Entretien mené le samedi 4 décembre 2021 à Paris par Séverine Bourdieu pour l’association Mémoires à l’œuvre.
Robert Bober est aujourd’hui connu pour ses romans et ses récits publiés chez P.O.L. Mais c’est comme documentariste, après avoir été l’assistant de François Truffaut, qu’il commence sa carrière. Parmi les nombreux films qu’il réalise, nous avons choisi de retenir l’un de ceux qui sont déjà entrés dans la postérité1 : Récits d’Ellis Island. Récits d’Ellis Island est tourné en 1979 et sort sur les écrans en 1980 de même que le texte de Georges Perec qui en partage le titre. Le cinéaste sait mettre des images là où l’écrivain a le don des mots.
L’entretien que nous avons réalisé donne effectivement la possibilité de faire connaître pour la première fois à un public élargi cette rencontre. Robert Bober est né en 1931, Georges Perec en 1936, tous deux sont Juifs. Bien que leurs histoires personnelles soient très différentes, ils se rejoignent en ce lieu encore improbable qui devient, au tournant des années 2000, une attraction touristique même si quantité de ceux qui le visitent tentent toujours d’y retrouver leurs racines.
Séverine Bourdieu : Robert Bober, pourriez-vous nous raconter votre rencontre avec Georges Perec ?
Robert Bober : En 1975, à la suite d’un papier de Jean Duvignaud dans ce qui s’appelait à l’époque Le Nouvel Observateur, je lis une critique de W ou Le souvenir d’enfance qui me donne aussitôt envie d’acheter le livre. Je le lis, et je le souligne, bien évidemment2. Nous avions des amis communs et ils me disent : « On connaît Georges Perec, ça ne nous étonne pas du tout que tu aies aimé ce livre ». Ils nous ont réunis au cours d’un dîner, on s’est tutoyés d’emblée. Alors il me dit : « Qu’est-ce que tu fais en ce moment ? » Je lui dis : « Je suis en train de préparer un film, que je vais tourner en octobre – on était au mois de juin – en Pologne. » Il s’agissait de Réfugié provenant d’Allemagne : apatride d’origine polonaise sur mon voyage à Radom. Je lui demande alors : « Pourquoi ? » Et il me dit : « Moi, je n’irai pas en Pologne, je ne peux pas aller en Pologne. Par contre, dès que tu as fini ton film, tu me le montres. » Donc j’ai tourné le film et, durant celui-ci, je montre les livres qui ont été importants pour moi, en disant que, d’une certaine manière, ces auteurs étaient ceux de ce que j’étais en train de tourner. Le dernier livre qu’on y voit est W ou Le souvenir d’enfance. Puis il y a une projection, dans un cinéma. À la fin, il vient vers moi et tombe dans mes bras, en larmes. Et il me dit : « Je t’appelle demain. » Il m’a appelé, puis on s’est vus pour dîner. « Écoute, me dit-il alors, d’une certaine manière, on cherche les mêmes choses. Il faudra qu’un jour on fasse un film ensemble. Je ne sais pas lequel, mais un film dans lequel, tous les deux, on puisse se retrouver. » Entre temps, on s’est beaucoup plus vus. Je lui ai montré des films de moi, j’ai lu d’autres livres de lui. Et voilà, une amitié est née. Et puis un jour je lis dans un journal, je crois que c’était France Soir, que Ellis Island est ouvert au public. Et ça, c’est une information qui ne me vient pas de mes lectures – c’est peut-être ma mère qui m’en a parlé un jour. Je demande à ma mère, elle me dit : « Oui, mon grand-père est parti de Przemysl (qui était une petite ville de Pologne), il a tenté l’aventure pour aller en Amérique. Il s’est arrêté à Ellis Island, il a attrapé le trachome, il s’est fait refouler, et il est revenu en passant par Vienne. » Je pense alors : « Il y a peut-être là quelque chose », et je raconte ça à Perec. Alors il me répond : « Écoute, donne-moi quarante-huit heures, je veux savoir comment je peux rentrer dans cette histoire. » Après quoi, il me téléphone : « Bon, on y va. ». Voilà ! Donc on a repéré en 1978, passant quinze jours là-bas à voir des gens, et en 1979 on a tourné le film.
