Éducation musicale et enseignement de la Seconde Guerre mondiale

Benoît FalaizeDocteur en Histoire, IG groupe histoire, Centre d’histoire de Sciences Po
Christine DarnaultIA-IPR lettres-cinéma – académie de Créteil
Marie-Laure LepetitI.G. Lettres & cinéma
Raffin SandrineProfesseur de lettres en CPGE au lycée Bourdelle de Montauban
Séverine Bourdieuprofesseur de lettres en CPGE au lycée Déodat de Séverac de Toulouse
Shayevitz StephanArtiste plasticien
Sophie FellerProfesseur de lettres au lycée de la Venise verte de Niort
Paru le : 13.04.2020

Éducation musicale et enseignement de la Seconde Guerre mondiale[1]

Séverine Bourdieu, professeur de Lettres en CPGE au lycée Déodat de Séverac de Toulouse

Christine Darnault, IA-IPR Lettres-cinéma – Académie de Créteil

Benoît Falaize, docteur en Histoire, IG groupe histoire, Centre d’histoire de Sciences Po

Sophie Feller, professeur de Lettres au lycée de la Venise verte de Niort

Marie-Laure Lepetit, IG Lettres-cinéma

Sandrine Raffin, professeur de Lettres en CPGE au lycée Bourdelle de Montauban

Stephan Shayevitz, artiste plasticien

Résumé : Cette proposition pédagogique, qui a pris sa source dans l’expérience que racontent deux professeurs dans l’ouvrage collectif, Territoires vivants de la République, a pour objectif d’aider les enseignants à mettre en œuvre des projets interdisciplinaires Education musicale-Histoire dans le cadre de l’enseignement de la Seconde Guerre Mondiale. Différents pans de cette période peuvent être abordés par le biais de l’étude d’œuvres musicales diverses et variées et, pour certaines, de leurs accompagnements vidéo : la politique artistique du IIIème Reich, l’idéologie nazie, la Résistance, les ghettos et les groupes de partisans, l’univers culturel du yiddishland[2], le monde des enfants cachés, les déportations, la vie dans les camps et la place qu’y occupait la musique, etc. A travers les œuvres contemporaines, classiques comme de variété, la question de la Mémoire est aussi posée.

Mots clés : camp – déportation – enfants cachés – ghetto – idéologie nazie- musique – partisans – Résistance – souvenirs d’enfance – yiddishland.

Index géographique : Allemagne- Börgemoor – Buchenwald – Grande-Bretagne – France – USA – Varsovie – Wilno.

Disciplines/enseignements : Histoire, Education musicale, Français, HDA, CAV

Niveaux : du cycle 3[3] à la classe de Terminale (LP et LGT)


« Dès la conception du projet, nous avons choisi de travailler en pleine concertation et de lier le plus possible une démarche historique et artistique. Il nous paraissait essentiel, afin de mieux saisir les enjeux complexes du paradigme de la déportation et de la Shoah, d’allier la question sensible à celle des faits historiques »[4], écrivent Amaury Pierre et Fabien Pontagnier dans l’article qu’ils consacrent à l’enseignement de la Shoah en éducation prioritaire.

Dans le cadre de ce projet, qui a permis aux élèves de rencontrer des témoins et de se rendre à Buchenwald avec leurs enseignants, « la mise en action du savoir par le biais du chant choral » a été fondamentale. Il s’agissait de « redonner du sens aux faits historiques en les associant à la sensibilité de chaque élève. »[5]

Les élèves ont été invités à réfléchir sur les notions d’œuvres autorisées, tolérées et interdites à partir de compositions qu’ils étudiaient. Le concept de musique « dégénérée », Entartete Musik, cette musique interdite par les nazis[6], qui avait fait en 1938 l’objet d’une exposition à Düsseldorf[7]  – en écho à l’exposition Entartete Kunst (« Art dégénéré ») qui s’était tenue à Munich l’année précédente, ainsi que les raisons des mises à l’index constituent des entrées pertinentes pour l’étude de l’idéologie nazie. De fait, à travers les musiques prises pour cibles, « musique juive », « musique nègre », « musique afro-américaine », « musique judéo-nègre », « musique bolchévique », « musique sans racines », « musique prolétarienne », « musique décadente », on retrouve tous les mythes aryens. Pour soutenir le propos, il est possible de prendre appui sur des extraits du film Swing kids de Thomas Carter (1993) qui met en scène la montée du régime policier et liberticide, notamment par le biais de l’interdiction de la Music Swing et des salles de danse qu’affectionnait tout particulièrement une partie de la jeunesse allemande :

