de génocide, le gouvernement allemand cherche surtout à éviter des « déclarations susceptibles d’entraîner des réparations », comme l’a souligné Joschka Fischer, alors ministre fédéral des Affaires étrangères, en 2003 (Bittdorf, p. 7). Le cas s’attache donc à une problématique beaucoup plus vaste, qui peut être décrite comme un dilemme postcolonial. Le dilemme postcolonial renvoie à la conception contradictoire du droit international qui, d’une part, est conçu comme une norme juridique universalisée, mais d’autre part exclut les « sujets colonisés » de la possibilité de porter plainte pour des crimes coloniaux (Assmann, p. 76). L’Holocauste est donc confirmé comme le crime unique contre l’humanité (Moses, 2012, p. 230) qui définit dans son unicité le « fondement moral » de la politique de mémoire allemande (Moses, 2021), empêchant ainsi une réévaluation juridique de la violence coloniale.
Malgré le peu de chances d’obtenir une compensation par le biais du processus juridique, le tribunal est un espace important dans la politique de mémoire qui permet aux militants et militantes de la mémoire postcoloniale d’articuler leurs demandes de compensation. L’utilisation d’instruments juridiques crée un contexte discursif dans lequel les normes collectives moralement établies sont remises en question. Toutefois, c’est la mémoire de l’Holocauste, établie dans les années 1990, qui fournit le cadre linguistique universalisé, définissant les normes universelles de l’expérience historique de la « souffrance » (Levy & Sznaider ; Sznaider). Par conséquent, les groupes de mémoire marginalisés, comme les OvaHerero et Nama, sont obligés de faire référence à la mémoire de l’Holocauste pour gagner en visibilité, tant dans le cadre juridique que dans les politiques mémorielles. C’est-à-dire que la référence rhétorique aux crimes nationaux-socialistes est une condition préalable pour rendre – rationnellement et émotionnellement – intelligibles les crimes coloniaux contre les OvaHerero et chercher à créer l’obligation de travailler sur le passé colonial. Pourtant, l’analyse de la période 2001–2003 a montré que la presse allemande a jugé encore moralement illégitime de construire des continuités entre le colonialisme et le national-socialisme, comme les OvaHerero l’ont suggéré pour justifier leur action collective. L’absence d’un travail d’information conséquent, et le fait que les informations sur les plaintes des OvaHerero entre 2001 et 2003 aient été traitées de manière réductrice, peuvent être considérés comme une démémorialisation affective des crimes de masse coloniaux, produisant tout un tas d’entraves empêchant que le génocide obtienne une « place » dans la mémoire collective. Dans ce qui suit, nous verrons comment la revendication d’une reconnaissance du génocide – également selon le droit international – a pris de plus en plus d’importance au cours des années suivantes.
la méconnaissance du génocide des Ovaherero et des Nama
En 2004, à nouveau, le génocide a attiré l’attention du public allemand (Bürger, p. 11; de Wolff, 2021, p. 255– 259). À l’occasion du 100e anniversaire de la « bataille de Waterberg », Heidemarie Wieczorek-Zeul (SPD, parti social-démocrate), alors ministre fédérale de la Coopération économique et du développement, a admis que « [l]es atro- cités de l’époque étaient ce que l’on appellerait aujourd’hui un génocide » (Wieczorek-Zeul). Bien que d’une grande valeur symbolique, le discours de Wieczorek-Zeul n’a pas eu de conséquence politique. Aussi bien le terme de génocide que la demande de pardon ont été déclarés comme relevant de l’opinion privée de la ministre (Kößler, p. 257 ; de Wolff, 2021, p. 266–272). Ce n’est qu’en 2015 que le terme « génocide » est utilisé officieusement par le gouvernement allemand pour décrire le meurtre de dizaines de milliers d’OvaHerero et de Nama. Le ministère des Affaires étrangères allemand a dû réagir à la pression croissante résultant de la reconnaissance officielle du génocide arménien. Pourtant, la reconnaissance du génocide commis par l’armée coloniale allemande cible exclusivement une désignation linguistique des événements coloniaux. En l’absence d’une prise de parole par des représentants du gouvernement, la déclaration ne peut pas être considérée comme officielle. Comment cette reconnaissance plutôt officieuse a-t-elle été justifiée ?