Ce film, vous l’avez donc tourné à partir d’un projet commun mais également avec une démarche commune, n’est-ce pas ?
R. B. : Non, non, avec ce qu’on savait… Alors bon, on avait lu entre temps des ouvrages, on a vu des gens qui connaissaient des gens, voilà, donc on est partis avec quelques adresses. On s’est dit qu’on allait commencer par trouver des émigrants, des gens qui sont passés par Ellis Island. Puis on a visité Ellis Island plusieurs fois avec le guide, qui nous emmenait, en prenant des notes. Je me suis dit qu’il faudrait faire agrandir des photos de Lewis Hine et les placer à l’endroit même où ces photos avaient été faites. À l’époque de ces photos, Ellis Island venait d’ouvrir, puisque, avant, les émigrants arrivaient par Castle Garden. Il y avait tellement d’émigrants qu’ils ont ouvert ce lieu. Voilà, ça s’est fait comme ça. Il a parlé de ce projet plusieurs fois dans les entretiens, et une fois qu’on a fait ce tournage, il a écrit un premier texte. Et puis, on a tout de suite compris, dès les premiers jours, qu’on ferait deux films, un film qui serait le nôtre, dans lequel on dirait pourquoi on est là, etc., puis un autre, de témoignages de gens qui sont passés par là. Voilà, c’est un film à la première personne… du pluriel, puisqu’on était deux. Et l’autre pour donner la parole à tous ces émigrants. Sur le coup, je ne sais pas en ce qui nous concerne, mais, sur le coup, les gens n’ont pas eu conscience de l’importance de ce film. On ne faisait pas un film pour dire que c’était important, mais parce que ça correspondait à un désir. Et, petit à petit, avec le temps, on s’est rendu compte que Ellis Island était devenu une des oeuvres majeures de Perec.
Alors, il y a une définition que j’ai retrouvée, donc je me la suis notée, sur le travail qu’on a fait ensemble. (Il sort un carnet de son bureau) Ça, c’est un aide-mémoire ! Voilà. Georges Perec écrit – on va reconnaître tout de suite ce qu’il dit : « Nos démarches n’étaient pas exactement les mêmes, mais elles se rejoignaient quelque part dans une interrogation commune dont nous eûmes envie d’explorer ensemble ses prolongements possibles. Ellis Island nous apparut alors comme le lieu même où venaient s’inscrire les thèmes et les mythes autour desquels s’articulait la recherche de notre identité. » Voilà : cette recherche d’identité, c’était déjà, pour ce qui me concernait, le film que je tournais en Pologne.
Je comprends que vos démarches identitaires ne soient pas les mêmes, ce qui est très bien expliqué par Georges Perec dans la voix off du film et dans le livre. En revanche, j’ai l’impression que la démarche artistique de l’un déteint sur l’autre.
R. B. : Ah oui.
La manière dont vous filmez les lieux, à mes yeux, correspond à la transcription cinématographique de la manière dont Perec décrit les lieux avec cette attention si intense, si méticuleuse. Cela me fait penser à ce que vous nous avez dit sur cette volonté de s’arrêter : vous filmez Ellis Island comme vous lisez un livre, en soulignant des passages et en vous arrêtant.
