Martin Germer, entretien avec Isabella von Treskow

Isabella von TreskowUniversité de Regensburg
Paru le : 28.01.2018

Les réactions à l’attentat au marché de Noël en 2016 à Berlin

Entretien avec Martin Germer, pasteur auprès de l’église commémorative dédiée à l’empereur Guillaume, mené par Isabella von Treskow le 3 juillet 2017 à Berlin.

une version courte de cet entretien est parue dans le n° 4 de la revue Mémoires en jeu, septembre 2017, p. 101-104.

 After the deadly attack on a Berlin Christmas Market on 19 December 2016, the Protestant Pastor Martin Germer was one of the first who offered help and words of solace to those who were injured and terrified. Twelve people died and more than fifty were severely injured in a terrorist plot that took place just in front of Pastor Germer’s parish church, the famous Kaiser-Wilhelm-Gedächtniskirche. Not only by the internet-streamed memorial service in presence of Chancellor Merkel and representatives of all Berlin-based religious groups, but also by interviews in TV and print media, Pastor Germer has become an important voice in the German discussion following the attack. In the weeks following the attack, this stupendous interior with its unique atmosphere and history has become a special place of solace and remembrance. Together with politicians and representatives of the Muslim, Christian and Jewish communities, Pastor Germer and his colleagues have organized a series of services, prayers and discussions to keep the memory of the attack alive.

Key words : Berlin Christmas Market, Kaiser-Wilhelm-Gedächtniskirche, German society, terrorist attack.

Isabella von Treskow : Comment avez-vous appris la nouvelle de l’attentat survenu dans la soirée du 19 décembre 2016 ? Et comment avez-vous réagi dans l’immédiat ?

Martin Germer : Je me trouvais à une centaine de mètres, dans l’Europa-Center. Je buvais une bière avec une collègue, car nous avions beaucoup de choses à préparer, et lorsque nous nous sommes séparés, j’ai reçu un appel de notre attachée de presse. Lorsque je suis arrivé, je n’ai même pas pu atteindre la place, car la police était occupée à en bloquer entièrement l’accès. Quelques forains du marché de Noël, visiblement bouleversés, m’ont dit qu’il s’était passé une chose incroyable. Sur le moment, je me suis dit que ce devait être un accident ou peut-être un attentat. J’ai immédiatement songé à Nice.

Deux heures plus tard seulement, je discutais avec le maire, le sénateur de l’Intérieur de Berlin et différents responsables. Nous avons tout de suite décidé d’organiser une cérémonie de recueillement œcuménique, peut-être même interreligieuse, en présence des représentants du Land de Berlin, dès le lendemain soir dans l’église dédiée au souvenir de l’empereur Guillaume, appelée en français « église commémorative » ou « église du Souvenir ». Le lendemain matin, on a décidé, c’est-à-dire, la chaîne de télévision, l’adjoint de l’évêque, la pasteure responsable des émissions de l’Église protestante auprès de la radio et moi, de diffuser l’événement à la télévision.

Les représentants d’autres religions ont donc été rapidement contactés et invités à s’exprimer ?

M. G.: Le 20 décembre, une cérémonie religieuse a effectivement eu lieu, en présence d’un évêque catholique et d’un évêque protestant ainsi que d’autres représentants importants des deux grandes Églises chrétiennes, d’un prêtre grec-orthodoxe, de deux imams et d’un rabbin. Nous nous sommes tous retrouvés main dans la main devant l’autel, réunis au-delà des frontières religieuses. Chacun a prononcé une phrase sur ce qui nous a rassemblés ce soir-là. Ce signal transmis dans la société allemande a été, je crois, très fort et a eu un écho positif sur la façon d’aborder la question, de manière constructive.

Ensuite, on m’a souvent interrogé au sujet de cette cérémonie. Y ont participé notamment le président, la chancelière et presque tous les ministres du gouvernement fédéral allemand, le maire de Berlin (Michael Müller), et beaucoup d’autres personnalités du secteur public. L’église était pleine. De nombreuses personnes s’étaient réunies dehors. Grâce à l’installation de haut-parleurs du marché de Noël, la cérémonie a pu être retransmise à l’extérieur. Ce fut ainsi une action commune, à la fois spontanée et voulue, de l’Église et de l’État bien sûr, très émouvante pour tous, acteurs, représentants officiels et participants à l’intérieur et à l’extérieur.