En 2015, Norbert Lammert (CDU, parti chrétien-démocrate), alors président du Parlement allemand, publie un article dans l’hebdomadaire Die ZEIT dans lequel il écrit que ceux qui « parlent du génocide arménien […] ne doivent pas rester silencieux sur le génocide des Herero et Nama ». Lammert conclut : « Comme les Turcs, nous sommes responsables de la manière dont nous traitons cette histoire » (Lammert, p. 16). La position de Lammert illustre que l’ignorance des injustices coloniales aurait pour conséquence le mépris des normes morales établies désor- mais dans la politique mémorielle allemande. Cela devient encore plus évident dans la mise en relation de la mémoire de l’Holocauste avec celle des passés coloniaux dans le débat public. Dans son article pour le journal taz, l’historien Jürgen Zimmerer fait clairement référence aux normes collectives de la politique mémorielle allemande, perçue comme devant travailler ses « passés sombres ». Il déclare donc que « le fait d’aborder son propre passé de manière critique, d’exposer sans relâche les côtés sombres de sa propre histoire […] faisait partie de l’image que l’Allemagne avait d’elle-même après 1945 ». Cette reconnaissance non-officielle par le gouvernement allemand « remet donc en question la réussite de la politique mémorielle allemande dans son ensemble » (Zimmerer, 2015, p. 4) et témoignerait d’une méconnaissance du génocide. Pourtant, les proces- sus de mé/(re)connaissance sont toujours transformateurs puisqu’ils établissent et confirment la place du passé dans le présent et produisent l’obligation de se souvenir (Robel, p. 74). Le devoir de commémorer un passé dans le présent décrit donc un « idéal collectif » que les sociétés s’efforcent d’atteindre. Les « idéaux collectifs », terme suggéré par le sociologue français Émile Durkheim, sont fondés sur des règles morales établies et acceptées par une société et donc liées aux discours émotionnels (Durkheim, p. 134).
Le changement discursif qui met en évidence l’importance de la commémoration de l’Holocauste par rapport à « d’autres » crimes de masse se manifeste également dans la couverture médiatique. Le devoir moral de commémorer l’Holocauste est de plus en plus souvent cité comme modèle pour également faire un travail sur le passé colonial, comme l’illustre la citation suivante de la Frankfurter Rundschau :
Quelle est la valeur des affirmations renouvelées à chaque anniversaire de l’Holocauste par les dirigeants politiques allemands, selon lesquelles le génocide des Juifs ne doit jamais être oublié, impliquant une responsabilité qui va bien au-delà du présent dans la mesure où le génocide ne se prescrit pas, si l’on refuse d’entendre l’appel des Herero et Nama qui se sont rendus à Berlin avec leur « le génocide n’est pas prescrit », parce que les destinataires ne se souviennent d’aucun meurtre de masse grâce à une perte de mémoire contrôlée ? La double morale est ici un mot décidément trop gentil. (Bommarius, p. 11)
Ici, le journaliste Christian Bommarius met en avant le fait que le gouvernement ne réussit pas à satisfaire aux exigences morales établies dans la politique de mémoire. Bommarius met en question la sincérité de la commémoration de l’Holocauste face à l’impossibilité du gouvernement allemand de ne serait-ce que parler du génocide des OvaHerero et Nama. Par ailleurs, il évoque le refus des représentants officiels de recevoir les communautés namibiennes venues à Berlin pour protester contre la méconnaissance du génocide. Dans un communiqué de presse, l’alliance des différentes initiatives des activistes « Le génocide ne se prescrit pas ! » (Völkermord verjährt nicht !) exige que la reconnaissance du génocide ne soit achevée que si le geste est suivi « d’excuses formelles » aux descendants et d’une participation directe aux « négociations de réparation » (Bündnis „Völkermord verjährt nicht!“ 10/07/2015). La nécessité de payer des réparations aux communautés affectées est justifiée par le fait que « l’ordre d’extermination » était uniquement dirigé contre les OvaHerero et Nama et non contre le peuple namibien dans son ensemble, comme l’a souligné à plusieurs reprises le nouveau chef Paramount Vekuii Rukoro (Putsch). En mars 2016, après que la première phase des négociations entre les deux gouvernements s’est déroulée sans la participation des principaux groupes OvaHerero et Nama, un communiqué de presse constate : « Il ne peut y avoir de réconciliation sans le consentement et le pardon de ceux dont les ancêtres résistants ont été assassinés, chassés et expropriés pendant le génocide » (Bündnis „Völkermord verjährt nicht!“ 16/03/2016). Pourtant, le gouvernement fédéral a confirmé dans une réponse à l’opposition en juillet 2016 qu’il n’y aurait pas de négociations directes avec les « groupes ethniques concernés » (Antwort der Bundesregierung auf die Kleine Anfrage der Fraktion DIE LINKE) (Fig. 2).