R. B. : Oui, oui. D’autant que l’essentiel du texte a été écrit après le tournage, et pendant le montage. Il avait besoin de ces images. On a travaillé beaucoup sur la connaissance qu’on avait l’un de l’autre, c’était important. Par exemple, je connaissais son goût de la description, ça je m’en étais rendu compte, je me suis dit : « Il faut que je trouve un lieu, dans Ellis Island, qui n’est pas un lieu qui raconte déjà tout, mais un lieu banal et essentiel en même temps. J’ai choisi la lingerie, l’endroit où les gens lavaient leur linge, repassaient, etc. On était « en film », donc j’étais obligé de faire un plan très très long. J’ai fait un plan fixe de ce lieu et inévitablement c’est un texte que l’on retrouve et où il décrit entièrement ce lieu. Voilà. C’était des moments de rencontre, comme ça. Mais la connaissance qu’on avait l’un de l’autre a fait que tout ce qui a été filmé ou écrit l’a été en pensant autant à ce qu’on voulait faire qu’à l’autre. Avec cette différence que son rapport à sa judéité et le mien ne sont pas du tout les mêmes bien évidemment, puisque ses parents ont été déportés et que, moi, j’avais hérité d’une sorte de transmission, ne serait-ce que par la langue.
Peut-on dire que le parcours que vous proposez, Georges Perec par sa voix off et vous par vos images, constitue un parcours alternatif à celui que le guide propose, qui est un parcours plus prévisible, collectif, conventionnel, sans pause ? Alors que vous, j’ai l’impression qu’au début vous suivez le guide mais qu’ensuite vous partez par des chemins de traverse. Et là, vous vous arrêtez, il y a des plans fixes, il y a des silences.
R. B. : Oui, j’aime beaucoup les chemins de traverse. D’ailleurs c’est une formule que j’utilise souvent. Le film commence, une fois qu’on est arrivé à Ellis Island, par le guide, en dehors du bâtiment, qui parle à des touristes. Touristes, entre guillemets, parce que tous ceux qui étaient là avaient quelqu’un qui était passé par là. Et, après l’avoir écouté plusieurs fois, et là c’est une fierté, j’allais dire dont je suis fier, je lui dis : « Les gens qui sont là, ils ne sont pas venus faire du tourisme. Ils sont venus là pour autre chose. Est-ce que vous pouvez leur demander s’ils ont de la famille qui est passée par ce lieu et d’où ils viennent ? Attendez que je filme pour poser cette question ». Je prépare la caméra, et cette fois-ci je me suis mis derrière le guide pour filmer les visiteurs. Il leur demande : « Est-ce qu’il y a parmi vous des gens dont les parents sont passés par là ? » Et tout le monde a levé la main. « Et de quel endroit ? » Alors, de Russie, Pologne, etc. Après, le guide m’a dit : « Maintenant, à chaque tour, je vais poser la même question. » Voilà, c’est un truc qu’il a intégré dans son discours… Perec dit alors : « Ce n’est pas par hasard que l’on revient sur Ellis Island ».
Je ne me souviens plus… Ah oui ! Les chemins de traverse. Et une fois que ça a été fait, j’ai placé la caméra, non pas en filmant les visiteurs, mais en écoutant, en me mettant à la place des visiteurs : tout en les montrant, on était parmi eux… On s’arrêtait, on les laissait partir, on revenait après. En revanche, tous les plans où tout est détruit ont été tournés après, sans qu’il y ait de touristes. Il y a une fois, on entend à deux reprises la même chose, c’est que, à un moment donné, lorsqu’ils sont assis, le guide parle en off et je filme tous les visages, lorsque les visiteurs sont assis sur les bancs. À ce moment, Perec dit : « Ils connaissent l’histoire de… Ils savent que Gershwin… » Enfin il donne tous les noms de ceux qui sont passés par là.
Et Ferguson ?