https://www.youtube.com/watch?v=6dNI9UTThZU

Lors d’un atelier mené au camp de Buchenwald, les élèves d’Amaury Pierre et Fabien Pontagnier ont découvert une des 500 mélodies que le violoniste et professeur de musique polonais, Jozef Kropinski, avait écrites lors de sa déportation à Auschwitz, puis Buchenwald[8]. Les élèves ont ainsi appris que la musique et la création musicale étaient bien vivantes dans les camps[9] et qu’elle pouvait, comme la littérature, aider à résister à l’horreur du quotidien. En classe, le disque produit en 2013 par Helios Azoulay, directeur musical de l’ensemble de musique incidentale et clarinettiste[10], …même à Auschwitz, qui rassemble des œuvres diverses et variées, permettra de faire découvrir aux élèves le monde vaste et complexe de la composition dans les camps nazis. Treize des vingt-et-un morceaux enregistrés sont consultables en ligne :

https://www.youtube.com/watch?v=QKt9iBuXpWQ&list=PLn-dMG6Cynidbut5A1U0TrXwxou1TRC9q&index=

Les élèves d’Amaury Pierre et Fabien Pontagnier ont également fait la rencontre de Pierre Chepelov, compositeur contemporain, qui les a accompagnés dans leur visite du camp. Celui-ci, à la demande du service éducatif des archives nationales, était en train de composer une cantate pour soprano, chœur d’enfants et ensemble orchestral, à partir de l’œuvre poétique, Je reviens de l’Enfer, que Léon Leloir, résistant et déporté à Buchenwald, avait écrite lors de sa détention entre 1944 et 1945[11]. Du côté de la création contemporaine, on peut également proposer aux élèves l’œuvre de Steve Reich, Différent trains (1988), qui associe une pièce musicale à des extraits du témoignage de sa grand-mère racontant les trains de déportation – ici dans une interprétation par le London Contemporary Orchestra :

https://www.youtube.com/watch?v=1E4Bjt_zVJc

et le clip vidéo du Kronos Quartet, tourné à la Zentralsauna à Birkenau, très beau et très pédagogique, puisqu’il permet notamment de comprendre les extraits sonores de témoignages grâce à des effets de sous-titrages :

https://www.youtube.com/watch?v=CSPW9lTN6oQ

On pourra également faire connaître aux élèves l’oratorio en hommage aux victimes d’Auschwitz, Dies irae (1967), de Krysztof Penderecki :

https://www.youtube.com/watch?v=w_jvgdAFJlM

Nombreux sont les chants qui peuvent par ailleurs nourrir un projet interdisciplinaire éducation musicale-histoire, qu’il serait possible d’ouvrir aux cours de français et de langues vivantes, en particulier l’anglais et l’allemand. En voici quelques exemples :

Zot Nit Keynmol ( זאג ניט קיין מאל, « Ne dis jamais »), le chant yiddish des partisans de Wilno[12], est écrit en 1943 par Hirsch Glick, un jeune juif enfermé dans le ghetto, en l’honneur de ceux de Varsovie :

https://www.youtube.com/watch?v=LgSBKcFrdwA

Il est ici interprété par la chanteuse Sarah Gorby :

https://www.youtube.com/watch?v=7l9yyE3ylwI&list=OLAK5uy_mVmpFpFdijhj8ujO2uA-tOS83yFP62xPM&index=5&t=0s

Le célèbre baryton afro-américain, Paul Robeson[13], l’interprète le 14 juin 1949 à Moscou :

https://www.youtube.com/watch?v=NV0hP9dAApk

Undzer shtetl brent (אונדזער שטעטל ברענט, « Notre shtetl brûle ! ») est une chanson écrite[14] à la suite du pogrom de Przytyk en Pologne en 1936 par le poète yiddish Mordekhai Gebirtig, mort assassiné dans le ghetto de Cracovie en 1942. Elle a été choisie comme hymne par les résistants du ghetto de Cracovie. Sarah Gorby l’interprète ici :

https://www.youtube.com/watch?v=yVjYEMUsIAo&list=OLAK5uy_mVmpFpFdijhj8ujO2uA-tOS83yFP62xPM&index=7

La complainte du partisan*, composée à Londres en 1943 par Emmanuel d’Astier de la Vigerie pour le texte et Anna Marly pour la musique, est diffusée pour la première fois sur les ondes de la BBC.