À cause de Noël, de la pause du Parlement, des manifestations du même type n’ont eu lieu que bien plus tard dans la Chambre des députés de Berlin et au Bundestag. Elles ont été ressenties par beaucoup de personnes plutôt comme des obligations. C’est pour cela que les politiciens nous ont été très reconnaissants d’avoir organisé cette cérémonie du 20 décembre. Je suppose qu’ils n’auraient pas obtenu un résultat semblable.

Quelles mesures ont été prises par la suite et comment se sont déroulés les échanges entre les personnalités politiques ? À quels symboles a-t-on eu recours ?

M. G.: En collaboration avec le maire, le soir même de l’attentat, il a été décidé que la cérémonie religieuse du 20 décembre devrait être le premier événement commun officiel. Dans le respect de la séparation entre l’Église et l’État, M. Müller s’est limité à un discours de courte durée, tout à fait à la fin, après la bénédiction. Il l’a prononcé à un pupitre, devant l’autel, mais en bas, un peu à l’écart, ce qui l’intégrait à l’événement sans lui faire perdre son caractère politique.

Le symbole le plus important fut la présence côte à côte des représentants des différentes religions, reconnaissables à leurs tenues. Nous avons veillé à ce que les symboles chrétiens, comme la grande sculpture du Christ au-dessus de l’autel, ne soient pas trop mis en avant, car nous tenions à souligner l’aspect interreligieux de la cérémonie.

Un autre symbole a joué un rôle très important relativement à ce qui a été dit : la croix cloutée de Coventry, qui appartient à notre église et symbolise la réconciliation. Elle évoque la destruction de la ville anglaise de Coventry par des bombardiers allemands pendant la Seconde Guerre mondiale, en 1940. Cette croix est faite de clous provenant de la cathédrale de Coventry, elle aussi détruite, et représente depuis lors la communauté de réconciliation internationale de Coventry, à laquelle nous appartenons en tant qu’église commémorative, à la fois lieu du souvenir de l’horreur de la guerre et lieu de paix et de réconciliation.

C’était le côté officiel…

M. G.: Oui, outre les démonstrations officielles que nous avons pu organiser, je voudrais mentionner les gestes venus de la société. Dans les semaines qui ont suivi, des personnes sont venues exprimer leurs condoléances, déposer des fleurs et des bougies. Au début, des îlots de bougies sont apparus à neuf endroits différents autour de l’église. Les gens ont également apporté des symboles personnels ou propres à la culture du deuil, des petits anges ou les drapeaux de différents pays, des dessins d’enfants… Des gens ont écrit des messages et les ont déposés. Cette créativité personnelle, la découverte de symboles pour exprimer cette compassion, ce deuil et ce désir de paix, c’était vraiment touchant.

Actuellement se déroule un concours visant à désigner un signe commémoratif permanent qui serait près de l’église. Le souvenir de la tragédie est également évoqué à chaque événement que nous organisons, comme lors de l’inauguration de la Journée des Églises, le Kirchentag, à Berlin, et au cours d’une cérémonie télévisée qui s’est tenue à côté de l’église, à l’air libre sur une grande scène. Les gens attendent cela, ils veulent des mots de sympathie pour les victimes et un engagement pour la paix. Selon moi, il est de notre devoir de montrer que l’on peut « accepter » ce drame, qu’il ne détruit ni la vie ni les relations, et que l’église est justement là pour servir d’espace d’accueil au doute, au deuil – mais aussi à l’espoir et à la joie de vivre malgré tout.

Comment les Berlinois ont-ils réagi à cet attentat du marché de Noël ?

M. G.: Pour comprendre leur réaction, il faut tenir compte de plusieurs aspects. Tout d’abord, le marché de Noël appartient d’une certaine façon à l’église commémorative. Il s’appelle littéralement « le marché de Noël à l’église commémorative ». Il y a d’autres marchés de Noël à Berlin, sans église à proximité, mais on associe celui de la Breitscheidplatz à l’église.