Robert Bober feuilletant l’édition originale de Récits d’Ellis Island : On va le retrouver : « Une fois de plus, le guide raconte l’arrivée des immigrants, la montée des escaliers, les visites médicales, l’inspection des yeux, les lettres à la craie sur l’épaule présumée du malade, l’attente interminable, les vingt-neuf questions posées à toute vitesse. Il parle en marchant de long en large, les visiteurs le suivent du regard. Ces histoires, ils les connaissent depuis toujours, ils savent qu’Irving Berlin s’appelait Isidore Baline quand il arriva à Ellis Island, et que Samuel Goldwyn est passé par Ellis Island, et Emma Goldman… » C’est tout ce passage-là, qu’on entend deux fois, on l’entend off avec la voix de Perec. Et je suis en gros plan sur les personnes qui écoutent et ça se termine par le rire et l’anecdote « John Ferguson ».
Oui, le fameux Ferguson ! Ce vieux Juif qui, ayant oublié le nom américain qu’on lui avait conseillé de donner au Bureau fédéral de l’Immigration, s’exclame, arrivé à celui-ci, « Shon Vergessen ! » (« J’ai oublié », en yiddish) et est rebaptisé John Ferguson par l’officier. Précisément, à propos du plan fixe dans la lingerie, où est Perec ? (en montrant le livre à Robert Bober).
R. B. : Là vous voyez, sur la photo, on le voit en train d’écrire, déjà de prendre des notes (Bober & Perec, 1994, p. 43).
C’est ma photographie préférée ! Parce que je trouve que là, le simple fait de s’asseoir sur une chaise à une table et d’écrire, c’est d’un coup habiter le lieu, qui était un nonlieu.
R. B. : Oui, oui… Sans compter que c’est plus pratique d’écrire assis.
Oui, bien sûr ! À un moment, vous faites un plan fixe sur des luminaires…
R. B. : Ah oui, oui, plusieurs de suite (ibid., p. 47).
Oui, vous insistez, et j’ai eu l’impression que derrière ces images, mais je surinterprète peut-être, il y avait une allusion à W ou Le souvenir d’enfance, le passage où Perec dit que lui aussi aurait aimé faire ses devoirs dans la cuisine sur une table avec une nappe en toile cirée bleue, et il écrit : « Il y aurait eu une suspension avec un abatjour presque en forme d’assiette en porcelaine blanche ou en tôle émaillée, et un système de poulies avec un contrepoids en forme de poire » (Perec, 1975, p. 99). J’ai l’impression que c’est cela que vous filmez à Ellis Island.
R. B. : Effectivement, c’est ce qu’on trouvait dans les livres de classe. C’est le passage que l’on ne peut pas lire sans pleurer. Je ne sais pas si j’y ai pensé ou pas, mais ça me paraissait évident. Chez moi aussi il y avait ça, je pourrais la dessiner… Ce que je voulais montrer surtout, dans toute cette série de plans, c’est le lieu où plus rien ne tenait, ni plafond, ni sol, ni rien. C’était l’idée de destruction. C’est pourquoi il parle beaucoup. Ces plans, je les ai placés lorsqu’il parle de ce qui lui est arrivé : « Ce que moi, Georges Perec, etc. » (Bober & Perec, 1994, p. 56). C’est là que l’on voit tous les plans d’Ellis Island détruit. C’est ce que je voulais qu’on comprenne en tout cas.
Peut-être pourrait-on terminer notre entretien sur une citation de Georges Perec, que vous auriez choisie et que vous nous liriez ?
R. B. : Volontiers… il faut que je retrouve la page… c’est un texte que j’aime énormément. Ah, voilà… je chausse mes lunettes. C’est dans Espèces d’Espaces, à la page 105. Voyez, c’est souligné, et même deux fois ! Quand je l’ai lu le premier jour, j’ai pensé : c’est la dictée qu’il faudrait donner à tous les enfants ! Je ne sais pas si on donne encore des dictées aux enfants mais à l’époque il y avait beaucoup de dictées.