Une interprétation par Mouloudji est disponible :

https://www.youtube.com/watch?v=bHOALDWXSww

En 1969, Leonard Cohen redonne vie à ce chant et lui confère une célébrité internationale en en écrivant la version américaine*. Il intègre au milieu du texte anglais trois des strophes françaises[15]. Les variantes textuelles sont extrêmement intéressantes à étudier, notamment celle de la chute :

Oh, the wind, the wind is blowing                                 Le vent passe sur les tombes
Through the graves the wind is blowing                        La liberté reviendra
Freedom soon will come                                               On nous oubliera
Then we’ll come from the shadows
                              Nous rentrerons dans l’ombre

Les archives de l’INA permettent d’entendre une version de l’année de la création:

https://www.youtube.com/watch?v=19Qfr8KcSfY

Les interprétations que le chanteur en donne à Londres, au Royal Albert Hall, en 2008, puis au Wembley Arena en 2012 sont remarquables par leur orchestration aux rythmes tziganes :

https://www.youtube.com/watch?v=CHuOdgylr_k&lc=z12lyhhoeo3tyfmom04cfx15jrrmhjbwcec

https://www.youtube.com/watch?v=XCRQ8mulEZM

Chant de la Libération ou Le chant des partisans* est l’hymne de la Résistance française. Il est composé par Joseph Kessel et son neveu Maurice Druon pour les paroles en 1943 et par Anna Marly pour la musique en 1941 sur un texte initialement en russe. Dans le cadre d’une exposition sur Le chant des partisans qui s’est tenue au musée de l’ordre de la Libération[16] à l’hiver 2019 à Paris, France Musique, dans une émission de 30 minutes, rend hommage à Anna Marly et à ses compositions :

https://www.francemusique.fr/emissions/tour-de-chant/tour-de-chant-du-dimanche-17-novembre-2019-77838

Par ailleurs, tout récemment « Autant en emporte l’Histoire », émission de France Inter, a rendu hommage à Joseph Kessel. En évoquant son engagement dans la Résistance en 1943, elle raconte en détail la création de ce chant. La partie consacrée à la fiction radiophonique peut être un excellent support pour la classe :

https://www.franceinter.fr/emissions/autant-en-emporte-l-histoire/autant-en-emporte-l-histoire-09-fevrier-2020

Le chant de la déportation ou Chant des marais* est composé en 1933 par Rudi Goguel et Herbert Kirmsze, détenus communistes dans le camp de travail de Börgemoor. Il est souvent repris par les classes au moment de leur rencontre avec un ancien déporté.

La chanteuse lyrique, Heloïse Combes, l’interprète au festival Les Romanesques de juin 2016 :

https://www.youtube.com/watch?v=xNt8NMmpxc8

La chanteuse canadienne, Isabelle Longnus, en offre une interprétation à la force scénique qui la caractérise :

https://www.dailymotion.com/video/x87171

Le groupe « Libre ensemble » en donne une interprétation jazz très libre, à Villeurbanne en 2009 :

https://www.youtube.com/watch?v=iwW9S7QlPuA

Le chanteur de blues Lead Belly compose en 1942, en pleine guerre, Mister Hitler :

https://www.youtube.com/watch?v=VQva5wKSfzM&list=RDVQva5wKSfzM&index=1

La variété française a produit dans la seconde moitié du XXème siècle de nombreuses chansons qu’il est possible de faire découvrir ou re-découvrir aux élèves. Pour exemples parmi d’autres on pourra retenir :

Jean Ferrat, Nuit et Brouillard* (1963)

https://www.youtube.com/watch?v=3k8VsijdTwo

Barbara, Göttingen* (1965)