La pratique mémorielle consistant à parler officiellement du « génocide » a rendu visible la différence entre la reconnaissance des événements historiques et la méconnaissance persistante des personnes touchées par la violence coloniale et de leurs descendants. D’un côté, la reconnaissance répond à l’idéal moral d’assumer son histoire. De l’autre, le gouvernement essaie de réduire les coûts de la reconnaissance en s’opposant à la demande de payer des réparations. Pour tirer un trait sur son passé colonial, le gouvernement allemand avait déjà déclaré en 2016 qu’il allait présenter des excuses officielles pour le génocide. En mai 2021, les envoyés spéciaux ont annoncé la fin du dialogue bilatéral entre l’Allemagne et la Namibie et la signature d’un Versöh- nungsabkommen, c’est-à-dire accord de réconciliation (cf. Auswärtiges Amt). Jusqu’à aujourd’hui, l’accord n’a pas été signé à cause des protestations persistantes des communautés concernées et en raison de l’opposition namibienne face à la proposition de payer 1,1 milliard d’euros au titre de l’aide au développement, proposition entendue comme une insulte. Pourtant, c’est le refus du gouvernement allemand de reconnaître le génocide dans les termes du droit international qui a provoqué le plus de réprobation.
Jusqu’à aujourd’hui, le gouvernement fédéral s’appuie sur l’argument selon lequel le terme de génocide ne peut pas être utilisé dans le sens du droit international car il n’y a été introduit qu’en 1948, soit après les événements historiques survenus dans l’ancienne « Afrique allemande du Sud-Ouest ». Dans les médias, en revanche, le lien entre reconnaissance, excuses et réparations, promu par des groupes militants, est de plus en plus répandu. Cela montre que les idéaux collectifs moralement institués dans la société allemande ont subi encore une fois une modifica- tion importante en 2021, augmentant donc la pression sur la République fédérale comme l’illustre une citation tirée de la Süddeutsche Zeitung :
Les crimes de masse allemands contre les Herero et les Nama répondent assez clairement à cette définition [du génocide selon la Convention des Nations unies, S.R.]. Mais le gouvernement allemand a préféré se cacher derrière des formalités : la convention de l’ONU n’aurait été adoptée qu’en 1948. Comme si c’était une raison pour ne pas utiliser ce mot aujourd’hui. C’est absurde. Même l’Holocauste, le génocide des Juifs d’Europe, a eu lieu avant 1948. (Steinke)
La citation montre de quelle manière les références à la « mémoire de l’Holocauste » se transforment au cours du temps, donnant également une nouvelle « place » au génocide des OvaHerero et des Nama dans la mémoire collective allemande. Par conséquent, un « accord de réconciliation » basé sur l’idée de payer volontairement de l’aide au développement sans considérer les réparations pour les crimes coloniaux est rejeté comme insuffisant. Le risque que « l’accord de réconciliation » échoue à cause de la résistance des initiatives militantes allemandes – comme Berlin Postkolonial e.V. et l’alliance « Le génocide ne se prescrit pas ! » – et de l’opposition namibienne illustre l’évolution des idéaux moraux collectifs. En janvier 2023, les OvaHerero et les Nama ont déposé une nouvelle plainte – cette fois-ci contre le gouvernement namibien, afin d’em- pêcher la signature de l’accord. Par ailleurs, en avril 2023, des rapporteurs spéciaux de l’ONU ont estimé que l’Allemagne devrait verser des réparations aux OvaHerero et aux Nama, augmentant encore la pression sur le gouvernement allemand pour enfin trouver un accord avec les groupes concernés. Le futur montrera si la pression croissante de la société civile namibienne et allemande sur le gouvernement fédéral conduira à de nouvelles concessions sur le plan de la politique de mémoire.
DES MÉMOIRES ENCHEVÊTRÉES : LA MÉMOIRE DE L’HOLOCAUSTE DANS SA FONCTION D’ORDRE ÉMOTIONNEL
Le point de départ était l’hypothèse selon laquelle le national-socialisme en général et l’Holocauste, en particulier, définissaient les « normes morales » permettant de se référer au passé. Dans quelle mesure les normes morales établies par la mémoire de l’Holocauste en tant que phénomène transnational ont-elles favorisé ou entravé la réévaluation de la mémoire postcoloniale ?