Le marché lui-même n’a pas de lien avec la chrétienté en particulier, c’est plutôt une foire où l’on se retrouve pour boire un vin chaud, manger une saucisse grillée ou jouer à la tombola. Que ce lien avec la chrétienté ait joué ou non un rôle particulier pour le terroriste, ça, je l’ignore. Je pense qu’il a simplement choisi un endroit très animé et que la signification symbolique de l’Église était dans son esprit, en arrière-plan, mais ce n’est que pure spéculation de ma part.

Certains Berlinois de souche n’associent pas grand-chose aux marchés de Noël. Pour d’autres, par contre, je pense, une balade au marché de Noël, c’est un moment de convivialité, une sortie à faire l’une de ces sombres soirées d’hiver où l’on se promène à la lueur des illuminations de la ville.

Il n’y a pas de réponse simple à la question de savoir quelle culture le marché de Noël représente dans la diversité culturelle de notre pays, et il m’a semblé qu’une partie des intellectuels, progressistes justement, se sont demandé : « Pourquoi ne réagissons-nous pas avec émotion ? pourquoi ne réagissons-nous pas comme les Français qui sont descendus dans la rue ? » Je pense, tout d’abord, que cela est dû au fait que ça s’est passé cinq jours avant Noël, l’ordre du jour était différent. Quelques jours plus tard, on a tout de même fêté Noël en Allemagne, une fête qui est, pour la majorité d’entre nous, extrêmement marquante. La question « pourquoi n’y a-t-il pas de forte réaction émotionnelle ? », je l’ai rencontrée également dans des commentaires publiés dans le quotidien Der Tagesspiegel. À mon avis, cela tient en partie au fait que beaucoup d’intellectuels ne savent pas à quoi associer le marché de Noël. Ils ont le sentiment que le marché de Noël ne les touche pas vraiment. Ils se sentent plus proches de Charlie Hebdo. Bien que cela se soit passé à Paris, ils se sentaient plus proches du journal et des attentats de janvier 2015.

En ce qui concerne la réaction des Berlinois, je pense qu’il faut tenir compte de plusieurs aspects. Il y a d’abord le sentiment que, « non, ça n’entamera ni notre envie de vivre ni notre mode de vie. On ne nous les prendra pas ». Plus générale fut la déclaration : « Cela ne nous ôtera pas notre volonté de préserver la paix, de défendre notre manière de vivre ensemble. Nous refusons de nous perdre dans des réactions de haine ou dans des réactions hâtives dictées par la situation. » D’un point de vue berlinois, il y avait également l’idée suivante : « Nous en avons déjà vu bien d’autres à Berlin, vous ne pourrez pas nous nuire. »

Il s’agit donc probablement d’une spécificité berlinoise, associée en particulier au symbole de l’église commémorative placée directement en arrière-plan de la scène, une église qui parle de l’histoire de la guerre et de la destruction.

Que sont devenus les rapports entre l’Église et les citoyens, entre l’Église et l’État, ainsi que les rapports entre les religions après cet attentat?

M. G.: Hier, justement, nous avons présenté un concert populaire d’orgue de Barbarie dans l’église commémorative. J’ai à nouveau évoqué le souvenir de l’attentat et, en même temps, j’ai invité tout le monde à l’hommage musulman qui doit se tenir chez nous la semaine prochaine. Nous approchons ici la problématique liée à la communication que l’attentat a mise en lumière de façon constructive. À cette annonce, l’assistance a spontanément applaudi. Nous nous appuyons intentionnellement sur la réputation de notre église, sur sa position centrale, pour offrir une scène publique aux musulmans qui représentent un autre islam que celui des islamistes.

Il y a eu en outre un culte particulièrement émouvant auquel ont assisté les forains du marché de Noël. Chaque année, nous avons l’habitude de célébrer avec eux le matin de la Saint-Sylvestre. Beaucoup de citadins et des représentants locaux du secteur public ont assisté à cette cérémonie du 31 décembre 2016. Pour tous, ce fut une deuxième commémoration avec un peu de recul. Trois semaines plus tard, il y a eu, pour la commémoration mensuelle, une célébration œcuménique dans l’église, alors que se déroulait simultanément au-dehors une manifestation de l’extrême droite, avec très peu de participants mais de grands haut-parleurs. Pour nous, il était important de montrer que, dans notre église, il se passait justement ce qu’il fallait. Et nos cloches sonnaient beaucoup plus fort !