Dans une version que proposent les archives de l’INA :

https://www.youtube.com/watch?v=yDDBKniQQDU

et dans sa version allemande : https://www.youtube.com/watch?v=hz5hNyPPD2Q

Mon enfance* (1968)

https://www.youtube.com/watch?v=VQ7MxTBUZnE

Jean-Jacques Goldman, Comme toi* (1982) :

https://www.dailymotion.com/video/x7fvv

Gilbert Bécaud et Julian Plus, Bravo Bravo, (1987). Dans la comédie musicale Roza, le spectacle prend appui sur le roman, La vie devant soi, de Romain Gary. L’histoire aborde l’existence de Roza, interprétée la première fois par Annie Cordy, une ancienne prostituée, qui dirige un foyer temporaire pour les enfants de prostituées jusqu’à ce qu’ils puissent être adoptés. Or Roza est une rescapée de la Seconde Guerre Mondiale, et dans Bravo, Bravo, elle clame l’échec des nazis car elle est vivante :

« Ah Bravo Bravo

Tu as beau me tatouer un numéro

J’ai tiré le bon et crève c’est moi

Qui ait eu ta peau

Je survis aux fanfares à “Lili Marlène”

Je suis grasse j’ai cent ans et je m’aime. »

https://www.youtube.com/watch?v=50MuwbtU-jQ

Jean-Jacques Goldman, Né en 17 à Leindenstadt* (1990) dans un enregistrement live à la mise en scène intéressante à commenter :

https://www.youtube.com/watch?v=9-9SFHdaRVM 

Louis Chédid, Anne, ma sœur Anne* (1985). L’analyse du scenario du clip vidéo peut accompagner l’étude de la chanson :

https://www.youtube.com/watch?v=IIZysMH6oXg

Les Rita Mitsouko, Le Petit Train* (1988)

https://www.youtube.com/watch?v=Pn5X4_JCJgg

Anne Sylvestre, Le p’tit grenier* (2003)

https://www.youtube.com/watch?v=IpvAlgP7hTU

Parce qu’il est essentiel de faire connaître à l’école les trésors de la culture et du peuple juifs, poèmes yiddish mis en musique et musique klezmer peuvent faire découvrir aux élèves le yiddishland, avec son immense richesse artistique, englouti par la Shoah, mais qui tente aujourd’hui, grâce à des adaptations contemporaines de très grande qualité, de renaître de ses cendres. En voici quelques exemples :

Mother Sarah sings a Lullaby to Isaac d’Itzic Manger, interprété par Chava Alberstein :

https://www.youtube.com/watch?v=W8OLgeeCYgo

Bay mir bistu sheyn, (בייַ מיר ביסטו שיין) de Jacob Jacobs pour les paroles[17] et Sholom Secunda pour la musique. Cette chanson fut écrite pour une comédie musicale qui ne se joua qu’une saison en 1932. De nombreux groupes et orchestres contemporains sont parvenus à lui redonner vie :

le Sirba Octet : https://www.youtube.com/watch?v=JAvH88zFJP0

les Marx Sisters : https://www.youtube.com/watch?v=kQFyF4MJq5M

la chanteuse Talila, dans son spectacle « Mon yiddish blues » en 2011 donné à l’Ogre à plumes à Paris : https://www.youtube.com/watch?v=ioeKis7LOao

Ou encore, dans sa version anglaise, interprétée par Ella Fitzgerald :

https://www.youtube.com/watch?v=Hu_KQpSb0js

Dona, dona,( דאַנאַ דאַנאַ) de l’écrivain Aaron Zeitlin pour les paroles[18] et Sholom Secunda pour la musique. Elle fut écrite en 1940 pour la pièce Esterke de Zeitlin. Elle décrit un petit veau ligoté que l’on mène à l’abattoir…  Ici, une interprétation contemporaine par les Marx Sisters en concert à La vieille grille :

https://www.youtube.com/watch?v=2XKirz6Sjok

Ou encore, dans sa version anglaise, interprétée par Joan Baez :

https://www.youtube.com/watch?v=j1zBEWyBJb0

Nakht un regn (« Nuit et pluie ») est une chanson composée par le poète yiddish Mani Leyb pour les paroles[19] et Mikhl Gelbart pour la musique. Il est ici interprété par le groupe Klezmer Daniel Kahn & the painted bird :

https://www.youtube.com/watch?v=IX-f2q-q4is

Dos yingile ligt farbren (« Et un petit garçon les conduira ») est une chanson composée à partir du poème d’Halper Leivick. Ici, l’interprétation que Sarah Gorby en donne :

https://www.youtube.com/watch?v=LqLMAIpNQkw&list=OLAK5uy_mVmpFpFdijhj8ujO2uA-tOS83yFP62xPM&index=3

Ce poème a été traduit par Rachel Ertel[20] :

Rêve à nouveau ton rêve, ô prophète Isaïe,

A nouveau apparais sur les murs calcinés.