Sans aucun doute, la mémoire universalisée de l’Holocauste structure fortement les politiques mémorielles allemandes. La mémoire de l’Holocauste est construite de manière émotionnellement unique, de sorte qu’elle structure les discours sur le passé colonial à tous les niveaux. En raison de la place particulière qu’occupent les crimes nazis en Allemagne, le génocide des OvaHerero et des Nama est discuté presqu’exclusivement en référence à ceux-ci. Dans ce contexte, la mémoire de l’Holocauste fournit le cadre linguistique d’interprétation dans lequel le génocide des OvaHerero et des Nama est devenu intelligible. La reconnaissance du génocide colonial est négociée comme une discussion sur la légitimité de l’usage du terme « génocide », qui a été défini en référence aux crimes nazis. Jusqu’à ce jour, le gouvernement fédéral suit l’argumentation selon laquelle le terme ne peut pas être utilisé dans le sens du droit international, car il n’a fait son entrée dans celui-ci qu’en 1948 et donc après la guerre coloniale dans l’ancien « Sud-Ouest africain allemand ». Cependant, les représentants et représentantes des OvaHerero et des Nama n’entendent accepter des excuses officielles du gouvernement allemand qu’à condition d’obtenir une reconnaissance du génocide en droit international, car celle-ci est étroitement liée à la demande de réparation. Cette dernière, en particulier, souligne le fait que la reconnaissance de la violence coloniale n’est pas seulement négociée à l’échelle symbolique. Les militants postcoloniaux cherchent à établir une continuité historique aussi bien que commémorative entre les crimes coloniaux et nationaux-socialistes afin de marquer l’importance d’une redistribution matérielle comme manière de réparer les crimes du passé. Toutefois, la mémoire de l’Holocauste décrit encore un ordre émotionnel qui définit la façon dont les passés coloniaux sont remémorés ou non. En outre, la singularité de l’Holocauste rend peu probable son usage comme instrument juridique pour poursuivre certains crimes du colonialisme, créant de ce fait un dilemme postcolonial.
Les émotions et les affects ne sont pas des éléments marginaux dans les politiques mémorielles postcoloniales ; au contraire, les passés coloniaux n’ont de pertinence dans le présent qu’à travers les émotions auxquelles ils sont associés. Les discours émotionnels structurent les conditions dans lesquelles les idéaux moraux collectifs sont produits et d’où découle l’obligation de s’y conformer. En tant qu’objet d’étude, c’est la recherche sur les émotions qui peut contribuer à mieux comprendre les « fondements moraux » (Moses, 2021) de la politique de mémoire occidentale et les idéaux et normes collectifs qui en résultent. Obtenir une compréhension des discours émotionnels que nous attribuons aux passés coloniaux peut donc permettre de mieux situer l’Europe dans le présent postcolonial.
Biographie
Sahra Rausch (Friedrich-Schiller-Universität de Jena), responsable du bureau de coordination « Héritage colonial de la Thuringe ». Sahra est diplômée du International Graduate Centre for the Study of Culture (GCSC) de l’université Justus-Liebig de Giessen et de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, où elle a rédigé une thèse intitulée « Des émotions enchevêtrées : Perspectives transnationales sur les politiques de mémoires postcoloniales en Allemagne et en France depuis les années 1990 ». Sahra est également titulaire d’un master en sciences politiques à l’Institut Otto-Suhr de la Freie Universität Berlin. Auparavant, elle a étudié les sciences sociales et l’histoire à Erfurt, Berlin et Lyon. Ses principaux intérêts académiques sont les études sur la mémoire, la théorie postcoloniale, la recherche émotionnelle, l’analyse du discours et la recherche sur les mouvements sociaux (militants de mémoire).
ŒUVRES CITÉES
Abu-Lughod, Lila & Catherine Lutz, 1990, « Introduction: emotion, discourse, and the politics of everyday life », in Catherine Lutz Lila Abu- Lughod (dir.), Language and the politics of emotion. Cambridge, New York, Paris, Cambridge University Press, p. 1-23.
Antwort der Bundesregierung auf die Kleine Anfrage der Fraktion DIE LINKE, 2016, « Sachstand der Verhandlungen zum Versöhnungsprozess mit Namibia und zur Aufarbeitung des Völkermordes an den Herero und Nama », Drucksache 18/9152. Cf. https://dserver.bundestag.de/ btd/18/091/1809152.pdf (15/03/2024).