Avec le sénat berlinois, nous avons organisé une cérémonie pour les victimes, pour les membres des familles en deuil, et pour les plus de cinquante blessés de l’attentat, dont certains garderont à vie un handicap. Ensuite, ils ont été reçus à l’Hôtel de Ville de Berlin. Beaucoup ont ressenti ces deux événements comme particulièrement bienfaisants : la cérémonie dans l’église pour le recueillement, le silence de la salle à la lumière bleue ayant servi d’espace aux souvenirs et à tout ce qui y est lié, et ensuite la discussion et le rassemblement dans l’Hôtel de Ville.

À l’initiative de l’aumônière de la police, une messe avec dépôt de gerbe a été organisée pour environ 70 officiers chargés de notre quartier. Ces gars, qui ont déjà une certaine expérience derrière eux, avaient pour certains les larmes aux yeux… Ensuite, on les a entendus déclarer, quel qu’ait été leur rapport personnel à l’église: « Pour la première fois, six semaines après l’attentat, c’était vraiment important de repasser l’événement dans son esprit et de pouvoir s’apaiser un peu. Nous n’avons fait que fonctionner depuis. »

Après le recueillement et avec l’aide de bénévoles particulièrement engagés, nous avons offert un goûter aux gendarmes et aux policiers. Le soir du 24 décembre 2016, l’aumônière de la police a célébré, comme lors des années précédentes, un culte où l’on invite spécialement les policiers et leurs familles. Cette année, ce ne fut pas du tout comme d’habitude. Par l’intermédiaire du Bundeskriminalamt (BKA), l’Office fédéral de la police criminelle, environ vingt membres des familles des victimes tuées lors de l’attentat ont assisté à ce culte de Noël. Ils ont pu s’approcher ainsi pour la première fois de ces lieux terribles pour eux. Grâce à cette cérémonie, à laquelle ils ont assisté en toute discrétion bien entendu, nous avons pu les accompagner et les soutenir. Quelle bonne chose qu’il y ait cette église ici, sa présence a été précieuse !

Et le rapport entre l’État et l’Église ?

M. G.:  En Allemagne, la séparation entre l’Église et l’État est nette, mais leur relation est amicale. L’Église peut agir librement, elle ne subit plus l’influence de l’État depuis 1918. Mais il subsiste entre les deux des liens de différentes natures. L’État délègue certaines fonctions sociales à l’Église, qui peut alors gérer des hôpitaux ou intervenir dans le système éducatif. L’Église reçoit en contrepartie un soutien financier de l’État. Beaucoup d’organisations civiles, y compris non religieuses, profitent également de ce principe de subsidiarité. Mais, en certaines occasions, l’État recourt à l’Église, notamment lorsqu’il s’agit d’un événement qui concerne la société dans son ensemble : des funérailles importantes, des cérémonies officielles lors du départ de personnalités importantes qui se déroulent souvent dans des édifices religieux. C’est justement suite à des événements tragiques comme des attentats terroristes ou de graves accidents que l’on procède ainsi. D’ailleurs, l’ambassade de France nous a mis en contact avec les initiateurs de la Marche des musulmans contre le terrorisme. C’est donc l’État français qui a montré son engagement pour ce projet religieux.

 C’est un exemple intéressant de coopération interreligieuse. Comment est-ce survenu ?

M. G.: Au début de l’année, une mosquée berlinoise, très ouverte sur le dialogue, nous a demandé si elle pourrait réaliser une prière interreligieuse pour la paix sur la Breitscheidplatz près de l’église. Après nous être renseignés, nous avons accepté. En mars, elle est parvenue à inviter les différents « courants » de l’islam pour y participer. Cet après-midi-là, un chiite a pu dire la prière pour tous les musulmans, et des sunnites ont pu y ajouter un « amen ». Dans le monde actuel, ce n’est pas rien ! Le maire de Berlin a dit un mot de salutation, j’ai parlé, un imam sunnite, l’imam de cette mosquée justement, a prononcé un discours. Cependant, la prière pour la paix a été finalement sujette à controverse pour différentes raisons. Maintenant, nous souhaitons prendre un nouvel élan et rebondir sur l’initiative qui nous est parvenue de France et que j’ai mentionnée tout à l’heure. L’imam Hassen Chalghoumi de Drancy et l’écrivain Marek Halter ont été invités à la Marche des musulmans contre le terrorisme, le 9 juillet, près de l’église commémorative. Introduite par une prière de recueillement et de paix prononcée par des imams venus de France, de Belgique, d’autres pays et de Berlin, cette marche représente un message de paix lancé à la société par des musulmans. Ensuite, les imams partiront en car pour Bruxelles, puis direction Paris pour faire de même sur les lieux où se sont déroulés les attentats. Puis ils iront à Toulouse, où un terroriste a assassiné des enfants juifs en 2012. Enfin, ils envisagent de se rendre à Nice, puis à Paris, sur le Champ de Mars, devant le Mur de la paix où ils ont prévu une cérémonie de clôture qui, je l’espère, sera ressentie comme un événement concernant tout le monde, toute la société.