Peu t’importe que celui qui t’appelle soit las,

Il pleure le petit garçon qui gît brûlé.

Le loup et l’agneau séjourneront ensemble ;

De ses propres mains, le petit garçon va les mener.

Mais viens, prophète, pour consoler la mère.

Elle pleure son petit garçon qui gît brûlé.

Le léopard s’accroupira aux côtés du chevreau,

Tous deux enfin se sont donc retrouvés.

La mère berçant un berceau vide ne cesse de chanter

Pour son petit garçon qui gît en cendres brûlé.

La génisse et l’ours ensemble iront aux pâturages,

Le serpent va s’approcher de l’enfant avec bonté.

O quels mauvais bergers nous avons donc été !

Car le petit garçon en cendres gît, brûlé.

La mère monte de l’abîme des tranchées

Avec ses mains berçantes levées vers toi.

Prophète, les jours du Messie sont arrivés,

Mais le petit garçon gît pour l’instant brûlé.

Ounter dayne vayte shtern (« Sous tes étoiles blanches »), chanson composée à partir d’un poème[21] qu’Avrom Sutzkever écrivit dans le ghetto de Wilno en 1943, est ici interprétée par Yeela Avital :

https://www.youtube.com/watch?v=TFMhWeW36y4

A yiddish Mame de Jack Yellin[22] et Lew Pollack fut écrite en 1925. Comme Bay mir bistu sheyn, cette chanson est aujourd’hui bien souvent reprise :

par Les yeux noirs  dans un concert à Sydney: https://www.youtube.com/watch?v=N1VGeZyYv7M

par Klezfez dans un concert à Berlin : https://www.youtube.com/watch?v=d1ZrxntY8yI

par Talila : https://www.youtube.com/watch?v=tyJOfsCFGe4

Un violon sur le toit (Fiddler on the roof)* est une comédie musicale de Joseph Stein, composée d’après les contes de l’écrivain yiddish Sholem-Aleïkhem. Créée à Broadway en 1964, elle fut jouée à Paris en 1969, puis en 2005 :

http://www.operette-theatremusical.fr/2015/11/26/un-violon-sur-le-toit/

Elle fut adaptée au cinéma en 1971 par Norman Jewison. Ici, la bande annonce :

https://www.youtube.com/watch?v=QegNUOg2ajE

Le spectacle comme le film permettent de travailler sur une représentation du monde juif au début du XXème siècle ainsi que sur les totalitarismes qui l’anéantiront.

Et puisqu’il convient d’éveiller la fibre créatrice de nos élèves, rien n’interdit de leur proposer de mettre en musique quelques vers. Le poème « La partisane » de la poétesse yiddish Reïzl Zychlinsky pourrait offrir un possible support d’adaptation. Nous vous en livrons ici le texte dans la traduction de Rachel Ertel[23] :

Enveloppée de vents froids,

voilée de nuits étoilées,

blottie dans le gel blanc

Tania dort – monticule de lumière.

De longs jours, pendue dans le vent,

de longues nuits bercée sur le gibet,

la neige a couvert ses épaules nues

des couchers du soleil elle est le  brasier.

La partisane fut mise en terre,

la jeune fille aux fiers sourcils.

Sur sa tombe éclot son cou,

sa tête hautaine atteint les cieux.

Au printemps fleuriront ses lèvres,

gouttes de sang torturées, écorchées.

Au printemps bourgeonneront ses lèvres

muettes et scellées par la mort.

Quand les partisans dans les neiges profondes

portent la mort dans le dos de l’ennemi,

la morte Tania leur ouvre le chemin

allume la haine implacable dans leur sang.

Son corps élancé, sa silhouette fine

flotte sur la neige, palpite dans le vent.

Les combattants tendent les bras

ne saisissant que son ombre bleue.