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1 J’utilise le terme « Holocauste », car il est convoqué de manière prédominante dans les pays germanophones. Il a été adopté en Allemagne après la diffusion de la série américaine du même nom en 1979, même si « Shoah » peut également être utilisé. En France, en revanche, le terme « Shoah » s’est imposé après la diffusion du film de Claude Lanzmann sorti en 1985.
2 Nous utilisons le terme « l’autre » pour marquer la production de différence comme un processus discursif dans lequel les représentations « d’autres » passés sont liées à la production et à la consolidation de discours émotionnels.
3 Le livre de l’historien Jürgen Zimmerer De Windhoek à Auschwitz, publié en 2007, avait déjà créé une controverse au sein des historiennes et historiens allemands pour avoir construit un rapport de causalité entre le colonialisme et le national-socialisme. Puis, en 2020, l’invitation du philosophe camerounais Achille Mbembe à la Triennale de la Ruhr avait suscité une autre controverse du fait de certains des propos de Mbembe jugés antisémites par le Représentant du gouvernement fédéral pour la vie juive en Allemagne et la lutte contre l’antisémitisme Felix Klein (Lindner). La controverse s’est poursuivie avec les réactions à la traduction allemande du livre Multidirectional Memory de Michael Rothberg en 2021. On peut dire que, de même que les publications de l’historien américain Robert Paxton ont eu un impact sur la perception du régime de Vichy en France, c’est l’impulsion d’acteurs « extérieurs » qui a souvent déclenché des débats ou même engagé des transformations dans la politique mémorielle nationale (Rousso, p. 158).
4 Toutes les traductions sont de l’auteure, sauf indication contraire.
5 Par l’usage du terme « société postcoloniale » nous voulons souligner
 la persistance des continuités coloniales dans le présent. Par conséquent,
 il n’existe pas un véritable État postcolonial qui aurait débuté à la fin du colonialisme officiel en 1919 et après la fin de la Première Guerre mondiale. En même temps, la postcolonialité décrit « un ensemble de pratiques discursives qui résistent au colonialisme, aux idéologies colonialistes et à leurs héritages » (Dhawan & Castro Varela, p. 17). Par conséquent, il s’agit aussi d’une approche méthodologique pour analyser les structures de pouvoir hiérarchiques qui rétablissent l’opposition entre « the West and the Rest » (Hall).
6 Renvoyant au processus que désigne l’expression Vergessen-machen. Sur ce point, le contexte allemand est très particulier. Par exemple, la mémoire de la Shoah a longtemps été présente mais sans qu’elle soit pour autant une mémoire victimaire. Les pratiques mémorielles qui se sont développées dans les années 1970 et 1980 ont été promulguées par les enfants de criminels (Täter). Concernant le passé colonial, l’historienne Christiane Bürger a montré dans sa thèse qu’il n’y avait pas « d’amnésie coloniale » en Allemagne après la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, les questions mémorielles se sont toujours développées à partir de la perspective allemande. Voir notamment Christiane Bürger, 2017, Deutsche Kolonialgeschichte(n). Der Genozid in Namibia und die Geschichtsschreibung der DDR und BRD, Bielefeld, Transit.
7 Le corpus inclut des articles des journaux suivants : taz, Süddeutsche Zeitung (SZ), Frankfurter Rundschau (FR), Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ), Neues Deutschland (ND) et Die WELT. Néanmoins, j’ai aussi inclus des articles d’autres journaux, comme Die ZEIT, si leurs contributions ont été citées largement dans les autres médias.
8 « Foreshadowing with chilling precision the irredeemable horror of the European Holocaust only decades later, the defendants and Imperial Germany formed a German commercial enterprise which cold-bloodedly employed explicitly-sanctioned extermination, the destruction of tribal culture and social organization, concentration camps, forced labor, medical experimentation and the exploitation of women and children in order to advance their common financial interests ».
9 Après la Seconde Guerre mondiale, le terme Wiedergutmachung (« action de faire à nouveau le bien », Defrance) s’est imposé pour décrire l’indemnisation matérielle et symbolique destinée exclusivement aux crimes du nazisme (Robel, p. 346). À plusieurs reprises, le terme a été critiqué pour avoir suggéré de tirer un trait sur le passé (Goschler, p. 11 ; Defrance).