Existe-t-il un lien particulier entre l’église commémorative et la culture française ?

M. G.: Oui, tout à fait. La nouvelle église commémorative est une œuvre franco-allemande. Ses parois de vitraux bleus, conçus par Gabriel Loire, maître-verrier de Chartres, en France, sont le signe distinctif de l’église. Mais ce n’est pas tout. On retrouve dans ce qui est resté de l’ancienne église, inaugurée intentionnellement en 1895 la veille du 25eanniversaire de la victoire allemande à Sedan, de nombreuses références à l’histoire du conflit franco-allemand au XIXe siècle. Les cloches de l’ancienne église commémorative ont été coulées dans le bronze des pièces d’artillerie françaises. À l’époque, du point de vue allemand, après la victoire sur la France en 1870-1871, cela représentait un symbole de « paix », je mets « paix » entre guillemets, car il s’agissait bien sûr de la paix nommée ainsi par les vainqueurs. À l’entrée de l’église, des tableaux représentent l’empereur Guillaume Ier, à qui l’église est dédiée, dans des scènes liées aux batailles contre la France. Guerres napoléoniennes, guerre de 1870-1871, et proclamation de l’empereur stylisée, présentée non pas dans la galerie des Glaces à Versailles, mais dans un paysage idyllique. La confrontation franco-allemande est réellement gravée dans l’ancienne église.

Il est donc d’autant plus important que la nouvelle église représente le lien amical entre l’Allemagne et la France. Elle a été inaugurée en 1961, deux ans avant le Traité d’amitié franco-allemand. Et c’est ce que nous essayons de ranimer depuis quelques années, grâce à des contacts actifs avec la France.

L’église commémorative, symbole contre la guerre, va-t-elle devenir maintenant un symbole contre le terrorisme ?

M. G.: J’aimerais bien que l’église commémorative devienne le symbole d’un bon rapport entre chrétiens et musulmans œuvrant à la paix, et c’est ce à quoi nous travaillons.

 J’ai l’impression que l’église et votre fonction en sont devenues à la fois garantes d’équilibre et pivot. Comment définiriez-vous la fonction particulière de l’église commémorative depuis l’attentat ?

M. G.: J’ai ressenti beaucoup des choses que nous avons faites durant les semaines et les mois qui ont suivi l’attentat comme étant un « accompagnement spirituel public ». Au cours d’interviews, lorsqu’on m’a franchement demandé : « Comment va-t-on pouvoir fêter Noël maintenant ? », j’ai répondu : « Justement, Noël raconte comment Dieu est arrivé dans l’obscurité et les tourments du monde, dans la vulnérabilité d’un nouveau-né. Ce n’est pas une fête où tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ! » Ou bien, lorsque j’ai défendu à maintes reprises la nécessité d’un regard différencié sur les musulmans de notre pays et encouragé les gens à ne pas tomber dans des réactions de vengeance, de marginalisation ou de peur. Ou encore lorsque nous avons accompagné la réouverture du marché de Noël d’un recueillement dans l’église, pour ne pas que cela fasse : « il faut bien faire tourner les affaires », surtout pour les forains, pour qui c’était suffisamment difficile, et pour le public. Ou bien mon constat sur l’expression personnelle de divers gestes de sympathie que l’on a souvent perdus de vue dans l’opinion publique. La fonction qui nous incombe, à l’église commémorative, c’est selon moi celle d’un accompagnement spirituel public.

Traduction de l’allemand en français par Sylvie Pellequier