Parcourir le monde, le sillonner en tous sens, ce ne sera jamais qu’en connaître quelques ares, quelques arpents : minuscules incursions dans des vestiges désincarnés, frissons d’aventure, quêtes improbables figées dans un brouillard doucereux dont quelques détails nous resteront en mémoire : au-delà de ces gares et de ces routes, et des pistes scintillantes des aéroports, et de ces bandes étroites de terrains qu’un train de nuit lancé à grande vitesse illumine un court instant, au-delà des panoramas trop longtemps attendus et trop tard découverts, et des entassements de pierres et des entassements d’oeuvres d’art, ce seront peut-être trois enfants courant sur une route toute blanche, ou bien une petite maison à la sortie d’Avignon, avec une porte de bois à claire-voie jadis peinte en vert, la découpe en silhouettes des arbres au sommet d’une colline des environs de Sarrebrück, quatre obèses hilares à la terrasse d’un café dans les faubourgs de Naples, la grande rue de Brionne, dans l’Eure, deux jours avant Noël, vers six heures du soir, la fraîcheur d’une galerie couverte dans le souk de Sfax, un minuscule barrage en travers d’un loch écossais, une route en lacets près de Corvol-l’Orgueilleux… Et avec eux, irréductible, immédiat et tangible, le sentiment de la concrétude du monde : quelque chose de clair, de plus proche de nous : le monde, non plus comme un parcours sans cesse à refaire, non pas comme une course sans fin, un défi sans cesse à relever, non pas comme le seul prétexte d’une accumulation désespérante, ni comme illusion d’une conquête, mais comme retrouvaille d’un sens, perception d’une écriture terrestre, d’une géographie dont nous avons oublié que nous sommes les auteurs (Perec, 2000, p. 155-156).
Je trouve que c’est un des plus beaux textes que Perec a écrit. Et alors, cerise sur le gâteau si l’on peut dire : Corvol-l’Orgueilleux est un endroit où il y a une colonie de vacances d’enfants juifs. Et cela, il ne le savait pas. ❚
ŒUVRES CITÉES
Bober, Robert & Georges Perec, 1994, Récits d’Ellis Island. Histoires d’errance et d’espoir, Paris, P.O.L/INA.
Perec, Georges, 1993 [1975], W ou Le souvenir d’enfance, Paris, Gallimard, « L’Imaginaire ».
Perec, Georges, Espèces d’espaces, 2000 [1974], Paris, Galilée, 2000 (nouvelle édition revue et corrigée).
On peut également se reporter aux mémoires à l’oeuvre de… Robert Bober avec quatre entretiens audio accompagnés de portfolios : https://www.memoires-en-jeu.com/video/les-memoires-a-loeuvre-derobert-bober/ et la ressource pédagogique intitulée « Aller à la rencontre de Rober Bober », consacrée à Par instants, la vie n’est pas sûre (P.O.L., 2020) : https://www.memoires-en-jeu.com/pedagogie/aller-a-la-rencontre-de-robert-bober/
1 Parmi une oeuvre qui en compte autour de 150, dont une quarantaine de documentaires qui sont le produit de la longue collaboration et amitié avec Pierre Dumayet, mentionnons les suivants :
Cholem Aleichem, Un écrivain de langue yiddish, 1967
La génération d’après (série « Les femmes aussi »), 1970
C’est ainsi qu’on invente le spectacle, 1974
En semi-liberté, 1974 (58 minutes sur les foyers de semi-liberté)
Réfugié provenant d’Allemagne : apatride d’origine polonaise, 1976
La photographie hors-cadre, 1978
En remontant la rue Vilin, 1992
L’ombre portée, 1993
Vienne avant la nuit, 2017
2 Sur cette pratique, voir « Lire, avec un crayon » in Portrait d’un lecteur, portfolio consacré à Robert Bober, in mémoires à l’œuvre de… Robert Bober : https://www.memoires-en-jeu.com/videos/memoires-a-loeuvre/ et téléchargeable : https://www.memoires-en-jeu.com/wp-content/uploads/2022/03/portrait-dun-lecteur-11-mars-2022.pdf.