Un vent doux caresse leur visage

la neige fond en larmes dans leurs yeux.

Dans les cieux Tania est un scintillement d’étoile

et sur terre elle est un blanc bouleau.

 

NOTES

[1] Avec tous nos remerciements à Alain Pujat, IA-IPR lettres honoraire, académie de Créteil, pour sa minutieuse relecture.

[2] Avec nos remerciements les plus chaleureux à Rachel Ertel pour l’ensemble de ses précieux conseils, sa relecture et ses traductions des deux poèmes cités dans cette ressource.

[3] Pour les œuvres exploitables au cycle 3, en CM2 précisément, un astérisque sera apposé à l’œuvre citée.

[4] Territoires vivants de la République – Ce que peut l’Ecole : réussir au-delà des préjugés, ouvrage collectif dirigé et présenté par Benoît Falaize, Paris, La Découverte, 2018, p. 245.

[5] Op.cit., p. 250.

[6] Cf l’article de Laure Schnapper, « La musique ‘dégénérée’ sous l’Allemagne nazie » in Raisons politiques, 2004/2, n°14,  p. 157-177. Consultable à l’adresse suivante : https://www.cairn.info/revue-raisons-politiques-2004-2-page-157.htm

[7] Cf la conférence « Musiques interdites » que Michel Pastore donna à l’A.R.E.S. (association de la Recherche et enseignement de la Shoah) en juillet 2007 à Marseille :

http://www.musiques-interdites.fr/IMG/pdf/ares2007.pdf

Dans le document PDF on trouve par ailleurs une reproduction de l’affiche tout à fait intéressante à analyser avec les élèves puisqu’elle est représentative du détournement de l’image à des fins politiques : sont diabolisés le noir, le juif, l’Amérique et le jazz.

[8] Cf l’article que Barbara Milewski consacre au compositeur sur le site de l’OREL fondation : http://orelfoundation.org/journal/journalArticle/more_music_for_the_kinohalle/

On peut y entendre trois extraits.

[9] On pourra se reporter aux deux livres que Simon Laks a écrits sur l’orchestre qu’il dirigea pendant deux ans à Auschwitz-Birkenau, Musiques d’un autre monde et Mélodies d’Auschwitz. En 2018, les éditions du Cerf ont rassemblé ces deux récits qu’elles ont complétés de textes inédits.

[10] https://www.francetvinfo.fr/culture/musique/classique/contre-loubli-des-concerts-de-musique-degeneree-composee-par-des-deportes_3310889.html

[11] L’histoire de cette aventure musicale est racontée sur l’une des pages du site du compositeur :

https://pierrechepelov.com/catalogue/je-reviens-de-l-enfer

On y trouve également des extraits de la cantate et des interviewes.

[12] Ici, les paroles en yiddish, anglais et français : http://rama01.free.fr/yidlid/chansons/zognitkeynmol.htm

[13] Nicole Lapierre dans Causes communes. Des Juifs et des Noirs, Paris, Stock, 2011, consacre un chapitre (p. 63 sq) à la vie et aux engagements politiques de l’artiste.  

[14] Ici, les paroles en yiddish, anglais et français : http://rama01.free.fr/yidlid/chansons/s-brent.htm

[15] La première, la troisième et la quatrième.

[16] https://www.ordredelaliberation.fr/fr/le-chant-des-partisans-creation-et-diffusion

[17] Ici, les paroles en yiddish, anglais et français : http://yidlid.org/chansons/bay-mir/index.html

[18] Ici, les paroles en yiddish, anglais et français : http://rama01.free.fr/yidlid/chansons/dona-dona.htm

[19] Ici, les paroles en yiddish, anglais et français : http://yidlid.org/chansons/geyen-zey/index.html

[20] H. Leivick – Poète yiddish – Hommages et textes choisis, recueillis par M. Waldman, Paris, Gopa, 1967, p. 117.

[21] Ici, les paroles en yiddish et en anglais : https://www.milkenarchive.org/music/volumes/view/the-art-of-jewish-song/work/unter-dayne-vayse-shtern/

[22] Ici, les paroles en yiddish, anglais et français : http://rama01.free.fr/yidlid/chansons/yidishe-mame.htm

[23] Les Portes muettes, Paris, L’improviste, 2007, p. 175-176.